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Enquête

« Le besoin d’accompagnement des salariés en mobilité est sous-estimé par les services RH »

Enquête | publié le : 08.10.2013 | NICOLAS LAGRANGE

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« Le besoin d’accompagnement des salariés en mobilité est sous-estimé par les services RH »

Crédit photo NICOLAS LAGRANGE

E & C : La mobilité interne est-elle favorisée par le gel des recrutements externes dans de nombreuses entreprises ?

E. L. : Pas forcément, car les crises successives accroissent les contraintes d’emplois – non-remplacement, réorganisations… –, ce qui rend encore plus difficile la réalisation et la réussite des mobilités internes. Résultat, les durées d’attente s’allongent et peuvent atteindre un an, entre le souhait de bouger exprimé par un salarié et son affectation à un nouveau poste. Or le fait de se déclarer en mobilité rend le salarié vulnérable. Un salarié que l’on sait sur le départ ne fait déjà plus partie de l’équipe, est exclu des projets, est parfois remplacé bien avant d’être parti. Il finit souvent par culpabiliser, essuie parfois des échecs sans en connaître les raisons et se dit : « L’entreprise met beaucoup en avant la mobilité, j’ai joué le jeu, mais cela ne m’a pas réussi. Finalement, mieux vaut préparer sa mobilité tout seul, sans le dire et sans passer par les dispositifs RH. »

E & C : Comment limiter les dégâts ?

E. L. : Les entreprises peuvent encadrer les délais, ne pas remplacer le candidat à la mobilité tant que sa nouvelle affectation n’est pas connue. Lorsque sa candidature n’est pas retenue, il faut toujours lui expliquer pourquoi et éviter de lui envoyer un courrier standard. Mais les vraies raisons ne sont pas toujours avouables, notamment lorsque les circuits de recrutement sont informels. D’autant qu’avec la crise, la zone de recrutement se restreint, les managers ont tendance à recruter localement des profils immédiatement opérationnels. Par exemple, un salarié exerçant le même métier ou un métier proche dans la même entité. Ce qui réduit le champ de la mobilité.

E & C : Les freins managériaux nécessitent-ils que les RH prennent davantage la main ?

E. L. : Oui, car le management intermédiaire constitue le principal frein à la réussite de la mobilité interne. Bien souvent, le manager ne veut pas laisser partir le collaborateur, lui demande d’attendre un peu, voire le bloque dans sa démarche. C’est pourquoi je préconise de former les managers au développement de leurs collaborateurs, et que cela pèse dans leur évaluation. On ne peut pas laisser faire le jeu de l’offre et de la demande, il faut des politiques RH plus volontaristes. Certains groupes comme Axa ont choisi de faciliter la mobilité interne pour développer leurs collaborateurs, d’autres au contraire estiment que les RH sont des business partners qui doivent avant tout fournir une entité en ressources et en compétences, sans mettre l’accent sur l’employabilité.

E & C : “Le salarié, acteur de sa mobilité interne”, est-ce un bon postulat ?

E. L. : Les changements de postes étaient autrefois principalement décidés par les managers et les responsables RH, les salariés étant alors mis devant le fait accompli. Le centre de gravité de la mobilité s’est progressivement recentré sur le salarié lui-même. C’est aujourd’hui lui qui doit prendre l’initiative et mobiliser ses ressources. Mais, pour cela, il faut déjà que les bourses d’emploi soient revisitées régulièrement, avec de vrais postes à pourvoir (et non déjà pourvus). De plus, la majorité des salariés ont absolument besoin d’être accompagnés, individuellement, pour mieux connaître l’entreprise, les différents métiers, les procédures et tous les impacts d’un changement de poste. Ce besoin est souvent sous-estimé par les services RH, qui ont besoin d’être davantage professionnalisés dans ce domaine.

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE