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Protection maximale pour les désamianteurs

Pratiques | publié le : 22.10.2013 | ROZENN LE SAINT

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Protection maximale pour les désamianteurs

Crédit photo ROZENN LE SAINT

Depuis le 1er juillet 2012, les entreprises de démolition sont soumises à de nouvelles limites d’empoussièrement, qui les obligent à renforcer la prévention individuelle et collective des salariés en contact avec la fibre létale.

Les sociétés qui travaillent en contact avec l’amiante ont un double objectif : préserver la santé de leurs salariés et éviter la contamination de l’environnement. Quel que soit le niveau d’empoussièrement, les surfaces environnantes sont préservées grâce à des équipements de protection collective, fixés par un nouvel arrêté du 8 avril 2013. Au CHU de Caen, des opérations de désamiantage sont en cours : « Avant les travaux, l’entreprise de désamiantage établit un plan de retrait et d’encapsulage, soumis à l’inspection du travail, la Carsat et l’OPPBTP, et présentant notamment les mesures de protection à mettre en place et les analyses de risques », indique Jérôme Colin, responsable du département prévention des risques environnementaux de l’hôpital.

Selon Anita Romero-Hariot, ingénieure spécialiste de l’amiante à l’INRS, « il faut privilégier les mesures de protection collective comme l’aspiration à la source et l’humidification, pour éviter que la poussière s’envole et pollue l’environnement. Il faut veiller à décontaminer le personnel, avec au minimum un tunnel à trois compartiments différents équipés de deux douches à l’intérieur des unités de travail, ou une des deux à l’extérieur, selon le contexte et le niveau de contamination. » En dernier lieu viennent les équipements de protection individuelle (EPI), fixés par l’arrêté du 7 mars 2013 : une combinaison à usage unique, dont les coutures sont recouvertes et les chevilles scotchées avec de l’adhésif sur les bottes, des gants et un masque différent selon le niveau d’empoussièrement. Par exemple, un plombier qui intervient chez des particuliers sur des joints amiantés se contente d’un masque filtrant à usage unique, prévu pour le niveau 1 d’empoussièrement. Quand le niveau 2 est atteint, un masque complet à adduction d’air ou à ventilation est exigé. Côté pratique, « le masque à adduction d’air est plus contraignant que le masque ventilatoire, puisque le premier est relié par un cordon à une centrale qui produit de l’air, témoigne Mathieu Hiblot, délégué général du Syndicat national des entreprises de démolition (Sned). Il oblige le travailleur à porter dans le dos sa réserve d’air dans une bouteille, ce qui peut être compliqué pour les travaux en hauteur, sur les toits, par exemple. » Pour le niveau 3, pas le choix, seule la combinaison étanche ventilée à adduction d’air, similaire à celle utilisée dans le milieu du nucléaire, est autorisée.

« Il est possible d’augmenter le nombre et la qualité des EPI à l’infini, mais, en plus de la protection du travailleur, celle de l’environnement du chantier et la contamination des locaux adjacents sont en jeu. C’est pourquoi il faut avant tout insister sur les mesures de protection collective mises en place en amont, sur le choix des techniques et des outils les moins émissifs. Les fabricants de matériels ont encore des efforts à fournir », interpelle l’experte de l’INRS. L’aspiration à la source intégrée aux outils, permettant par exemple les captages de poussières sur les engins de rabotage de route, n’est pas encore suffisamment développée.

De nouvelles normes en 2015

Si les changements législatifs du 1er juillet 2012 n’ont pas beaucoup modifié la donne, « la vraie révolution est attendue pour 2015 », estime Olivier Rio, dirigeant de l’entreprise de dépollution Alisa D. Au 1er juillet 2015, la valeur limite d’exposition à l’amiante ne devra pas dépasser dix fibres par litre, soit une division par dix du taux actuel autorisé (lire l’encadré). Néanmoins, il met en garde contre « une analyse des risques qui ne doit pas être exclusivement centrée sur l’amiante. Dans certains cas, notamment sur les friches ou les bâtiments sinistrés par un incendie, ceux liés à la stabilité des structures dégradées prévalent, indique-t-il. Heureusement, nous avons des échanges constructifs avec les services de la Direccte. Car, si on applique à la lettre les règles sans les adapter aux situations réelles, le risque est que cela devienne pratiquement impossible de désamianter et trop coûteux, et que les friches soient laissées en l’état, ce qui est bien plus dangereux pour la population. » Déjà, les entrepreneurs ont vu leur devis augmenter de 30 % à 50 % depuis deux ans, à cause des coûts de prélèvements et d’analyses des laboratoires. Une hausse que les clients ont parfois du mal à accepter et qui, selon les témoignages de dirigeants de sociétés spécialisées, pousse certains à recourir à du travail au noir pour désamianter des bâtiments, avec un moindre respect des normes de protection.

Outre les entreprises de désamiantage, certains métiers annexes régulièrement exposés à l’amiante devront être certifiés à partir du 1er juillet 2014 (lire l’encadré).

« La démarche est longue, il faut six mois pour obtenir la certification. Cela ne m’étonnerait pas que la grande majorité des couvreurs ne se lancent pas dans la démarche. Pour les grandes entreprises, dotées de responsables qualité, c’est plus facile, mais pour les PME, c’est une autre histoire », assure Jean-Marie Fraboul, chargé d’exploitation à SP Environnement. Enfin, les derniers changements législatifs n’ont pas modifié les exigences de formation du personnel. Elle reste de cinq jours pour les opérateurs (coût d’environ 1 800 euros) à dix pour l’encadrement (3 500 euros environ), renouvelable tous les trois ans.

L’ESSENTIEL

1

Depuis le 1er juillet 2012, la valeur limite d’exposition professionnelle aux fibres d’amiante a été abaissée. Au 1er juillet 2015, le seuil sera encore divisé par dix.

2

À partir du 1er juillet 2014, les couvreurs et autres professionnels en contact régulier avec la fibre devront obtenir une certification spécifique.

3

Le confinement de la zone de travaux, l’aspiration des poussières à la source et les EPI permettent de protéger les salariés en contact direct avec l’amiante, et l’environnement adjacent.

Vers une certification obligatoire de certaines entreprises

Depuis le 1er juillet 2012, les mesures de l’empoussièrement de l’amiante ont changé, après les recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire et de l’alimentation (Anses).

La distinction entre amiante friable et non friable est oubliée et la valeur limite d’exposition professionnelle a été fixée à 100 fibres par litre. Le 1er juillet 2015, le seuil sera encore divisé par dix : l’empoussièrement ne pourra dépasser les 10 fibres par litre, ce qui rendra encore plus nécessaire l’aspiration à la source des poussières.

Par ailleurs, « à partir du 1er juillet 2014, les entreprises traitant de l’enveloppe extérieure des bâtiments, ainsi que celles de génie civil réalisant les travaux d’encapsulage en milieu extérieur, seront soumises à une certification obligatoire. Cela constitue une évolution réglementaire très importante », assure Dominique Payen, responsable domaine risques chimiques et environnement à la direction technique de l’OPPBTP. Résultat, les sociétés sont amenées à renforcer la prévention à la contamination des fibres létales de leurs salariés et de l’environnement. En premier lieu, « le maître d’ouvrage doit faire établir un diagnostic amiante par des bureaux de contrôle pour déterminer où elle se trouve et en quelle quantité », explique Dominique Florio, fondateur du réseau des techniciens du désamiantage Tempo.

Ensuite, « l’entreprise de désamiantage doit intervenir avec du personnel formé au risque amiante et couvert par une responsabilité civile d’atteinte à l’environnement », énumère-t-il.

Auteur

  • ROZENN LE SAINT