Réédition en format poche du remarquable ouvrage d’un géographe : à partir d’une analyse de la gentryfication des centres urbains des grandes métropoles et de l’exode concomitant des classes populaires en périphérie et dans l’espace rural, l’auteur explique comment la globalisation de l’économie a contribué à fracturer la société française entre une bourgeoisie urbaine mobile, en phase avec les valeurs de la mondialisation dont elle profite, et un prolétariat à la fois précarisé et conduit à l’immobilisme résidentiel par manque de moyens.

Ce nouveau partage du territoire contribue à reléguer les couches populaires hors de l’espace économique participant à son invisibilité sociale et politique. Il remet, ce faisant, en question les poncifs sur la mixité sociale qui fondent le modèle républicain français. Le traitement social des problèmes liés à l’immigration vient, selon l’auteur, occulter la lutte des classes à l’œuvre dans cette bipolarisation de la société française entre ceux qui, très qualifiés, tirent leur épingle de la nouvelle donne économique et ceux, insuffisamment qualifiés, condamnés à végéter dans des emplois peu rémunérés ou cantonnés aux aides sociales.

C’est dans la « France périphérique » qu’émerge aujourd’hui la sociologie de la France populaire, le problème ne se limitant pas, loin s’en faut, aux banlieues. La méconnaissance par les élites intellectuelles d’une situation dont elle profite représente un danger pour la cohésion nationale.

Fractures françaises

Christophe Guilluy, Flammarion, 190 pages, 8 euros.