Loin de nous dégager du temps libre, la technique a pour effet paradoxal d’accélérer non seulement le rythme des machines et la vitesse des connexions entre les hommes mais également le rythme de nos vies. Ainsi, bien qu’ayant toujours plus d’outils et des outils de plus en plus sophistiqués à notre disposition, nous n’avons jamais tant couru après le temps. L’auteur, sociologue et philosophe allemand, prend le problème du temps à bras-le-corps, ne se contentant pas de déplorer comme tout le monde que tout aille trop vite ; il en détaille les raisons. Celles-ci tiennent, bien sûr, aux progrès technologiques, mais aussi aux transformations sociales qui les ont accompagnés et auxquelles personne ne peut échapper, dans la mesure où elles structurent insidieusement notre être au monde et notre identité personnelle et sociale. L’ironie de ce processus d’accélération de notre maîtrise du monde étant le risque de déstructuration des identités individuelles comme collectives qu’il induit.

L’horizon des possibles s’élargissant à mesure des progrès scientifiques et technologiques, il devient de plus en plus difficile de savoir ce qu’on en attend. Perdre pied dans la course effrénée à la modernité, voire se noyer dans l’anomie d’un monde sans repères n’est pas le simple fantasme d’une poignée d’hyperactifs qui se vantent de rester branchés en toutes circonstances. C’est, à terme, un danger bien réel pour l’individu lambda. Le burn-out est aujourd’hui une menace collective, tandis que les projets structurés au long court tendent à capoter devant la tyrannie du court-terme.

Accélération

Hartmut Rosa, La Découverte (réédition), 480 pages, 14 euros.