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FORMATION : LES NOUVELLES RECETTES PÉDAGOGIQUES

Enquête | publié le : 27.08.2013 | VIOLETTE QUEUNIET

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FORMATION : LES NOUVELLES RECETTES PÉDAGOGIQUES

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

En dehors de la révolution technologique de l’e-learning, la formation pour adultes connaît de multiples innovations. Les nouvelles méthodes pédagogiques bousculent les processus et les situations d’apprentissage. Elles séduisent à la fois les entreprises, pour leur rapport coût-efficacité, et les salariés, qu’elles rendent davantage acteurs de leur formation.

Des tables disposées en U, un tableau et un écran pour les projections PowerPoint, un formateur face aux stagiaires : ce modèle classique de la formation vit-il ses dernières heures ? On peut sérieusement se le demander, quand on considère la profusion de méthodes et de situations pédagogiques innovantes proposées désormais aux entreprises et à leurs salariés.

Lors d’une récente convention qu’il a organisée à l’intention de formateurs de la fonction publique territoriale, Denis Cristol, directeur de l’ingénierie et des dispositifs de formation du CNFPT* (lire son interview p. 27), a présenté – et parfois testé – pas moins de 44 méthodes pédagogiques différentes en deux jours ! Balades urbaines, théâtre d’improvisation, marionnettes, peinture, dessin, tablettes numériques… les formateurs disposent aujourd’hui d’une grande variété de modalités pour diffuser les connaissances.

Créer un contexte émotionnel favorable

Qu’ont-elles de plus, ces pédagogies dites du “détour” ? Elles créent souvent un contexte émotionnel fort, favorable à l’apprentissage et à la transformation. « Il est indispensable d’être dans l’émotion positive pour sortir de ses paradigmes, de ses croyances, de ses a priori », soutient Patrick Chanceaulme, fondateur et dirigeant de PCH-Concepts, un organisme qui s’appuie notamment sur le cheval pour changer le comportement des managers (lire p. 22).

Ces méthodes font recette dans les formations au management et à la cohésion d’équipe. Elles sont des aides précieuses pour accélérer le changement. « Autour d’une table, dans un stage classique, jamais on n’aurait réussi à produire autant de résultats », estime Séverine Rénier, responsable formation de Cisco Video Technologies, qui a envoyé une équipe se ressourcer autour de la fabrication de plats culinaires avec Coach & Cook (lire p. 22).

Souvent très courtes, ces formations ont un rapport coût-efficacité fort apprécié des entreprises. « En une journée, vous avez une synthèse d’une semaine de formation sur la communication non verbale », se félicite Lucrèce Dhorme, responsable du développement du management aux Banques populaires d’Ile-de-France, qui a envoyé 70 cadres et le codir suivre un stage chez PCH-Concepts. Pourtant, elle admet avoir été « plus que réservée », au départ, par ce qui lui semblait être une « formation gadget ».

Pour vaincre les a priori, les organismes n’hésitent pas à faire tester leur formation. Horse Concept propose ainsi deux stages interentreprises dans l’année, fréquentés essentiellement par des responsables RH. Les services formation veillent aussi au pedigree des animateurs. Une très bonne connaissance du monde de l’entreprise est systématiquement requise pour établir les passerelles nécessaires. « Il n’existe pas de bonnes et de mauvaises méthodes mais certaines d’entre elles répondent mieux que d’autres à des situations données. Ce qui est important, c’est de les mailler au projet de l’organisation », indique Denis Cristol.

L’objectif est d’obtenir une réelle transformation, or c’est souvent là que le bât blesse. « Actuellement, dans 90 % des cas, les évaluations à chaud sont très bonnes. Les entreprises ont investi de l’argent dans l’éveil, dans l’ouverture d’esprit, mais quel est le retour sur le terrain ? », s’interroge Christophe Carpinelli. Pour produire un changement durable au sein du département formation continue d’Audencia (ILS), il a élaboré un pôle dédié à la formation sur mesure, utilisant des dispositifs innovants mais reliés à la stratégie de l’entreprise (lire p. 25).

Une relation au savoir moins verticale

Les innovations en formation ne se limitent pas aux pédagogies du détour. Tout le domaine de l’innovation sociale est en fort développement. Il regroupe toutes les façons d’utiliser les interactions humaines de manière différenciée : codéveloppement, groupes d’échanges de pratiques, forum ouvert, world café. « Ces modalités ont pour intérêt d’horizontaliser la relation au savoir. On passe moins par le maître mais beaucoup plus par des échanges entre pairs. C’est très puissant, car cela permet de traiter les sujets sur lesquels les participants se posent des questions et d’éviter les représentations a priori », souligne Denis Cristol. Le forum ouvert et le world café, en particulier, permettent de faire participer un grand nombre de personnes à l’élaboration et à la mise en pratique de solutions. Cela a été le cas par exemple pour 400 agents du conseil général de l’Essonne lors d’un forum ouvert organisé en 2012 (lire p. 25).

