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L’employeur face au délai de forclusion

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’ | publié le : 17.09.2013 |

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L’employeur face au délai de forclusion

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Si la fraude corrompt tout, la ruse se distingue en cela qu’elle est autorisée par la loi, les règles de l’usage, du jeu, de l’art, de la société… ou la jurisprudence.

La Cour de cassation a, dans un arrêt du 27 février 2013, validé la désignation d’un représentant de section syndicale intervenue à la suite d’une manœuvre syndicale qualifiée de frauduleuse par l’employeur.

Rappelons que le délai de contestation de la désignation d’un représentant de section syndicale est de quinze jours suivant la désignation, à peine d’irrecevabilité. Les dispositions du Code du travail (art. L. 2143-8) ne comportent aucune exception, hors le cas de fraude. En effet, dans un tel cas, le point de départ de la contestation est reporté au jour où l’employeur a eu effectivement connaissance de cette fraude.

Dans cette affaire, l’employeur, fort de cette exception consacrée par la jurisprudence, entendait contester une désignation de représentant de section syndicale en s’appuyant sur un motif de fraude.

Selon l’employeur, la fraude consistait en l’occurrence, pour un syndicat, à un contournement des dispositions impératives de l’article L. 2142-1-1 du Code du travail visant à interdire la désignation comme représentant de section syndicale, immédiatement après des élections professionnelles, une salariée qui exerçait déjà ces fonctions au moment desdites élections.

La mission du représentant de section syndicale étant de mener son syndicat à la représentativité dans les urnes, la loi le rend en quelque sorte responsable d’un échec électoral, de sorte que le représentant ne peut plus être à nouveau désigné dans la foulée.

Ici, le syndicat avait opportunément destitué la salariée de son mandat de représentant de section syndicale avant des élections professionnelles, pressentant sans doute des résultats électoraux décevants, afin de contourner les règles précitées et d’éviter la disqualification de la salariée, qu’il a nommée à nouveau en cette même qualité immédiatement après le scrutin électoral.

Plusieurs mois plus tard, les élections en question ayant été annulées, le syndicat avait notifié à l’employeur une nouvelle désignation de cette même salariée en qualité de représentant de section syndicale.

L’employeur avait contesté cette ultime désignation, ayant dans l’intervalle découvert le caractère frauduleux de la désignation initiale, qu’il n’avait alors pas contestée dans les délais légaux requis.

Or, pour le tribunal, « cette nouvelle désignation ne pouvait s’interpréter qu’en une confirmation de la précédente désignation », de sorte que la contestation de l’employeur était irrecevable, au motif que l’employeur connaissait dès la désignation initiale tous les éléments qu’il invoquait au titre du caractère frauduleux de la désignation finalement contestée.

La Cour de cassation, tout en réaffirmant sa jurisprudence antérieure, valide le raisonnement du tribunal en précisant qu’en l’occurrence, le caractère frauduleux de la désignation n’avait pas eu pour effet de reporter le délai de forclusion, la manœuvre dénoncée étant connue de l’employeur dès la première désignation.

L’enseignement de cet arrêt est double :

Face à une manœuvre syndicale, qui relève soit de la ruse, soit de la fraude, l’employeur qui laisse expirer le délai de contestation de quinze jours prend le risque de se voir opposer une irrecevabilité de son action. Une hésitation qui a, en l’occurrence, coûté très cher à l’employeur…

En outre, face à plusieurs désignations d’un même représentant de section syndicale par un même syndicat, il n’est pas acquis que chaque désignation ouvre un nouveau délai de contestation. Sans considération du caractère frauduleux, le tribunal et la cour ont ici considéré que la seconde désignation n’était que la confirmation d’une première, laquelle, non contestée dans les délais requis, avait purgé la désignation de tout vice.

Dans des temps où les syndicats redoublent d’inventivité, l’employeur doit ainsi redoubler de vigilance et, dans le doute, préférer contester une désignation dans les délais légaux, que risquer de subir le paysage syndical de son entreprise, dont les enjeux peuvent être cruciaux.

Sophie Binder, avocate au cabinet Kahn & Associés, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.