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Royaume-UniLES CONTRATS “ZÉRO HEURE” POINTÉS DU DOIGT

Pratiques | International | publié le : 27.08.2013 | STÉPHANIE SALTI

Le ministre britannique du Commerce Vince Cable a annoncé une étude sur la multiplication de ces contrats sans garantie d’heures travaillées ni de salaire minimum.

Champion de la flexibilité du travail, le Royaume-Uni tente aujourd’hui de mettre un frein à certaines pratiques jugées abusives. C’est notamment le cas des contrats “zéro heure”, en vertu desquels les employés n’ont aucune garantie de vacation tout en étant engagés par une entreprise. Selon ce contrat de travail, l’individu ne reçoit une rémunération que pour les heures travaillées, dont le nombre peut varier considérablement d’une semaine sur l’autre. Certains avantages, à l’image d’une assurance-vie ou l’accès à une formation, peuvent être maintenus, mais ce type de clauses reste à la discrétion de l’entreprise. Fin juillet dernier, la révélation du quotidien Guardian sur l’usage par la famille royale de contrats “zéro heure” pour 350 employés du Palais de Buckingham a relan­cé dans le pays le débat sur cette flexibilité extrême et ses conséquences en matière de précarité.

Un million de personnes concernées

Fin 2012, 200 000 personnes travaillaient sous ce type de contrats, soit 30 % de plus qu’un an auparavant, selon l’Office de la statistique nationale (ONS). Mais certaines organisations contestent ce chiffre : « Nous savons par exemple que 150 000 travailleurs à domicile dans le secteur de la santé sont employés selon ces termes », indique une étude publiée par la Resolution Foundation, une association qui se fixe pour objectif d’améliorer les conditions de vie des salariés à revenus bas et moyens. Selon le CIPD, équivalent britannique de l’ANDRH, un million de personnes pourraient en réalité être concernées.

Clauses d’exclusivité

Si ces contrats présentent des avantages évidents pour l’employeur, il n’en va pas de même pour les employés : ces derniers recevraient en moyenne une rémunération hebdomadaire brute de 236 livres, comparée à 482 livres (soit 276 contre 565 euros) pour ceux qui ne sont pas soumis à ce contrat, selon Resolution Foundation. En outre, des clauses d’exclusivité, comme c’est le cas à Buckingham, leur imposent de solliciter l’accord de l’employeur s’ils veulent compléter ailleurs leur activité. En moyenne, ils travaillent seulement 21 heures par semaine contre 31 heures pour les autres salariés. Enfin, dans un pays qui tente de lutter contre le chômage des jeunes, la catégorie des 16 à 24 ans serait la plus touchée et représenterait plus du tiers des salariés concernés.

Adepte de ce type de contrats, la société de restauration rapide McDonald’s se défend pourtant d’exploiter ces salariés et revendique son statut d’employeur flexible. « Beaucoup de nos salariés sont des parents ou des étudiants qui sont à la recherche de travail flexible afin de pouvoir continuer à s’occuper de leurs enfants, poursuivre leurs études ou encore s’engager dans d’autres activités, explique un porte-parole du groupe au Royaume-Uni. Au cours de notre procédure d’embauche, il est demandé à chaque candidat d’indiquer ses jours et heures de disponibilité, ce qui nous permet de recruter un nombre suffisant de personnes à la fois à temps plein et à mi-temps pour gérer efficacement notre entreprise. » 90 %, soit 82 000 personnes, des employés britanniques de McDonald’s travaillent sous contrat “zéro heure”. Des cinémas, des boutiques de sport, des musées y ont aussi largement recours. Et les profils concernés peuvent être qualifiés. « Les entreprises spécialisées dans l’événementiel mais aussi les start-up qui n’ont pas encore de visibilité sur le développement de leur activité font aussi appel à ce genre de contrats », indique Julie Calleux, fondatrice d’EmployEase, société de conseil en droit du travail.

S’attaquer aux dérives

Pourtant, les litiges restent rares : « La faible jurisprudence s’explique par des raisons économiques, explique Julie Calleux. Les personnes engagées sous ces contrats n’ayant pas nécessairement les moyens de faire appel aux services d’un avocat. » Décrié par les syndicats qui y voient une injustice manifeste, le recours fréquent à ce genre de contrats commence à faire également réagir une classe politique jusqu’à présent adepte d’une flexibilité du travail à tout prix. Fin mai, le ministre du Commerce Vince Cable a promis de s’attaquer à ces dérives en lançant une étude sur la généralisation de ces contrats. Il n’exclut pas l’interdiction des clauses d’exclusivité. Mais l’abrogation pure et simple du contrat “zéro heure” ne fait pas partie des options envisagées.

Auteur

  • STÉPHANIE SALTI