logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

AllemagneVERS LA FIN DU DUMPING SALARIAL DANS LA VIANDE

Pratiques | International | publié le : 12.11.2013 | MARION LEO

Une négociation sur un salaire minimum dans l’industrie de la viande a commencé. Pour le syndicat NGG, il s’agit de mettre un terme aux pratiques de dumping salarial. Le patronat entend quant à lui restaurer l’image de la branche.

Soixante millions de porcs abattus en 2012, 2e exportateur de viande porcine dans le monde derrière les États-Unis, un chiffre d’affaires en hausse de 25 % depuis 2005, atteignant 34,6 milliards d’euros en 2011… l’industrie allemande de la viande se porte à merveille. Pour les entreprises, ce succès est le résultat de processus de fabrication ultramodernes et d’une grande efficacité. Pour le syndicat de l’alimentation NGG, il repose au contraire sur des pratiques de dumping salarial, le recours abusif à la sous-traitance et l’exploitation de travailleurs originaires d’Europe de l’Est.

« L’industrie allemande de la viande, en particulier les abattoirs, a misé pendant des années sur un modèle commercial reposant sur les contrats de sous-traitance (Werkverträge) », dénonce Claus-Harald Güster, président du syndicat. Selon ses estimations, entre 50 % et 80 % des personnes travaillant dans les abattoirs allemands sont des travailleurs étrangers, essentiellement roumains et bulgares, employés sur la base d’un de ces “contrats de sous-traitance”. Recrutés par des sous-traitants dans leur pays d’origine, ils travaillent en Allemagne souvent entre dix et treize heures par jour à un rythme très soutenu et sont rémunérés entre 4 et 6 euros de l’heure. Un salarié fixe allemand gagne, lui, environ 13 euros par heure. « En Bavière, des travailleurs roumains ont perçu un salaire mensuel de 176 euros », s’indigne le leader syndical.

Sous-traitance

Autre problème : ils sont souvent logés dans des conditions inhumaines, entassés à plusieurs dans des chambres exiguës. Le loyer est déduit de leur salaire. Et Claus-Harald Güster de préciser : « Nous n’avons rien contre les contrats de sous-traitance, qui constituent un instrument économique normal, mais certaines entreprises en ont fait une forme d’esclavage moderne. Elles se déchargent de leur responsabilité en confiant la prestation de tâches à des sous-traitants. De cette manière, les accords collectifs sont contournés et les travailleurs roumains sont livrés sans protection à leurs chefs ». Selon lui, les pays voisins comme la France, le Danemark et la Belgique accusent à juste titre l’Allemagne de se procurer des avantages concurrentiels en tolérant des pratiques de dumping social. « La Belgique a déposé une plainte officielle auprès de la Commission européenne », souligne-t-il. L’Allemagne est devenue un pays à bas salaires… Car, si l’emploi d’intérimaires étrangers existe aussi, par exemple dans les abattoirs français, l’absence d’un smic en Allemagne fait la différence.

Mais la situation pourrait bientôt s’améliorer. La Fédération allemande des entreprises de l’alimentation VDEW a entamé pour la première fois, le 22 octobre dernier, une négociation avec le syndicat NGG en vue d’adopter un accord collectif instaurant un salaire minimum de branche dans l’industrie de la viande. « Nous voulons mettre enfin un terme aux discussions » et rétablir l’image de marque de notre activité entachée par l’agissement de “moutons noirs”, a expliqué Michael Andritzky, président de la fédération patronale, qui représente les grands abattoirs Tönnies, Vion, Danish Crown et Westfleisch, ainsi que les abattoirs de volailles Wiesenhof et Heidemark.

Salaire différencié

Le premier round de négociation s’est soldé par un échec. Le syndicat NGG réclame en effet un salaire minimum de 8,5 euros unique pour toute l’Allemagne, qui s’appliquerait aux 80 000 salariés de l’industrie de la viande, ainsi qu’aux travailleurs étrangers sous contrat par le biais de la « loi sur les travailleurs détachés ». Le patronat souhaite, lui, introduire un salaire différencié entre “anciens” et “nouveaux” Länder, ceux de l’ex-RDA où la productivité est plus faible. Le prochain round aura lieu le 17 décembre. Mais, d’ici là, une autre solution pourrait bien être trouvée. La CDU et le SPD négocient à l’heure actuelle la mise en place d’un salaire minimum interprofessionnel de 8,5 euros par heure. Le SPD en a fait une condition sine qua non pour sa participation à une grande coalition. Un espoir de plus pour les travailleurs d’Europe de l’Est.

Auteur

  • MARION LEO