logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

Les PME s’y mettent lentement

Pratiques | publié le : 01.10.2013 | MARIETTE KAMMERER

Image

Les PME s’y mettent lentement

Crédit photo MARIETTE KAMMERER

Le dispositif d’emploi des jeunes et de maintien des seniors attire surtout les plus petites entreprises, alors que l’obligation de négocier freine les autres. Toutefois, au regard des premières expériences, les principaux objectifs semblent atteints : favoriser l’emploi en CDI et la transmission des savoirs, alerter sur les risques de perte de compétences.

Six mois après le vote de la loi sur le contrat de génération, le dispositif a-t-il séduit les entreprises de moins de 300 salariés ? Sans doute pas à la hauteur de ce que prévoyait le gouvernement, qui tablait sur 500 000 contrats signés en cinq ans et 75000 dès la première année. Malgré l’aide financière à laquelle ces PME peuvent prétendre – 4 000 euros par an pendant trois ans pour l’embauche en CDI d’un jeune de moins de 26 ans et le maintien dans l’emploi d’un senior de plus de 57 ans – seules 10 600 demandes ont été enregistrées à la mi-septembre. On est donc encore loin du compte.

Mesure adaptée aux entreprises de moins de 20 salariés

Faibles perspectives de recrutement d’une part, manque d’information des entreprises, qui connaissent peu ou mal le dispositif, d’autre part, expliquent ce démarrage poussif. Qui plus est, ce sont essentiellement les entreprises de moins de 50 salariés qui y ont contribué. Elles représentent les neuf dixièmes des contrats signés : « Les retours que nous avons sont très positifs, surtout des moins de 20 salariés, car la mesure est adaptée à leurs besoins », indique Maroussia Krawec, conseillère de l’Aract IDF, qui anime des réunions d’information auprès des PME. En effet, l’aide de l’État leur est versée sans conditions : un appel à Pôle emploi, un formulaire à remplir, et le tour est joué. « La démarche est ultra-simple », confirme Aurélien Lasnier, gérant d’une entreprise de maçonnerie, qui a fait valider ses trois contrats de génération en quinze jours.

À partir de 50 salariés en revanche, les choses se compliquent : l’entreprise est tenue, pour bénéficier de l’aide, de réaliser un diagnostic et de négocier un accord ou, à défaut, de rédiger un plan d’action. Une démarche jugée trop complexe par la moitié des 120 DRH interrogés dans une enquête de Cegos.

Un exercice contraignant

L’état des lieux doit définir les compétences clés pour l’entreprise, les caractéristiques des postes occupés par les jeunes et les seniors, le nombre et les dates de départs prévus. « Ce diagnostic obligatoire doit amener les entreprises à se poser les bonnes questions – où sont concentrés les seniors ? Pourquoi ? Quel problème cela pose-t-il ? etc. C’est justement ce qui a manqué aux accords seniors », souligne Michel Parlier, spécialiste du sujet à l’Anact. Le contenu de l’accord doit préciser les objectifs de recrutements de jeunes, de seniors, les modalités de transmission des compétences et de maintien dans l’emploi. « C’est une contrainte dissuasive pour les entreprises, qui, du coup, préfèrent attendre d’être couvertes par un accord de branche », indique Marc Raynaud, président de l’Omig (Observatoire du management intergénérationnel).

Fin août, on recensait seulement 153 accords et 178 plans d’action signés par des entreprises de 50 à 300 salariés. Quant aux branches professionnelles, seules quatre – l’assurance, la métallurgie, les industries pharmaceutiques, et la filière alimentaire – ont conclu un accord. Sans que l’on puisse dire, pour le moment, si cela a suscité davantage de signatures de contrats de génération dans les PME de ces secteurs. Une vingtaine de branches sont également en cours de négociation, d’après le ministère du Travail.

Incitation au CDI

Au vu des premiers retours d’expérience, le dispositif répond-il à son objectif de soutenir l’emploi des jeunes et des seniors ? La plupart des entreprises signataires d’un contrat de génération admettent qu’elles auraient recruté de toute façon, et qu’elles connaissaient le candidat. Certaines ont même bénéficié de l’aide pour un contrat déjà signé – le dispositif étant rétroactif jusqu’en janvier dernier.

Faut-il alors y voir un simple effet d’aubaine ? Pas tout à fait. Si l’aide financière ne crée pas l’embauche, elle incite du moins les employeurs à opter pour le CDI, et contribue donc à changer les habitudes de recrutement. Pour l’entreprise de portage de repas à domicile Le Sourire de Nestor, ce financement a été déterminant dans la décision de pérenniser le poste d’une salariée en CDD. Et sans l’appât des 12 000 euros sur trois ans, l’entreprise de mécanique de précision Rectif 46 aurait certes recruté, mais sans doute pas en CDI.

Transmission des compétences

En outre, cet argent va permettre aux petites entreprises de mettre l’accent sur la transmission des compétences, qui est l’autre objectif du contrat de génération. C’est le cas à Cerafrance, fabricant de céramique réfractaire (moins de 20 salariés): « Nous avons du mal à remplacer nos seniors et les jeunes que nous recrutons ne sont pas formés à nos métiers, explique son gérant Jean-Claude Kergoat. Les 4000 euros vont alléger ce coût de formation interne et nous aider à y consacrer le temps nécessaire. » À noter qu’un contrat de professionnalisation, à condition qu’il soit en CDI, peut faire l’objet d’une convention et d’un financement en contrat de génération.

Chez les plus de 50 salariés, les entreprises qui ont réalisé leur diagnostic perçoivent parfois l’intérêt de cet exercice contraignant. « Cette analyse, qui a occupé une journée de travail, nous a fait prendre conscience du départ de nos compétences clés d’ici à dix ans, précise Amandine Mellira, DRH de Saphelec (75 salariés), spécialisée dans la téléphonie pour entreprise. La démarche n’était pas inutile, même si je l’ai fait avant tout pour bénéficier du financement et pouvoir pérenniser une salariée en CDD. »

En l’absence de représentants syndicaux, la DRH a rédigé un plan d’action de cinq pages, présenté en CE. Ce plan prévoit un parcours d’intégration pour les nouveaux entrants, avec binôme de compétences, suivi par un référent du même service, entretiens, formations, etc. « L’obligation que nous avons eue de formaliser ce parcours est une bonne chose, cela va nous aider à réussir l’intégration et la formation interne de nos commerciaux, qui est un enjeu important pour nous. »

À GDS Strasbourg, opérateur public d’infrastructures de gaz (230 salariés), le DRH a saisi l’opportunité des contrats de généra­tion pour maintenir ses seniors en activité le plus longtemps possible. Un diagnostic de GPEC réalisé en 2012 l’avait alerté sur le départ prévisible de 30 % de ses effectifs d’ici à quatre ans. Le diagnostic étant déjà réalisé, l’accord a été négocié très tôt et déposé à la Direccte le 18 mars, jour de sortie des décrets d’application. Il prévoit de maintenir 75 % des seniors en activité jus­qu’à l’âge de la retraite.

« Les anciens seront sollicités pour mettre par écrit toutes les ficelles du métier, première étape pour transmettre ces savoirs, indique Jacky Humler, le DRH. Nous savons que certains souhaitent prolonger leur carrière, le but est de les y inciter. » Désintéressé, l’opérateur va reverser l’aide publique à la fondation Réseau GDS, dédiée à la lutte contre la précarité énergétique.

L’ESSENTIEL

1 10 600 demandes de contrats de génération ont été déposées par les entreprises de moins de 300 salariés, éligibles à l’aide financière de 4 000 euros par an pendant trois ans.

2 Préalables obligatoires à la conclusion de contrats de génération pour les entreprises de 50 à 300 salariés, seuls 4 accords de branche, 153 accords d’entreprise et 178 plans d’action ont été enregistrés.

3 Si l’effet d’aubaine existe, les contrats de génération ont poussé les PME à embaucher davantage en CDI et à anticiper le renouvellement des compétences.

Des dispositifs d’appui-conseil

Pour accompagner les PME dans la réalisation de leur diagnostic préalable et la négociation d’un accord, la DGEFP et les Direccte ont confié aux Opca, aux Aract et aux CCI une mission d’appui-conseil. Le coût de cet accompagnement peut être pris en charge jusqu’à 100 %. Néanmoins, le déploiement prend du temps, les conseillers étant peu nombreux.

Opcalia a mis au point plusieurs outils de diagnostic et de pilotage, un logiciel de GPEC adapté aux PME, un kit d’appui à la négociation et une méthodologie pour transmettre les savoirs. « Nous devons aider les patrons de PME à mieux percevoir les risques d’une stratégie à court terme, d’une pyramide des âges déséquilibrée, à identifier les compétences clés, à adapter leur politique de formation ou de recrutement », explique Xavier Royer, directeur ingénierie des compétences.

Le site du ministère a également mis en ligne deux nouveaux outils conçus par l’Omig (Observatoire du management intergénérationnel), dont un questionnaire reprenant tous les points obligatoires du diagnostic, et un guide de réflexion pour aller plus loin.

« En multipliant l’information et l’accompagnement, le dispositif devrait prendre son essor dans les trois ou quatre prochains mois », estime Marc Raynaud, le président de l’Omig.

Auteur

  • MARIETTE KAMMERER