La formation pour adultes, ce sont aussi des parcours longs et qualifiants. Là encore, les organismes savent innover, même si les modalités sont moins spectaculaires.

L’université à la pointe de l’innovation

Dans les cycles diplômants de management, la conduite d’un projet semble être un ingrédient indispensable de la réussite (lire p. 26). Dans ce domaine, l’université tire son épingle du jeu. « Un institut d’administration des entreprises peut avoir plus de liberté qu’une grande école de commerce dont le MBA, pour être accrédité, doit correspondre à des référentiels internationaux très standardisants. La recherche prend le pas sur la pédagogie, ce qui limite l’innovation », constate Denis Cristol. Dans les formations longues destinées aux personnes de plus faible niveau de qualification, la prévention de l’abandon est cruciale. C’est pourquoi un opérateur historique comme l’Afpa s’est appuyé sur les travaux de la psychologie positive pour mettre au point des outils adaptés aux différents styles d’apprentissage (lire l’encadré ci-dessous). Spécialiste de la méthode, Jean-Guy Mossot, de l’Afpa, en souligne la spécificité : « L’intérêt réside dans la collaboration pédagogique : on permet à la personne qui apprend d’influer sur ses apprentissages. »

Rendre l’individu plus autonome et proactif dans son apprentissage est sans doute le point commun à toutes les innovations pédagogiques récentes. De quoi renouveler le triptyque salle de cours, tableau noir, PowerPoint…

* Centre national de la fonction publique territoriale.

L’ESSENTIEL

1 De plus en plus de formations, surtout en management, ont recours à des méthodes innovantes. La pédagogie du détour et l’innovation sociale sont les plus répandues.

2 Elles reçoivent un accueil favorable auprès des entreprises, qui les considèrent comme des accélérateurs de changement, même si elles ne produisent pas forcément des résultats durables.

3 Qu’elles s’appliquent aux stages courts ou aux formations qualifiantes, les pédagogies innovantes sont très participatives. Une nécessité pour capter un public rendu plus actif par l’usage d’Internet et des réseaux sociaux.

L’AFPA TRAVAILLE SUR LES STYLES D’APPRENTISSAGE

Le premier opérateur français de formation – avec plus de 150 000 stagiaires accueillis en 2012 – a mis au point une méthode pour gérer les difficultés rencontrées en cours d’apprentissage dans les parcours qualifiants. Inspirée de travaux en psychopédagogie, elle s’articule autour de trois outils : les styles d’apprentissage, le sentiment d’efficacité personnelle, les attributions causales. Elle peut s’appliquer à tous les domaines de formation (métiers de l’industrie, du bâtiment, du tertiaire).

À son entrée en formation, le stagiaire remplit un questionnaire sur ses préférences en matière d’apprentissage. Sept axes ont été identifiés : structuration, indépendance, verbal, imageant, local, global, coopération. Par exemple, le profil “structuration” marque une préférence pour un contenu pédagogique bien balisé et ordonné. Le profil “indépendance”, au contraire, préfère glaner des informations dans le désordre et à son rythme. « L’analyse des résultats donne lieu à une restitution au stagiaire. Cela lui permet d’influer sur ses apprentissages. Quant au formateur, il peut ajuster sa pratique en fonction des profils », explique Jean-Guy Mossot, formateur-conseil à l’Afpa Poitou-Charentes, qui a formé les formateurs de cette région à cette méthode.

Le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) vient en appui pour déverrouiller certains blocages. « Le processus d’apprentissage peut être bloqué parce que la personne ne se sent pas “capable de”. Pour qu’elle y parvienne, on décompose les contenus et les situations jusqu’à ce que la personne ait des résultats positifs et reprenne confiance en elle », indique le formateur-conseil.

Le troisième outil est utilisé plus rarement, en cas de difficultés importantes, car il nécessite un accompagnement lourd avec un psychologue. Il s’adresse notamment aux personnes qui ont intériorisé l’échec.

Cette pédagogie différenciée est particulièrement efficace pour prévenir les abandons en cours de formation. En 2012, le taux de réussite aux titres professionnels a atteint 80,7 %. Pour compléter la méthode, un travail est actuellement en cours sur l’évaluation des styles pédagogiques des formateurs. L’objectif est d’aider les formateurs à mieux se connaître pour s’adapter aux styles d’apprentissage des publics.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET