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Les bugs obligent l’armée à repenser l’organisation RH

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 09.07.2013 | N. L.

À l’été 2012, le nouveau logiciel Louvois provoque de multiples erreurs dans les soldes des militaires. Après les mesures d’urgence, la fonction RH commence à être remaniée.

Avril 2011. Le SIRH du service de santé des armées est raccordé au logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois), développé par Steria. Puis c’est au tour de l’armée de terre, en septembre, et de la marine en mars 2012. Objectif : automatiser la paye, réduire les délais de traitement et gagner en productivité.

La mise en service se passe plutôt bien, mais, à l’été 2012, Louvois enchaîne les bugs en pleine période de mutations. Près de 65 000 militaires sont touchés, surtout aux opérations extérieures. Certains perçoivent des soldes anormalement basses, doivent puiser dans leur épargne, faire face à une interdiction bancaire ou encore appeler leur famille à l’aide. Des femmes de militaires montent au créneau sur Facebook (“Un paquet de Gauloises en colère”). Mais, dans les trois quarts des cas, Louvois produit des trop-perçus pour près de 106 millions d’euros, que l’armée cherche à récupérer. En majorité inférieurs à 5 000 euros, même si certains dépassent 15 000 euros, ils se traduisent par un surcroît d’impôt.

En octobre dernier, le ministre de la Défense ne mâche pas ses mots. Ciblant son prédécesseur Gérard Longuet, Jean-Yves Le Drian évoque un « désastre » et révèle que près de 75 types d’erreurs ont été identifiés, comme des avances défalquées trois fois de suite le même mois. Le ministère débloque alors une enveloppe de 30 millions d’euros. Il monte une plate-forme d’assistance téléphonique à Rambouillet avec des experts paie et fiscalité, ainsi qu’un groupe d’utilisateurs avec des représentants de l’administration, des militaires et aussi des familles.

Carences de compétences en paie

Faute de pouvoir corriger Louvois rapidement, l’armée renforce le contrôle des soldes. « Actuellement, les informations de paie sont introduites dans le système plus de trois semaines avant la date de règlement et font l’objet de contrôles automatiques et manuels, ce qui réduit sensiblement le nombre de bugs, assure Jacques Feytis, le DRH du ministère de la Défense (en poste depuis juillet 2012). Mais il a fallu renforcer les effectifs du centre d’expertise de Nancy [centre interarmées de la solde (CIAS), NDLR]. Nous avons mobilisé 70 spécialistes en interne, des réservistes ou des militaires affectés jusque-là sur d’autres missions, et nous avons recruté 60 contractuels. »

Les carences de compétences en paie sont l’un des problèmes centraux mis au jour par les audits commandés par le ministre. « Le calcul des soldes est très complexe, avec près de 170 primes et indemnités et de fortes variations d’un mois sur l’autre. Or, près de la moitié des experts de la paie – environ 400 sur 870 – avaient quitté leur centre de rattachement, en prévision d’importantes suppressions de postes, avant même le déploiement de Louvois, analyse Jacques Feytis. Par ailleurs, les fortes diminutions d’effectifs dans l’armée ont été mal réparties entre les différentes catégories de personnel. Et il y a eu une insuffisance d’accompagnement au changement des métiers de la solde. Aujourd’hui, nous mettons les bouchées doubles sur les formations aux nouveaux gestes métier. »

Louvois devait permettre une économie de 6 228 équivalents temps plein au sein de la fonction RH d’ici à 2016. Mais plus aucun objectif n’est affiché. La DRH redéploie au contraire un chancelier par régiment, soit environ 300 personnes (gestion RH des décorations, récompenses, affaires de discipline, sujets médico-statutaires).

Plus largement, la fonction RH commence à être réorganisée. La sous-chefferie RH, nouvel échelon introduit en 2009 entre le DRH central et les DRH des différentes armées, est supprimée. La coordination entre DRH va être renforcée, avec un rôle de pilotage stratégique de la solde clairement dévolu au DRH central. « Jusque-là, nous n’avions pas l’obsession de la masse salariale, ajoute Jacques Feytis. Les gestionnaires seront désormais responsabilisés sur les impacts budgétaires de leurs décisions, avec un arbitrage final rendu par la DRH centrale. Cela passe aussi par le recrutement de contrôleurs de gestion, pour assurer un suivi précis des effectifs et de la masse salariale. »

Abandon possible

Le projet d’un SIRH unique pour la Défense n’est pas remis en cause (lire l’encadré), mais son calendrier est en partie lié à celui de Louvois. Or celui-ci pourrait être carrément abandonné (décision en octobre). La situation est loin d’être apurée. Le gouvernement a suspendu le raccordement des SIRH de l’armée de l’air et de la gendarmerie. La plate-forme téléphonique passe à durée indéterminée. Quant au “groupe utilisateurs” de Louvois, le DRH du ministère souhaiterait le pérenniser… notamment pour améliorer la lisibilité des bulletins de paie.

SOURCE, FUTUR SIRH UNIQUE DE LA DÉFENSE

Mieux gérer les carrières de tous les personnels de la Défense, civils et militaires, c’est l’ambition du projet Source, confié à Atos et CGI (ex-Logica). Ce SIRH unique doit remplacer, à horizon 2017, les cinq SIRH actuels. « Nous devons tirer toutes les leçons de l’affaire Louvois, notamment en simplifiant massivement les pratiques et les organisations, de préférence en amont ou, au pire, parallèlement au projet », estime Jacques Feytis, le DRH du ministère. Source devrait ensuite être raccordé à l’opérateur national de paie (ONP), projet de Bercy concernant tous les personnels de la fonction publique d’État, dont le calendrier de mise en œuvre a déjà été reporté.

Auteur

  • N. L.