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EspagneACCORDS D’ENTREPRISE : LA GRANDE PANNE DU DIALOGUE SOCIAL

Pratiques | International | publié le : 01.10.2013 | VALÉRIE DEMON

La négociation collective patine, et le nombre de salariés non couverts par un accord augmente. En cause, la crise économique et la loi sur le travail de 2012, qui a modifié les conditions de négociation de ces accords dans un sens moins favorable aux représentants des salariés.

Le retard accumulé dans la négociation collective des entreprises désespère les syndicats, qui constatent le recul du nombre de salariés couverts par un accord. Commissions Ouvrières (CC.OO.), l’une des principales confédérations, signale qu’en 2010, 10,8 millions de travailleurs étaient couverts. Le chiffre chute à 6,7 millions en 2012 pour remonter il y a quelques mois à 9 millions. La différence s’explique par les accords en cours de renégociation. « Nous calculons maintenant qu’environ 2 millions se trouvent encore non couverts par un accord », signale Ramón Gorriz, secrétaire confédéral de CC.OO. Au sein de la confédération patronale CEOE, le chiffre annoncé est largement inférieur : 726 750 travailleurs.

Nouveau délai d’un an

Problème : ces accords sont devenus difficiles à négocier et le dialogue social s’est singulièrement tendu, notamment en raison de la crise économique. « Il existe une forte conflictualité, constate Ramón Gorriz. Le rapport de force évolue ; les patrons profitent de la crise pour tenter de diminuer nos droits. » C’est aussi que la nouvelle loi sur le marché du travail, entrée en vigueur en février 2012, a changé la donne. Les législateurs ont cherché à éviter les négociations interminables sur les nouvelles conventions collectives. Le maintien des conditions d’une convention arrivée à son terme est désormais fixé à un an, alors que jusqu’ici, sa prolongation jusqu’à signature d’un nouvel accord était tacite. Et, à l’issue de ce délai, faute d’accord ou de décision arbitrale, la convention devient caduque. La convention collective de branche s’impose si elle existe. Dans le cas contraire, les conditions de travail ne sont plus définies que par le statut du travailleur inscrit dans le droit du travail espagnol, c’est-à-dire a minima. Enfin, la nouvelle loi institue une forme d’accord de compétitivité en donnant la priorité d’application aux conventions d’entreprises sur les conventions collectives des branches, y compris si elles sont moins favorables aux salariés (lire aussi Entreprise & Carrières n° 1087 et n° 1120).

Du coup, les nouveaux accords se négocient sous contrainte. « Dans certaines entreprises, surtout là où la présence syndicale est faible, les employeurs menacent de baisser les salaires lorsque la négociation d’une convention arrive à son terme », assure Ramón Gorriz.

Les principaux syndicats de salariés CC.OO et UGT, ainsi que la CEOE pour les employeurs, conscients des difficultés, ont signé dès le mois de mai un accord les engageant à accélérer et à terminer les négociations. À cette époque, plus de 3 millions de travailleurs étaient concernés. « Cela a servi à débloquer de nombreux accords, au moins pour 1,5 million de travailleurs », reconnaît Ramón Gorriz. « La partie patronale ne veut pas d’une situation chaotique, explique une source syndicale. Imaginez une entreprise qui décide d’appliquer, faute d’accord, les conditions du statut du travailleur, où l’employé gagnerait 600 euros au lieu de 1 200 euros par mois… Il y a des limites, même pour les employeurs. »

Sentence récente de l’Audience nationale

Mais les syndicats comptent aussi beaucoup sur une sentence récente de l’Audience nationale, une des plus hautes instances juridiques du pays. Elle étend à deux ans après son terme la prolongation d’une convention. Les juges, qui se prononçaient sur la plainte du syndicat des pilotes contre la compagnie aérienne Air Nostrum, estiment que l’année supplémentaire accordée pour négocier ne doit pas s’appliquer de manière inflexible et doit tenir compte des conditions pratiquées auparavant. « Cette sentence est très importante, elle marque un avant et un après, estime Ramón Gorriz. La défense de la négociation collective reste notre carburant, nous n’allons pas revenir sur des années de lutte, de conquête de nos droits. »

Auteur

  • VALÉRIE DEMON