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Enquête

DEUX ACCORDS POUR UNE DÉLOCALISATION

Enquête | publié le : 19.11.2013 | É. S.

Un accord de maintien de l’emploi et un autre sur les conditions d’accompagnement de la mobilité géographique encadrent le transfert du Havre vers Marseille des 140 postes des lignes Afrique de l’armateur. Sans référence à la loi de sécurisation.

« Nous nous sommes donné le temps du consensus. » Thierry Billion, DRH de CMA-CGM, résume ainsi l’état d’esprit dans lequel il a voulu mener les négociations encadrant le projet de délocalisation des 140 pos­tes de l’activité lignes Afrique du Havre vers le siège, à Marseille.

Il faut dire que l’annonce de ce projet, mi-2012, a d’abord suscité une levée de boucliers de la part des syndicats. « Il s’agit d’un des secteurs les plus qualifiés. Pour nous, c’était le signe du déclin programmé de l’établissement du Havre », se souvient Olivier Patin, délégué syndical CFDT. Finalement, le projet est suspendu ; « puis la direction est revenue vers nous au printemps 2013 avec un projet d’accord ».

Deux textes seront finalement signés, en mai et en juin, sans référence à la loi de sécurisation de l’emploi, qui n’était pas votée lorsque les négociations se sont achevées.

Des aides incitatives

Le premier accord garantit le maintien des effectifs sur le site du Havre, soit environ 500 postes. Le second accord détermine les mesures d’accompagnement. Et l’entreprise s’est donné les moyens d’inciter à la mobilité : indemnité de 20 000 euros minimum, aide à la recherche et à la revente du logement, prise en charge temporaire du différentiel de loyer, des frais d’une double résidence et d’un certain nombre d’allers-retours entre les deux villes pour le salarié et sa famille… la liste des garanties est longue pour ceux qui tenteront l’aventure marseillaise.

« Il faut prendre en compte l’emploi du conjoint, la scolarité des enfants et l’immobilier, deux fois plus cher à Marseille qu’au Havre, égrène le DRH. Nous avons également voulu contrecarrer la mauvaise image que les médias donnent de la ville, en invitant tous les salariés concernés à venir sur place. Nous avons par exemple organisé des rencontres avec des enseignants pour montrer la qualité de l’offre de formation marseillaise. » CMA-CGM propose aussi de compenser la perte éventuelle de pouvoir d’achat du conjoint, ou son accompagnement à la recherche d’emploi.

Pour ceux qui ne suivent pas, CMA-CGM s’est engagée à proposer au moins deux postes de reclassement au Havre. L’accord ouvre aussi la porte à des départs volontaires, « mais seulement pour les salariés qui ont un projet, que la commission paritaire contrôlera », insiste Olivier Patin. « Le départ volontaire n’est possible qu’en cas de libération de postes pour le reclassement, renchérit Glenn O’Brien, délégué syndical central FO. L’idée n’est pas de supprimer des effectifs. »

De fait, l’enjeu pour CMA-CGM est bien de garder au maximum les compétences en interne : « former les salariés à nos métiers, c’est très long. Les salariés affectés aux lignes Afrique ont développé un savoir-faire spécifique, essentiel pour nous », reprend Thierry Billion.

Début novembre, près d’une cinquantaine de salariés avait accepté de partir à Marseille, selon les syndicats. Au-delà, donc, de l’objectif de 30 % que s’était fixé le DRH. « Certains salariés s’inquiétaient de savoir ce qu’ils allaient devenir dans les prochaines années, s’ils s’installaient à Marseille. Ils ont été rassurés de voir qu’il y avait des opportunités de carrière au siège qui n’existent pas au Havre », avance-t-il. L’accord prévoit en outre une période probatoire de six mois.

Malgré tout, la vigilance des syndicats reste de mise. « Là où le bât blesse, c’est sur les postes ouverts au reclassement au Havre, affirme Glenn O’Brien. Les non-cadres se voient proposer des emplois à peu près équivalents, mais, pour les cadres, il y a un sérieux problème quantitatif. Les postes ouverts au reclassement sont essentiellement des fonctions d’agence commerciale, de statut employé ou agents de maîtrise. »

« L’accord de maintien de l’emploi nous a obligés à nous poser la question de l’activité que l’on voulait localiser au Havre », explique Thierry Billion, qui évoque des activités d’agence maritime et de logistique. « Nous ne pouvons pas implanter n’importe quel métier, il faut de la cohérence. » Une équipe RH dédiée a été mise en place pour accompagner les salariés. Et CMA-CGM s’est aussi donné le temps de se réorganiser : les transferts à Marseille pourront s’échelonner jusqu’en septembre 2014.

CMA CGM

• Activité : transport maritime.

• Effectif : 4 700 salariés en France.

• Chiffre d’affaires : 15,9 milliards de dollars en 2012.

Auteur

  • É. S.