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Vifs débats sur la reprise d’entreprise

Actualités | publié le : 12.11.2013 | ROZENN LE SAINT

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Vifs débats sur la reprise d’entreprise

Crédit photo ROZENN LE SAINT

Le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi sur l’ESS, qui définit pour la première fois ce secteur à la gouvernance démocratique ou participative. L’article sur l’information des salariés d’un projet de reprise en cas de cession, deux mois à l’avance, irrite le patronat.

Adopté le 7 novembre par le Sénat, le projet de loi de Benoît Hamon, ministre délégué à l’économie sociale et solidaire (ESS), devrait aboutir à une loi au second semestre 2014. Premier objectif, définir l’ESS, qui constitue 10 % du PIB et des emplois en France dans des secteurs à fort potentiel de croissance comme les services à la personne, l’économie verte ou le domaine sanitaire et social (lire l’article ci-contre).

Le deuxième enjeu est de lui donner encore plus de moyens pour se développer, notamment en facilitant l’accès au financement. Le texte prévoit que les entreprises et associations de l’ESS se tournent vers la banque publique d’investissement (Bpifrance). Sur les 42 milliards d’euros dont elle est dotée, au moins 500 millions d’euros leur seront réservés. « Reste à définir dans quelles conditions, le projet de loi n’en dit rien, il faudra attendre l’application du texte pour en savoir plus », nuance Jean-Marc Borello, délégué général de la plus importante holding associative de l’ESS, le groupe SOS, qui emploie 11 000 salariés, et vice-président du Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves). Le ministre estime que sa loi permettra la création de 100 000 emplois supplémentaires dans l’ESS.

Le même droit pour toutes les sociétés

Et avant de créer des emplois avec ce projet de loi, le gouvernement compte d’abord en sauver. Cette priorité affichée est aussi celle qui suscite le plus de polémiques. « Chaque année, au moins 50 000 emplois disparaissent dans des entreprises saines au sein desquelles la succession du chef d’entreprise n’a pas été préparée, ou pour lesquelles aucun repreneur ne s’est manifesté », regrette Benoit Hamon. Alors, pour y remédier, le texte vise à faciliter la reprise des entreprises par le personnel en créant le même droit pour toutes les sociétés de moins de 250 salariés : ces derniers devront être informés au moins deux mois à l’avance d’un projet de cession afin de leur permettre, le cas échéant, de formuler une offre.

Confidentialité des projets de cession

Mais la mesure a soulevé une levée de boucliers de la part des organisations patronales, qui redoutent que les salariés ne gardent pas le secret du projet de cession, que les repreneurs potentiels s’en écartent, ce qui pourrait mener à un échec du processus de cession et à la paralysie. C’est aussi ce qui a poussé les sénateurs du centre et de la droite à rejeter le projet de loi. À cette avalanche de critiques, Benoît Hamon rétorque que les salariés seront soumis au devoir de confidentialité.

La CFE-CGC, elle, se félicite que la reprise d’entreprises devienne une priorité nationale. « Dans les dix ans qui viennent, il y aura entre 500 000 à 700 000 entreprises à reprendre. Or qui est mieux placé qu’un cadre, qu’un technicien ou qu’un ingénieur des sociétés en difficulté pour le faire ? », interroge Carole Couvert, présidente du syndicat des cadres. Mais à deux conditions. D’abord, la CFE-CGC insiste sur la nécessité de mettre l’accent sur les cursus de formation à la reprise d’entreprises, avec l’appui des CCI. Elle compte sur les négociations sur la formation professionnelle pour lui faire la part belle. « Les salariés n’auront plus des carrières linéaires, ils seront tantôt de simples salariés, tantôt des repreneurs d’entreprises, tantôt des créateurs de Scop. Nous devons accompagner ces changements de statuts et devenir des incubateurs de talents », affirme-t-elle. Ensuite, les sources de financement doivent être consolidées. « Nous réfléchissons à la création d’un fonds d’investissement éthique CFE-CGC », indique Carole Couvert.

Toujours pour faciliter à la fois la reprise par les salariés et le financement, le projet de loi contient une autre disposition portée par la Confédération générale des Scop sur la création d’un statut transitoire de Scop d’amorçage : pendant sept ans, des investisseurs extérieurs pourront être présents au capital de la Scop, le temps que les salariés rachètent les parts nécessaires à leur montée au capital. Mais pendant ce laps de temps, la gouvernance restera entre leurs mains. Ainsi, les salariés, associés minoritaires, auront la majorité des droits de vote, le temps d’amorcer la reprise d’entreprise.

UNE DÉFINITION POUR L’ESS

Double lancement pour l’économie sociale et solidaire (ESS). Au moment-même où débute le mois de l’ESS, le projet de loi a entamé son parcours parlementaire : le Sénat l’a adopté en première lecture le 7 novembre. Le texte définit pour la première fois le périmètre de ce secteur, qui regroupe environ 200 000 entreprises (associations, mutuelles, coopératives) conciliant activité économique et utilité sociale.

Les entreprises et organismes du secteur devront justifier de la poursuite d’un but d’utilité sociale, d’une gouvernance démocratique ou participative définie par des statuts, et d’une gestion dont le but est une lucrativité limitée ou encadrée. L’ESS représente aujourd’hui 10 % du PIB et des emplois en France (soit 2,35 millions de salariés). Alors que les Scop centralisent l’attention, elles représentent seulement 40 000 emplois. Mais le gouvernement espère doubler ce chiffre en cinq ans. L’ESS est un secteur où les femmes sont sureprésentées, avec 67 % de salariées (contre 40 % pour le reste de l’économie privée et 60 % dans le public), qui s’explique par le positionnement de l’ESS sur des secteurs d’activité traditionnellement féminisés (action sociale, santé, éducation, etc.).

Auteur

  • ROZENN LE SAINT