E & C : Comment interprétez-vous l’augmentation significative de l’absentéisme révélée par le baromètre Alma CG pour 2012 ?

D. M. : Ces résultats sont surprenants, car, en général, l’absentéisme est fortement corrélé à la conjoncture économique et, lorsque le taux de chômage augmente, l’absentéisme a tendance à régresser. Mais lorsqu’on analyse le détail des causes de cette hausse, on comprend qu’elle est liée aux évolutions observées dans certains types d’entreprises ou chez des populations spécifiques. L’augmentation dans les grandes entreprises et chez les cadres et agents de maîtrise peut s’expliquer par leur mécontentement, dans un contexte de marché du travail dégradé. Les cadres sont bridés dans leurs aspirations à la mobilité interne et externe, alors ils restent dans leur entreprise par contrainte. L’étude traduit le “malaise des cadres” régulièrement révélé dans des sondages. Chez les seniors, la montée de l’absentéisme peut être la traduction de l’évolution des départs à la retraite, les salariés restant plus longtemps en poste et les départs anticipés étant moins nombreux, ceux qui restent sont davantage exposés à l’usure professionnelle. Chez les salariés de 51 ans et plus, le taux d’absentéisme a doublé entre 2011 et 2012 (de 3,71 % à 7,58 %), c’est très significatif. Chez les jeunes de moins de 30 ans aussi, il a doublé (de 1,77 % à 3,85 %), et on peut l’interpréter comme une distance prise par la génération Y à l’égard de leurs employeurs : elle a moins de scrupules à s’absenter de temps en temps.

E & C : Autre évolution notable, les DRH affirment mettre en place majoritairement des actions liées à l’amélioration des conditions de travail pour lutter contre l’absentéisme. Et les contre-visites médicales, très prisées par les entreprises, sont en recul. Comment percevez-vous ces changements ?

D. M. : Les DRH ont pris conscience que l’absentéisme est co-construit par l’entreprise et n’est pas seulement le fait de l’abus systématique des individus ! C’est une évolution positive, qui correspond aux discours des DRH que j’entends sur le terrain : ils sont déçus par la contre-visite médicale et prennent conscience qu’ils payent cher pour s’entendre dire que leurs salariés sont vraiment malades. Ils se sont rendu compte que cette solution n’est pas une réponse en profondeur. D’où l’attention portée aux conditions de travail. C’est la résultante de tous les accords et plans d’action sur le stress et la prévention des risques psychosociaux mis en place à l’issue du plan Darcos. J’ai d’ailleurs observé que l’absentéisme était de plus en plus scruté par les entreprises dans leurs tableaux de bord sociaux, parmi les signaux faibles les incitant à mener des actions de prévention.