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LE MARIAGE POUR TOUS DANS L’ENTREPRISE

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 15.10.2013 |

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LE MARIAGE POUR TOUS DANS L’ENTREPRISE

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Le lien entre la loi sur le mariage pour tous et la vie de l’entreprise ne paraît pas évident à première vue, ce d’autant que les débats qui ont entouré l’adoption de ce texte de loi se sont cantonnés à des aspects sociétaux, sans lien avec le monde de l’entreprise. Pour autant, à l’heure où il est demandé aux entreprises de prendre en compte (et même d’accompagner) les évolutions sociétales, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe ne peut être ignorée.

La loi sur le mariage pour tous va en effet générer de nouveaux droits pour les salariés de même sexe qui vont se marier. Les entreprises devront se conformer à leurs obligations. L’enjeu majeur sera pour elles de s’assurer de l’utilisation effective des droits nouveaux ainsi créés afin d’éviter tout risque de discrimination, alors que la revendication d’un tel droit supposera pour le salarié l’affirmation publique de son orientation sexuelle au sein de l’entreprise, avec les risques que cela peut impliquer pour lui.

• L’ouverture des droits

Du point de vue du droit du travail, le texte de loi comporte très peu de dispositions qui intéressent la matière. On citera l’adaptation des textes du Code de la sécurité sociale sur le congé d’adoption et la création d’un droit au refus d’une mutation dans un État incriminant l’homosexualité. L’élargissement du bénéfice du congé de paternité aux couples de même sexe ne figurait pas, quant à lui, dans le texte de la loi sur le mariage pour tous, mais dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 qui l’a précédé.

Si on élargit un peu le prisme d’examen, l’influence de la loi sur le mariage pour tous est plus importante en matière de protection sociale : le conjoint survivant pourra désormais prétendre à une pension de réversion (la retraite de réversion pourra être partagée le cas échéant avec d’ex-conjoints survivants). Les majorations pour enfant seront applicables aux couples de même sexe. Pour le reste, les entreprises devront s’assurer que leur statut collectif ne comporte aucune disposition qui, compte tenu d’une rédaction antérieure à l’adoption de la loi sur le mariage pour tous, priverait les couples de même sexe de droits accordés aux couples de sexe différent.

• Garantir l’utilisation effective des droits Garantir l’utilisation effective des droits, c’est s’assurer que les collaborateurs concernés au sein de l’entreprise seront mis en mesure de les revendiquer, sans crainte que l’affirmation de leur orientation sexuelle ait une quelconque conséquence sur leurs conditions de travail, leur carrière et même leur présence dans l’entreprise.

Au regard des risques associés (discrimination, harcèlement moral), les entreprises doivent sur ce terrain être proactives. Elles en ont les moyens : les dernières années ont vu se multiplier les obligations pour les entreprises en matière de prise en compte (au travers de la négociation parfois) de la diversité et de l’égalité dans l’entreprise (négociation sur l’égalité hommes-femmes, négociation sur les seniors, intégration des handicapés, obligation de négociation sur la carrière des représentants du personnel dans le cadre de la GPEC).

Le contexte existe donc pour négocier globalement sur l’égalité dans l’entreprise, ce d’autant que, sur le terrain de l’orientation sexuelle, les mesures à mettre en œuvre peuvent être basiques : communication interne sur le refus des discriminations, formation des managers. Certaines entreprises sont allées plus loin, au travers d’une démarche d’adhésion à une charte, telle la charte de la diversité dans l’entreprise ou encore celle proposée par l’Autre Cercle. Une démarche plus active pourrait consister en la création d’un référent égalité-diversité (sorte de défenseur de droits interne à l’entreprise) ou à mettre en place le comité élargi de la diversité issu de l’ANI du 12 octobre 2006.

Il faut toutefois être réaliste : le sujet n’est pas une priorité et suppose une volonté interne forte. L’exemple de la thématique égalité hommes-femmes est criant à cet égard : jusqu’à la création de pénalités pour les entreprises ne négociant pas sur le sujet, ce thème n’a jamais été réellement abordé. Gageons qu’il risque d’en être de même en ce qui concerne l’orientation sexuelle.

Florent Millot, avocat, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.