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CanadaRECRUTEMENT : CONTROVERSES SUR LES ENTRETIENS COLLECTIFS

Pratiques | International | publié le : 26.11.2013 | LUDOVIC HIRTZMANN

L’entretien collectif d’embauche est une nouvelle tendance. S’il est limité à certaines catégories de postes et parfois suivi d’un second entretien, individuel, celui-là, il demeure critiqué par certains spécialistes des ressources humaines canadiens.

Canada Wonderland, le plus grand parc d’attraction du pays, situé près de Toronto, reçoit chaque année les CV de 28 000 personnes. L’équipe des ressources humaines embauche 4 000 candidats annuellement, le plus souvent pour des emplois saisonniers. « Beaucoup de nos départements conduisent des entrevues avec plusieurs candidats en même temps. Nous recherchons des gens qui sont ouverts, gentils et prêts à interagir avec les autres », précise le groupe, concernant sa procédure de recrutement. Les géants de la grande distribution, tels que Walmart ou la chaîne de grands magasins Sears, se sont convertis aux entretiens collectifs d’embauche.

Débat des candidats autour d’un thème

Lors de ces group interviews, plusieurs candidats, généralement entre cinq et huit, sont réunis autour d’une table et interrogés par un cadre du département des ressources humaines de l’entreprise, mais aussi par un ou deux supérieurs hiérarchiques potentiels. L’employeur invite alors les candidats à débattre sur un thème. « Nous étions huit candidats face à trois recruteurs qui nous ont demandé comment nous envisagions le métier d’hôtesse de l’air et de steward », confie Mélanie qui a passé des entretiens d’embauche collectifs dans plusieurs compagnies aériennes canadiennes.

François Bernard Malo, professeur en GRH à l’université Laval de Québec, explique que les entretiens collectifs sont pertinents pour les représentants commerciaux ou pour les consultants qui transigent avec beaucoup de monde. Mais ces entrevues sont aussi en usage dans les domaines de la santé ou du marketing. « Ces entretiens sont une façon de mesurer l’aptitude des candidats à respecter les autres, leur contrôle de soi, le respect des opinions divergentes […] et la manière de solutionner des problèmes en équipe », résume le professeur. Si l’entretien de groupe est souvent suivi d’un entretien individuel, le premier permet de comparer plus facilement les candidats. « La raison pour laquelle les entrevues collectives sont si efficaces est que vous voyez le groupe de candidats en même temps et que vous pouvez les évaluer », a déclaré au magazine Fortune, Jodie Shaw, le Pdg de la multinationale du coaching ActionCoach pour l’Amérique du nord.

À l’instar de nombreux spécialistes des RH québécois, François Bernard Malo déplore cependant la manière dont sont menés ces entretiens : « On utilise les entretiens collectifs pour de mauvaises raisons, pour traiter plus rapidement les embauches. » Un avis que partage Anne Bourhis, professeur en gestion des ressources humaines à HEC Montréal : « Ces entrevues ne permettent pas d’aborder les dimensions personnelles de la candidature, et elles créent une compétition entre candidats qui n’est pas propice à une évaluation sereine des compétences des individus ». Elle ajoute que, « dans les cas où elles sont utilisées, elles visent à observer les interactions interpersonnelles, la qualité d’écoute, l’esprit d’analyse, le style de communication, voire le style de leadership ».

Diminution des préjugés

Si les critiques sont parfois vives, d’autres experts, et non des moindres, louent les méthodes d’entretiens de groupe. Max H. Bazerman, professeur d’administration des affaires à la Harvard Business School et sa collègue Iris Bohnet, professeur de politique publique dans la même école, ainsi qu’une étudiante de Harvard, Alexandra van Geen, ont mené une intéressante étude sur les stéréotypes masculins et féminins lors des entrevues d’embauche. Les deux enseignants de Harvard ont remarqué que les entretiens collectifs diminuent les préjugés des recruteurs sur le sexe du candidat et facilitent notamment l’embauche des femmes : « En regardant ces deux modes d’évaluation séparément – les entretiens collectifs et individuels –, nous avons trouvé […] que, dans les entretiens de groupe, les préjugés de stéréotypes ne comptaient pas », concluent-ils. Le débat sur la pertinence de ces méthodes reste très ouvert.

Auteur

  • LUDOVIC HIRTZMANN