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Avis d’inaptitude : quel délai avant de licencier ?

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’ | publié le : 01.10.2013 |

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Avis d’inaptitude : quel délai avant de licencier ?

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L’employeur a un délai d’un mois pour tenter de reclasser le salarié déclaré définitivement inapte par le médecin du travail ou sinon le licencier, à défaut de quoi l’employeur doit reprendre le versement du salaire (article L. 1226-4 du Code du travail).

Mais l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail peut être contesté par le salarié devant l’inspecteur du travail dans un délai de deux mois (article R. 4624-35 du Code du travail).

La Cour de cassation a déjà admis que le licenciement d’un salarié en raison de son inaptitude à tout emploi dans l’entreprise régulièrement constatée par le médecin du travail n’était pas subordonné à la décision préalable de l’inspecteur du travail (Soc, 19 février 1992, n° 88-40670 ; Soc, 8 avril 2004, n° 01-45693).

Sur le plan des textes, l’employeur n’est donc pas contraint d’attendre la décision de l’inspecteur du travail, saisi par le salarié d’une contestation de l’avis d’inaptitude du médecin du travail, pour licencier le salarié déclaré inapte et ce, quand bien même il aurait connaissance de la contestation formée par son collaborateur devant l’inspecteur du travail.

En pratique, rien n’est moins sûr et, en cas d’impossibilité de reclassement, le risque pour l’employeur de licencier immédiatement le salarié sitôt le délai d’un mois écoulé n’est pas mince.

En effet, dans l’hypothèse où le salarié a été licencié pour inaptitude à la suite de l’avis du médecin du travail et que l’inspecteur du travail infirme cet avis, alors la décision de l’inspecteur du travail rétroagit à la date de l’avis rendu par le médecin du travail, et le licenciement est jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse. Le salarié n’aura pas droit à sa réintégration dans l’entreprise, mais par contre, il aura droit à une indemnité qui ne pourra pas être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Dans une réponse ministérielle publiée le 22 janvier 2013, le ministère du Travail a, quant à lui, estimé qu’« il est […] plus prudent que l’employeur attende la décision de l’inspecteur du travail », avant de licencier un salarié inapte. Cette réponse laisse perplexe, si l’on considère qu’en l’état actuel, le salarié n’a aucune obligation d’informer l’employeur qu’il conteste l’avis d’inaptitude (Soc, 3 février 2010, n° 08-44455), que l’inspecteur du travail a lui-même deux mois pour se prononcer et qu’il est toujours possible d’introduire un recours hiérarchique, voire contentieux pour excès de pouvoir devant le juge administratif contre la décision de l’inspecteur du travail.

Certains ont pensé trouver la parade en imposant au salarié de prendre ses congés payés au lieu de verser le salaire au-delà du délai d’un mois. Mal leur en a pris. Par arrêt du 3 juillet 2013, la Cour de cassation a jugé que, « à l’issue du délai préfix d’un mois prévu par l’article L. 1226-4 du Code du travail, l’employeur, tenu en l’absence de reclassement ou de licenciement du salarié déclaré inapte de reprendre le paiement du salaire, ne peut substituer à cette obligation le paiement d’une indemnité de congés payés non pris, ni contraindre le salarié à prendre ses congés » (Soc, 3 juillet 2013, n° 11-23687). Dans la foulée, la haute juridiction a confirmé la condamnation de l’employeur, non seulement à un rappel de salaires, mais aussi à des dommages et intérêts pour manquement à l’exécution de bonne foi du contrat de travail.

Dans ce contexte, et pour une plus grande sécurité juridique, ne serait-il pas opportun de prévoir :

• un alignement du délai de recours du salarié contre l’avis d’inaptitude sur le délai de reprise du versement du salaire ;

• une obligation d’information à la charge du salarié sur son éventuel recours contre l’avis d’inaptitude ;

• une suspension du délai d’un mois prévu pour la reprise du versement du salaire en cas de recours porté par le salarié devant l’inspecteur du travail contre l’avis d’inaptitude ;

• voire tout simplement de considérer la décision d’inaptitude du médecin du travail comme étant définitive dans les rapports entre l’employeur et le salarié.

En effet, on comprend mal ce qui peut justifier de faire peser sur l’employeur toutes les conséquences de l’annulation par une autorité hiérarchique ou judiciaire de l’avis d’inaptitude pris par le médecin du travail.

Sauf à reconnaître à l’employeur le droit de se retourner contre le médecin du travail, dont la décision lui a fait grief.

Ludovic Sautelet, avocat au cabinet DTMV, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.