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AllemagneENTREPRISES CHERCHENT AUTISTES

Pratiques | International | publié le : 24.09.2013 | MARION LEO

En mai dernier, l’annonce par SAP d’un vaste plan de recrutement de collaborateurs présentant le syndrome d’Asperger a révélé à l’opinion publique les talents cachés de ces autistes. À Auticon, société berlinoise de conseil informatique, ces compétences constituent le cœur du métier.

Ils ont du mal à effectuer les tâches simples de la vie quotidienne, à communiquer avec leur entourage, ne comprennent ni les émotions d’autrui, ni l’ironie. Mais ils possèdent souvent un don de l’observation inouï, une mémoire photographique, un pouvoir de concentration exceptionnel. Certains d’entre eux sont obsédés par la recherche d’erreurs, notamment dans des logiciels, où elles brillent à leurs yeux comme des aiguilles d’or dans une botte de foin. Les personnes atteintes du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme, détiennent des compétences étonnantes dont les entreprises prennent peu à peu conscience.

Susciter l’innovation

En mai dernier, SAP, leader mondial des logiciels d’entreprise, a ainsi fait sensation en annonçant son intention de recruter environ 650 autistes dans les sept ans à venir, comme testeurs de logiciels, programmeurs logiciels et spécialistes en qualité des données, d’abord en Allemagne, aux États-Unis et au Canada, puis sur l’ensemble de ses sites. D’ici à 2020, ces experts autistes devront représenter 1 % des 65 000 salariés de SAP dans le monde. SAP est la première grande entreprise allemande à avoir annoncé un plan de recrutement aussi massif de personnes souffrant d’un handicap. Son intention n’a rien de caritatif : l’objectif est d’abord de trouver les meilleurs talents. Luisa Delgado, en charge des RH au sein du directoire de SAP, en est convaincue : « C’est seulement en embauchant des individus qui pensent différemment et suscitent l’innovation que SAP sera prêt à relever les défis du 21e siècle. »

Dirk Müller-Remus est du même avis. En novembre 2011, il a fondé à Berlin Auticon, une société allemande de consulting informatique. Il s’agit de la seule entreprise outre-Rhin à n’employer que des consultants autistes. Père de famille, Dirk Müller-Remus a eu l’idée de créer cette entreprise après avoir appris que l’un de ses enfants était atteint du syndrome d’Asperger : « Mon fils avait d’énormes problèmes dans la vie quotidienne mais de très grands talents, notamment musicaux. Qu’allait-il faire plus tard ? » Il prend alors une décision. Le monde du travail n’est pas fait pour les autistes, il convient donc de l’adapter à leurs besoins spécifiques pour pouvoir tirer profit de leurs compétences. « Nous ne voulions pas créer un énième atelier pour personnes handicapées, mais monter une société rentable », dit-il.

Deux ans plus tard, Dirk Müller-Remus est sur le point de réussir son pari. L’entreprise, qui emploie 24 personnes, dont 16 autistes, répartis entre trois bureaux à Berlin, Düsseldorf et Munich, a décroché d’importants contrats auprès de Vodafone, Deutsche Telekom, Deutsche Bahn et Bayerische Landesbank. « Nous devrions parvenir à l’équilibre en fin d’année », précise le fondateur.

Présence d’un coach

Les consultants autistes sont envoyés sur place, dans les entrepri­ses, pour des missions de plusieurs semaines ou plusieurs mois. Pour réussir, ces missions nécessitent une importante préparation, à la fois des autistes et de l’entreprise cliente. Avant d’être recrutés par Auticon, les candidats doivent suivre une longue procédure : entretien, test d’apti­tude, formation de plusieurs semaines. Une fois recrutés, ils sont accompagnés par un coach qui les aide à se rendre au travail, à trouver la cantine. Le coach examine les conditions de travail chez le client : est-il possible d’ériger des cloisons ? De travailler avec un casque ? Surtout, il lui explique, avant le début d’une mission, les besoins spécifiques des autistes. « Il leur faut des consignes claires, directes, sans formules de politesse qu’ils ne comprennent pas », précise Dirk Müller-Remus, avant d’ajouter : « En définitive, nos collaborateurs n’ont pas besoin de grand-chose pour déployer leurs talents. Il leur faut juste un environnement de travail qui les accepte tels qu’ils sont. »

Auteur

  • MARION LEO