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QUELLE TRANSITION VERS L’EMPLOI DURABLE ?

Enquête | publié le : 03.09.2013 | ÉLODIE SARFATI

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QUELLE TRANSITION VERS L’EMPLOI DURABLE ?

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

Incitées à accueillir toujours plus d’alternants, les entreprises commencent à se préoccuper de leur insertion post-formation. Elles cherchent notamment à améliorer le taux de transformation des contrats d’alternance en CDI, ou à aider les jeunes à trouver un emploi sur leur territoire.

Avec 4,8 % d’alternants dans son effectif en 2012, Renault dépasse largement les 4 % imposés par la loi Cherpion, et devrait sans peine atteindre les 5 % avant fin 2015, le délai légal. Sauf que l’avenir de ces 2 000 jeunes se jouera désormais ailleurs que chez le constructeur, qui a fermé les vannes du recrutement externe jusqu’en 2016, alors qu’en année faste, les alternants fournissaient 40 % des embauches de jeunes diplômés. Quel devenir pour les alternants à l’issue de leur formation ? En temps de crise, et alors que les pouvoirs publics ne cessent d’encourager les entreprises à multiplier ces contrats, la question n’est pas secondaire. Un signe : François Hollande a annoncé la création d’un contrat d’apprentissage en CDI lors de la conférence sociale de juin dernier. Et même si, globalement, le volume des alternants est loin de décoller (lire l’encadré p. 22), certaines entreprises ont accru leur effort en matière d’accueil de jeunes en alternance. Seulement, outre les situations de restructuration, comme Renault, « dans les grandes entreprises, les DRH essayent d’atteindre le quota légal sans toujours faire le lien avec le recrutement durable, observe Sidney Kristiansen, responsable du programme Compétences de Pacte PME. Et des jeunes sont formés sur des métiers qui ne correspondent pas à leurs besoins. »

Composante des accords GPEC

Philippe Bernier, dirigeant du cabinet de conseil Caraxo, est plus nuancé : « Le quota obligatoire de 4 % a incité certains DRH à revoir leurs pratiques de recrutement, quand l’entreprise dispensait déjà d’importantes formations à ses nouveaux embauchés. Et la politique d’alternance devient, de plus en plus, une composante des accords de GPEC. » Dans les entreprises qui peinent à recruter, notamment, l’objectif des DRH est bien de garder au maximum leurs alternants. Pour cela, DCNS cible les embauches sur ses métiers en tension (lire p. 22). À Accor, des initiatives visent à garantir au maximum le succès des périodes d’alternance (lire p. 24). Depuis deux ans, Thales organise un forum interne qui permet aux alternants et stagiaires de rencontrer les recruteurs de l’ensemble des (nombreuses) entités du groupe. En 2012, ce speed recruiting a débouché sur 60 propositions de CDI (lire p. 26).

La pérennisation des emplois en alternance fait même l’objet, dans certains cas, d’engagements formels de la part de l’entreprise, comme à Lyonnaise des Eaux (lire p. 22) ou à Orange, où le nombre d’alternants atteint 4,7 % des effectifs, soit plus de 5 000 jeunes. L’opérateur a signé en 2011 un accord sur l’insertion des jeunes, dans lequel il s’est engagé à recruter en CDI au moins 1 200 ex-alternants en trois ans. Un chiffre d’ores et déjà dépassé, puisque près d’un tiers des contrats d’alternance débouche sur un contrat pérenne, indique Rozen Thomas, directrice de l’insertion des jeunes. Et les attentes sont fortes : une étude interne réalisée auprès de 350 alternants a montré que 82 % souhaitaient rester chez leur employeur. Or, avec les accords relatifs au contrat de génération, cette question est appelée à faire de plus en plus l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux. Dans son accord signé en juillet dernier, par exemple, la Caisse des dépôts et consignations vise 15 % d’embauches en CDI d’alternants arrivés au terme de leur contrat, contre 3,5 % en 2012.

Insertion des “non-recrutés”

Les entreprises commencent aussi à se préoccuper de l’insertion de ceux qu’elles ne recruteront pas à l’issue de leur formation. Orange propose des ateliers de préparation à la recherche d’emploi pour l’ensemble de ses alternants : « Nous les aidons à rédiger leurs CV, à se créer une “Net-identité”, à se préparer aux entretiens…, détaille Rozen Thomas. Nous les orientons vers les acteurs extérieurs qui peuvent les aider, comme Pôle emploi ou les entreprises d’intérim. La branche des télécoms a également mis en place un site où ils peuvent déposer leurs CV. »

Renault aussi se mobilise en organisant des forums de recrutement sur différents sites. À Cléon, où 55 alternants arrivaient en fin de parcours cette année, ces rencontres se sont déroulées début juillet avec une dizaine d’entreprises comme EDF ou la SNCF, mais aussi des PME de la filière : « Nous avions identifié leurs besoins dans le cadre d’un travail de GTEC sectorielle, ce qui nous a permis d’orienter vers elles les jeunes qui leur correspondaient le mieux », précise Olivier Varteressian, chef de service RH de l’usine.

Au sein de Pacte PME, de grands groupes déploient la même démarche, en conviant cette fois leurs sous-traitants. Comme Schneider Electric (lire p. 25) ou Airbus. Chez l’avionneur, ces forums baptisés Carnet de Vol se déroulent à Toulouse et à Nantes. Moyennant quoi, Marc Jouenne, le DRH France, avance un chiffre de 80 % d’alternants recrutés dans ses murs ou au sein de la chaîne logistique : « Nous sommes dans une logique d’entreprise étendue. Les besoins en compétences de nos sous-traitants sont importants, et il est de notre intérêt de les soutenir. Sinon, le risque serait de nous affaiblir nous-mêmes. »

L’entreprise étendue

Cette réflexion, depuis l’an dernier, a trouvé de nouveaux débou­chés. Au sein notamment du Gifas (groupement d’entreprises aéronautiques), les initiatives se sont multipliées pour mettre en place des parcours d’apprentissage partagés entre des grands groupes et leurs fournisseurs. Elles ont obtenu pour cela la publication d’un décret, en mai 2012, permettant l’accueil d’apprentis par plusieurs entreprises. « En permettant aux alternants d’avoir une expérience chez un sous-traitant, l’objectif est aussi d’apporter une réponse aux difficultés de recrutement des PME, avec l’idée qu’à la fin de sa formation, le jeune choisisse d’y travailler. Elle devient plus attractive », résu­me Claude Bresson, directeur des affaires sociales et de la formation du Gifas. Depuis, Airbus propose ces parcours mixtes à 60 jeunes, Thales l’a inscrit dans son accord sur l’anticipation des métiers (lire p. 26), EADS dans son accord intergénérationnel signé le 18 juillet.

Développer les transferts de compétences est aussi l’un des axes du contrat d’étude prospective de l’industrie du médicament adopté fin 2012. « Les effectifs en alternance ont progressé de plus de 20 % par an en moyenne ces quatre dernières années, précise Emmanuelle Garassino, directrice adjointe des affaires sociales et de la formation du Leem : 20 % sont embauchés en CDI, 30 % poursuivent leurs études. Il reste 50 % de jeunes en alternance à insérer sur le marché de l’emploi. » Outre des mises en relation entre alternants et PME du territoire, le Leem veut développer ces parcours mixtes : « Dans un premier temps, nous allons favoriser le détachement d’alternants déjà en poste dans les groupes vers les PME. L’an prochain, nous essaierons de faire en sorte que les grandes entreprises adaptent leur recrutement d’alternants aux besoins des PME. »

De fait, remarque Sidney Kristiansen, ces concordances ne sont pas évidentes : « Au cours des forums organisés au sein de Pacte PME, nous avons constaté une asymétrie entre les besoins des PME – souvent sur des métiers techniques ou sur les achats – et les métiers sur lesquels sont formés les alternants dans les grands groupes – RH, marketing, comptabilité… » Et les liens entre les acteurs RH des grandes entreprises et les PME restent à construire. Mais en poussant les premiers à se soucier du développement des secondes, c’est toute la relation entre donneurs d’ordre et sous-traitants que ces opérations remettent aussi en perspective.

L’ESSENTIEL

1 Forums de recrutement, ateliers d’aides à la recherche d’emploi : certaines entreprises ont mis en place des outils pour aider leurs alternants à s’insérer sur le marché de l’emploi à l’issue de leur période de formation.

2 Orange, Lyonnaise des Eaux ou encore Schneider Electric ont pris des engagements de recrutement de leurs ex-alternants en CDI.

3 Au sein de filières industrielles, comme l’aéronautique ou le médicament, des initiatives émergent pour impliquer les sous-traitants dans la formation des apprentis.

Les entreprises loin des 4 %

En 2011, la loi Cherpion a instauré un bonus/malus sur la taxe d’apprentissage pour les entreprises de plus de 250 salariés n’atteignant pas 4 % de leurs effectifs en alternance en 2013 (5 % en 2015). Depuis, ces entreprises ont-elles davantage ouvert leurs portes aux alternants ? Pas vraiment, si l’on en croit les chiffres du ministère du Travail : le taux moyen d’alternants est certes en progression, de 2 % en 2012 contre 1,7 % en 2011, mais 54 % des grandes entreprises en comptent moins de 1 %. Et seules 480 (sur près de 6 000) ont dépassé les 4 %. « Pour recourir davantage à l’alternance, il faut que ce soit déjà dans la culture de l’entreprise, explique Philippe Bernier, dirigeant du cabinet de conseil Caraxo. Par ailleurs, quand la conjoncture est défavorable, certaines entreprises préfèrent payer le malus plutôt que de recruter des alternants dont elles n’ont pas besoin. » Globalement, le nombre d’alternants s’érode : fin juin, on comptait 394 000 apprentis et 136 000 jeunes en contrat de professionnalisation. Ils étaient 400 000 et 145 000 un an auparavant.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI