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États-UnisVOLKSWAGEN JOUE L’EXCEPTION SYNDICALE DANS LE TENNESSEE

Pratiques | International | publié le : 08.10.2013 | CAROLINE TALBOT

Le constructeur automobile n’exclut pas l’arrivée du syndicat américain UAW sur son site de Chattanooga. Les négociateurs prévoient un système de cogestion à l’allemande, avec la bénédiction d’IG Metall. Une reconnaissance du fait syndical rare dans les États du Sud.

Les représentants de l’UAW (United Auto Workers) et la direction de Volkswagen of America négocient l’introduction du syndicat de l’automobile au sud des États-Unis, dans l’usine de Chattanooga (Tennessee). « Si leurs discussions aboutissent, ce serait une première en Amérique, dit Lowell Turner, directeur de l’institut du travail de l’université Cornell. C’est très prometteur. » L’UAW n’a encore jamais réussi à s’implanter dans les États du Sud. Ces régions se sont construites au fil des ans une réputation d’ennemies des organisations de travailleurs. Les élus du Sud ont adopté une législation “right to work”, permettant aux salariés de refuser de payer les cotisations au syndicat. Ils ont attiré les constructeurs automobiles étrangers (VW, BMW, Daimler, Honda, Toyota, Nissan, Hyundai) avec la promesse de salaires plus bas que ceux payés dans les usines du Michigan, où l’adhésion à l’UAW est pratique courante. Le Sud se veut libre (de syndicats) et moins cher.

Mais Bob King, le patron de l’UAW, n’accepte pas le statu quo. Son syndicat en perte de vitesse compte seulement 382 518 adhérents. Il a donc lancé en 2011 une campagne de 60 millions de dollars pour s’introduire dans les sites du Sud et regonfler ses effectifs. Pour l’instant, l’effort était resté vain… jusqu’à ce que les portes de Chattanooga s’entrouvrent, avec l’aide du syndicat allemand IG Metall.

Les militants de l’UAW et d’IG Metall se sont rencontrés. Bob King est allé fin août à Wolfsburg, en Allemagne, discuter avec les patrons de Volkswagen, et il en est revenu avec l’envie de jouer la carte de la cogestion allemande sur le sol de l’Oncle Sam.

Un nouvel environnement

Les représentants d’IG Metall, actionnaires de Volkswagen, sont déjà partie prenante dans 61 “conseils du travail” Volkswagen, dispersés sur toute la planète. L’UAW pourrait faire de même à Chattanooga, où VW s’est implanté il y a deux ans. Les syndicalistes américains se disent prêts « à créer un environnement où la compagnie et les salariés réussissent ensemble ». Bob King est tout à fait ouvert à l’idée d’un conseil du travail, composé à parts égales de salariés et de représentants de la direction. Ce conseil permettrait d’aborder ensemble les questions de qualité, de productivité, de formation, de sécurité…

Reconnaissance préalable

Mais avant de mettre en place le modèle allemand à Chattanooga, la législation du travail américaine impose la reconnaissance du syndicat UAW dans l’usine. D’ores et déjà, plus de la moitié des salariés du site ont sollicité l’UAW. La balle est dans le camp de Volkswagen. « Le constructeur peut tout simplement reconnaître le syndicat ou réclamer une élection à bulletins secrets dans les trois à quatre semaines », explique Lowell Turner. La direction n’a pas encore choisi.

« Si la démarche de l’UAW aboutit, poursuit le professeur, le syndicat mettrait en valeur le modèle alternatif de Chattanooga, ce mode de fonctionnement coopératif pourrait se propager dans le Sud. » Les experts de l’automobile pensent aux usines BMW de Spartanburg (Caroline du Sud) et Mercedes Benz de Vance (Alabama). Il existe aussi les sites du japonais Nissan dans le Mississippi et le Tennessee. Et Honda, Toyota et le coréen Hyundai ont investi dans l’Alabama. Jusqu’ici, l’UAW s’y est cassé les dents.

Ce qui se passe à Chattanooga ne fait pas l’affaire des politiques du cru. Le gouverneur républicain du Tennessee Bill Haslam s’est dit opposé à l’arrivée de l’UAW sur ses terres. Le sénateur républicain Bob Corker, ancien maire de la ville, a prédit que Volkswagen serait « la risée » de l’Amérique si l’opération aboutit. « Ces élus du Sud haïssent profondément les syndicats », explique Lowell Turner. Mais ils ne peuvent faire pression sur la direction de Volkswagen : « L’État a davantage besoin des emplois de l’automobile que Volkswagen des aides financières du Tennessee », assure le professeur.

Auteur

  • CAROLINE TALBOT