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Le réseau social d’Alcatel-Lucent s’ouvre aux syndicats

Pratiques | publié le : 09.07.2013 | NICOLAS LAGRANGE

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Le réseau social d’Alcatel-Lucent s’ouvre aux syndicats

Crédit photo NICOLAS LAGRANGE

Diffuser des tracts électroniques, recueillir l’avis des salariés, lancer des fils de discussion… tout cela sans modération : l’accord signé en juin ouvre aux syndicats français d’Alcatel-Lucent de nouveaux horizons sur Engage, le réseau social interne de l’entreprise. Celui-ci est déjà très prisé par de nombreux salariés de l’équipementier télécoms.

Les tracts papier distribués dans les cantines et les panneaux d’affichage syndicaux vont-ils prendre un coup de vieux à Alcatel-Lucent France (9 000 salariés) ? Le 17 juin, la CFDT – 53 % des voix – a signé un accord expérimental d’un an avec la direction, permettant aux syndicats français d’utiliser le réseau social interne Engage, créé en juillet 2010 au niveau monde (72 000 salariés). Un accord finalisé dès février 2013, mais mis en sommeil par les discussions sur un PSE avec départs contraints.

« La philosophie est simple : les organisations syndicales peuvent poster sur le réseau les mêmes informations que celles figurant sur les tracts », explique Sébastien Lebreton, DRH France.

Diffusion plus large

Les syndicats vont donc pouvoir toucher davantage de salariés, puisqu’Engage est accessible via un PC ou un smartphone et connaît un franc succès depuis trois ans (lire p. 16). « Aujourd’hui, de nombreux salariés en déplacement ou en télétravail sont difficiles à atteindre, assure Hervé Lassalle, DSC CFDT. Nos tracts dans les cantines ne concernent qu’une partie des salariés et certains ne les prennent pas. Les panneaux syndicaux sont très rarement lus et nous n’avons pas le droit d’utiliser l’intranet. Quant à notre blog, <www.cfdt-alcatel.org>, il est actif et marche bien, mais il est surtout fréquenté par des militants ou sympathisants. » La CFDT va notamment rendre plus visibles sur Engage ses 115 contre-propositions, élaborées dans le cadre de l’information-consultation sur le PSE.

Retours rapides d’opinion

« Nous pourrons également avoir des retours rapides des salariés, ce que la distribution de tracts ne permet pas toujours, se réjouit Olivier Durécu, secrétaire CFDT du comité de groupe. Et démarrer des fils de discussions thématiques voire des sondages. Exemple, sur le déménagement de Vélizy (78) vers Villarceaux (91), nous pourrons recenser les demandes de salariés, les difficultés d’acheminement en fonction de leur domicile et négocier au mieux des systèmes de navettes. »

Mais poster un tract expose aussi les syndicats aux risques de critiques des salariés, avec une trace durable sur le réseau. « C’est la règle du jeu, répond Olivier Durécu, cela nous fera avancer. » Une appréciation partagée par le DRH France : « Un certain nombre de salariés s’expriment très librement, sans avoir de mandat, affirme Sébastien Lebreton. J’ai créé une page consacrée au programme Performance [plan d’économies à l’origine du PSE, NDLR], lequel a suscité un certain nombre de réactions négatives. Cela pousse à approfondir notre communication. »

Pour autant, Engage a fait débat, au sein même de la CFDT. Ne va-t-il pas avantager des syndicats moins implantés sur le terrain ? « On a plus à y gagner qu’à y perdre, commente Olivier Durécu. Le réseau ne remplacera pas les discussions physiques avec les salariés, mais sera probablement plus prisé par les jeunes générations. »

« Il ne faut pas s’attendre à des miracles, ajoute son collègue Hervé Lassalle. Les salariés devront soit s’abonner pour recevoir tous les posts du groupe CFDT, soit consulter ponctuellement. En tout cas, la montée en puissance va prendre du temps. À terme, nous pourrons aussi communiquer en anglais, vers d’autres pays, sur certaines négociations comme l’égalité professionnelle ou sur les projets de la direction. Ce qui peut impliquer de bien peser tous ses propos, par rapport à nos collègues chinois ou indiens, si on critique une délocalisation vers l’Asie du sud-est, par exemple. »

Non signataire (comme la CGT), « la CFE-CGC sera contrainte d’utiliser Engage pour défendre sa part de marché électorale dans le cadre de la loi sur la représentativité de 2008 », selon son DSC, François Schmets. Mais le deuxième syndicat d’Alcatel-Lucent déplore l’interdiction d’utiliser l’intranet et l’adresse professionnelle des salariés. « Nous avons également relevé une contradiction entre l’accord français sur l’usage syndical d’Engage et les règles au niveau monde, insiste le représentant CFE-CGC. La charte internationale [annexée à l’accord, NDLR] interdit les conseils dans le domaine juridique ou sur des avantages sociaux. Son non-respect peut entraîner des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement. »

Un point de débat avec Sébastien Lebreton, selon qui, « ces craintes ne sont pas avérées, l’accord français étant solide et contraignant. De plus, les syndicats pourront communiquer de la même manière que certains groupes déjà constitués sur Engage, comme Strongher – promotion des femmes –, très actif dans les débats ». Ou comme Equal, pour les droits des salariés LGBT.

Surtout, le DRH France insiste sur l’absence de modération. Le coordinateur de chaque syndicat et son adjoint seront propriétaires et modérateurs de leur groupe, à charge pour eux de veiller notamment à l’absence de propos discriminatoires ou diffamatoires. « Nous allons devoir nous organiser pour nourrir les fils de discussion, indique le cédétiste Hervé Lassalle, sans y passer trop de temps non plus. » La direction assure qu’elle n’entend pas exercer de droit de réponse systématique.

L’accord permet aussi d’utiliser Engage pour mieux gérer les réunions avec les IRP : partage de l’agenda du CCE, créations de groupes par les commissions du CCE, avec mise en ligne de documents de travail. Il ouvre également la voie à des réunions à distance du CCE, avec accord préalable du secrétaire. À moyen terme, le DRH aimerait impliquer davantage les salariés dans les discussions sociales : « En amont des échanges entre direction et syndicats, lorsque des ateliers de réflexion thématiques débouchent sur des pistes d’actions, pourquoi ne pas sonder les salariés ? »

Une nouvelle fonctionnalité qui ne semble pas pour tout de suite, car les syndicats veulent d’abord se former sur le réseau et le mettre à l’épreuve.

L’ESSENTIEL

1 Les syndicats esp èrent toucher davantage de salariés (jeunes générations, salariés en télétravail ou en déplacement) via Engage, le réseau social interne d’Alcatel, qu’ils peuvent désormais utiliser sans contrôle externe.

2 La communication 2.0 permet de diffuser des communiqués, de lancer des fils de discussion, de sonder les salariés, avec des retours immédiats.

3 La direction et les IRP pourront partager l’agenda du CCE sur Engage et créer des groupes spécifiques aux commissions, avec mise en ligne de documents de travail.

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE