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Enquête

LES SALARIÉS FRAGILES AUSCULTÉS

Enquête | publié le : 01.10.2013 | VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE

Au centre anticancéreux Léon-Bérard, un groupe réunissant médecins du travail et responsables RH repère les salariés en voie de désinsertion professionnelle. Cette action a ouvert une voie à la prévention collective.

Cette année, Hervé Valérian Bessac, DRH du centre anticancéreux Léon-Bérard, à Lyon, célèbre les 10 ans du groupe santé-travail (GST) qu’il a créé en arrivant dans cet hôpital privé. « J’ai trouvé une liste de salariés à reclasser, raconte-t-il. Mais je voulais éviter de créer des services ghettos. »

Copiloté par le DRH et par les deux médecins du travail, le groupe réunit, toutes les cinq semaines, les responsables des relations sociales, emploi-carrières et administration du personnel. À l’origine réunis pour décider des reclassements, ils sont parvenus par la suite à intervenir plus en amont pour repérer les situations à risque, chacun ayant compris la logique des autres.

Les alertes ? Des arrêts de plus de 30 jours ou à répétition, et des signalements de collègues ou de managers. Ces arrêts peuvent cacher une maladie, un burn-out, une lassitude ou un conflit… « Nous établissons un diagnostic à partir de ce que chacun sait, poursuit le DRH, pour évaluer le risque pour l’emploi. »

Respect du secret médical

Le secret médical est respecté, assure Isabelle Lombard, médecin du travail : « Je ne cite jamais la pathologie, je dis juste qu’il faut proposer la démarche au salarié car son retour sera problématique. » Contacté par le membre du GST qui paraît le plus approprié, le salarié décide des informations qu’il donne. « Il doit être acteur, affirme Hervé Valérian Bessac. C’est la difficulté numéro un. »

Le membre du GST qui l’accompagne lui propose ensuite un plan d’action (neuf mois en moyenne) décidé par le groupe. Par exemple, après avoir fait le deuil de son métier, une aide-soignante quinquagénaire usée physiquement a pu faire un bilan de compétences puis tester temporairement d’autres activités. Une personne en burn-out a pris le temps de comprendre son état et de décompresser dans un autre service avant de reprendre un poste. « Nous utilisons toujours les référentiels métiers et compétences, précise le DRH. Et le reclassement sera d’autant plus pérenne que l’on aura pris le temps de remobiliser le salarié, quitte à aménager son temps de travail. »

Des risques liés à l’organisation

Depuis 2008, le groupe évalue si le problème étudié s’explique par une situation de travail. La proportion de cas concernés augmente régulièrement (26 % en 2012, contre 15 % en 2008). Les salariés suivis par le GST ne sont par ailleurs plus seulement ceux ayant une longue ancienneté. Des cas liés à des questions d’organisation sont apparus, notamment du fait de « l’augmentation rapide des effectifs et des activités ces dernières années ». Le groupe repère des risques au sein d’un même service, à partir de plaintes en visites médicales et en entretiens annuels, et d’autres indices. « Si les problèmes se réitèrent, l’organisation est revue, assure le DRH. Si c’est nouveau, nous interrogeons les représentants du personnel. »

« Le GST est complémentaire du CHSCT : il fait de la GPEC », estime son secrétaire, Abdel Achache (CFDT), satisfait du bilan annuel (anonyme). Même si, au début, « il y a eu des polémiques », le DRH ayant préféré, comme il le revendique, « travailler dans le secret tant qu’il n’y aurait pas de résultats tangibles ». C’est aujourd’hui le cas : 275 personnes accompagnées (soit 50 % des alertes), dont 6 échecs (licenciement ou invalidité) et 25 départs de plein accord. Le taux d’absentéisme a chuté de 10 % à 4 %, taux stable depuis 2007 ; les cotisations AT-MP ont baissé de 400 000 euros, la prime d’assurance sociale aussi (800 000 euros en 2013 pour 1 500 salariés contre 750 en 2003 pour 1 000 personnes). Et l’augmentation des RQTH a permis, dès 2009, de ne plus payer les 180 000 euros de pénalité liée au non-respect du quota de l’emploi de 6 % de travailleurs handicapés.

CENTRE LÉON-BÉRARD

• Activité : centre anticancéreux.

• Effectif : 1 500 salariés.

Budget : 180 millions d’euros.

Auteur

  • VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE