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MIEUX PRÉPARER LES RETOURS

Enquête | publié le : 01.10.2013 | VIRGINIE LEBLANC

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MIEUX PRÉPARER LES RETOURS

Crédit photo VIRGINIE LEBLANC

De plus en plus d’entreprises s’efforcent d’améliorer les conditions du retour à leur poste de travail des salariés en longue maladie. Les actions d’accompagnement doivent souvent être anticipées. Certaines entreprises commencent à formaliser leurs processus d’intervention internes pour gagner en coordination et en efficacité.

Bosch a mis en place sur son site de Mondeville (Calvados) un processus efficace d’accompagnement de retour à l’emploi qui s’active dès la période d’arrêt de travail (lire p. 24). L’entreprise s’est même dotée d’un “Monsieur Employabilité”, qui prépare avec le manager et le médecin du travail la nouvelle affectation du collaborateur revenant avec une restriction d’aptitude. Cet équipementier automobile fait encore figure d’exception, mais les entreprises sont de plus en plus nombreuses à vouloir mieux anticiper le retour de leurs salariés. Et pour cause. En dix ans, le nombre d’avis d’inaptitude est passé de 70 000 à plus de 150 000.

Le vieillissement de la population salariée, l’allongement de la durée de vie au travail, l’augmentation des accidents du travail et des reconnaissances de maladies professionnelles, l’accroissement des pathologies invalidantes devraient encore multiplier les cas d’inaptitude… « Malgré toutes les mesures de prévention mises en œuvre par les entreprises, le risque ne peut être totalement maîtrisé, constate Gérard Chevalier, coordonnateur de la cellule régionale de prévention de la désinsertion professionnelle (PDP) de la Carsat des Pays de la Loire.

Des acteurs multiples

Dès lors qu’ils connaissent un arrêt de travail continu de six mois ou plus, on observe que 50 % des salariés ne reprennent pas une activité à temps complet, et, chez les salariés souffrant de lombalgies, moins de 60 % d’entre eux reprennent une activité après 12 semaines d’arrêt continu. Autant de signaux qui doivent pousser les entreprises à se mobiliser, d’autant qu’elles peuvent être accompagnées par une multitude d’acteurs : médecin traitant, médecins du travail, assurance-maladie, Agefiph, Sameth (services d’appui pour le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés), MDPH (maisons départementales des personnes handicapées), cabinets spécialisés en ergonomie et santé au travail, complémentaires santé qui proposent des services dédiés, etc.

En partenariat avec Prévia, historiquement spécialisé dans la réhabilitation socioprofessionnelle, Malakoff Médéric proposera en 2014 à ses salariés un service personnalisé dénommé “Mon accompagnement reprise”. « Préalablement testé sur un périmètre de 2 000 collaborateurs du groupe, il vise à prévenir le plus tôt possible les situations d’isolement et à accompagner, en toute confidentialité, le salarié qui le souhaite vers une reprise plus sereine et durable en cas de long arrêt de travail », annonce Frédéric Meyer, directeur du développement des ressources humaines, managériales et relations sociales chez Malakoff Médéric. Le service sera proposé aux clients du groupe de protection sociale dans le cadre de leur contrat de prévoyance. Car, « au stade de la visite de reprise, il est souvent déjà trop tard pour agir », affirme Sylvain Gachet, directeur grands comptes de l’Agefiph.

Agir tôt

En cas d’inaptitude partielle ou totale, l’employeur dispose d’un délai d’un mois à compter de la date du second examen médical confirmant l’avis d’inaptitude. « Quatre semaines pour trouver une solution de reclassement est une gageure, estime Gérard Chevalier. C’est pourquoi, depuis 2010, nous avons systématisé une offre de services destinée à tous les salariés en arrêt maladie de longue durée [plus de 90 jours]. Nous leur proposons des réunions collectives d’information ou, le cas échéant, des rendez-vous individuels pour les aider à anticiper et préparer dans la mesure du possible leur future reprise d’activité. Nous les invitons à solliciter une visite de préreprise auprès du médecin du travail et à prendre contact avec leur employeur. »

Avec la réforme de la médecine du travail qui a pris effet au 1er juillet 2012, tout salarié en arrêt maladie de plus de trois mois doit bénéficier d’une visite de préreprise, dont l’initiative est prise par le médecin traitant, le médecin-conseil ou le salarié lui-même.

« L’employeur peut avoir un rôle d’information et de sensibilisation à l’intérêt de cette visite, observe Véronique Gibbe, médecin du travail à Saint-Quentin (Aisne). Elle permet, pendant l’arrêt, d’évaluer les séquelles possibles et les capacités restantes du salarié lorsqu’il reprendra son travail. L’examen permet de recommander des aménagements et des adaptations au poste de travail, de préconiser un reclassement et/ou de conseiller une formation ou des modifications d’horaires. Sauf opposition du salarié, nous pouvons informer l’employeur de nos propositions. »

Au cours de cette visite, « nous pouvons évoquer l’intérêt de monter un dossier de RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), qui ouvre la voie au bénéfice de multiples financements de l’Agefiph, poursuit Véronique Buewaert, médecin du travail au Pôle Santé Travail Métropole Nord et membre d’un réseau régional de médecins référents experts du maintien dans l’emploi. Mais ce n’est pas toujours facile à entendre pour les salariés. Il faut leur expliquer que c’est un outil pour disposer de mesures d’aides ».

Approche individualisée

Les Sameth peuvent aussi être sollicités par les médecins du travail, comme par le salarié et l’employeur. « Nous analysons la situation professionnelle, nous élaborons un diagnostic et, à chaque fois, les approches sont individualisées, explique Christophe Jankovsky, ergonome et responsable du Sameth de l’Aisne. Soit le maintien sur le poste sera possible avec des aménagements, soit un reclassement interne sur un autre poste devra être envisagé, soit l’entreprise n’a pas de poste à offrir, et un projet professionnel devra être envisagé en dehors. Dans ce dernier cas, nous passons la main à d’autres acteurs. »

En outre, il est important pour les RH de bien préparer l’équipe de travail au retour du salarié dont le handicap ne sera pas forcément “visible”, souligne Béatrice Lainé, ergonome consultante chez Idénéa. Tout en respectant le secret médical.

Si nombre de structures et de dispositifs accompagnent les entreprises dans des démarches de maintien dans l’emploi, « rien n’est centralisé et il n’existe pas de process clair sur le sujet, mais le gouvernement aimerait que l’on y travaille », reconnaît Albine Gasquet, directrice de JLO Emploi, une entité du groupe JLO spécialisé dans les ressources humaines responsables. La feuille de route sociale de juin 2013 rappelle en effet la priorité accordée au maintien dans l’emploi des personnes inaptes ou victimes d’accident du travail ou de maladie, et indique clairement que « les réseaux de prévention devront se mobiliser de façon coordonnée sur les territoires pour améliorer l’efficacité du reclassement ».

Accidents graves

Enfin, la feuille de route mentionne que la Cnamts mènera une expérimentation sur le retour à l’emploi des victimes d’accidents du travail graves et complexes. À cet égard, Dominique Martin, directeur des risques professionnels à la Cnamts, explique que la France va se lancer dans le case management (lire p. 26), qui a prouvé son efficacité dans certains pays européens. Il s’agira d’un accompagnement individualisé vers le retour à l’emploi des salariés les plus en difficulté.

Une nécessaire coordination

Une initiative qui montre bien que la clé du succès réside dans la précocité de l’intervention et dans sa bonne coordination, quitte à proposer un interlocuteur unique. « Nous nous sommes rendu compte que les salariés et les entreprises se sentaient un peu seuls face à la multitude d’acteurs du maintien dans l’emploi », relate Jean-Pierre Laurenson, secrétaire régional de la CFDT Rhône-Alpes. Depuis 2005, dans cette région, un dispositif dédié au maintien dans l’emploi permet d’organiser la coordination des dossiers auprès d’un opérateur référent. Une charte régionale signée entre tous les partenaires sociaux et l’Agefiph, la Carsat, la Direccte, Pôle emploi et la MSA détaille son fonctionnement. Le succès est au rendez-vous : parties de 3 325 en 2005, les prises en charge ont atteint 5 970 en 2012. Quant aux maintiens réalisés, ils sont passés de 1 478 à 3 372, et les reclassements externes de 557 en 2009 à 1 201 en 2012.

À l’Apas-BTP, Association paritaire d’action sociale dédiée aux professionnels du BTP en région parisienne, un service de reclassement professionnel intégré au service social propose un accompagnement dans l’élaboration d’un projet professionnel adapté à la situation de santé du salarié et aux contraintes de l’entreprise. Les professionnels du service recherchent une solution de maintien dans l’entreprise ou, quand cela n’est pas possible, un reclassement en dehors. Une conseillère est la référente du parcours et favorise la synergie entre les différents acteurs du maintien (médecin du travail, Cramif, l’Opca Constructys, etc.).

Toujours dans le BTP, Vinci essaime une association dénommée Trajeo’h (lire p. 24), sorte de “guichet unique” du maintien dans l’emploi, confiée à un spécialiste du sujet qui accompagne les RH tout au long du processus.

Solvay, quant à lui, a travaillé avec un groupe pluridisciplinaire à l’élaboration d’un protocole de maintien dans l’emploi. Objectif : la généralisation de la même organisation à tout le groupe fin 2014.

L’ESSENTIEL

1 L’allongement de la durée de vie au travail et la multiplication des cas d’inaptitude poussent les entreprises à mieux prévenir le risque de désinsertion professionnelle de leurs salariés.

2 La visite de préreprise auprès du médecin du travail, dont le rôle a été renforcé dans le cadre de la réforme des services de santé au travail, est une initiative à privilégier.

3 Face à la multitude d’intervenants et de dispositifs, les entreprises réfléchissent à la mise en place de référents ou de “guichets uniques” dédiés au maintien dans l’emploi.

Auteur

  • VIRGINIE LEBLANC