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QuébecLE MENTORAT INVERSÉ SÉDUIT LES ENTREPRISES

Pratiques | International | publié le : 02.07.2013 | LUDOVIC HIRTZMANN

Si les entreprises québécoises sont convaincues depuis longtemps des bienfaits du mentorat, elles pratiquent depuis peu le mentorat inversé, par lequel un jeune transmet ses connaissances à un senior.

Le mouvement est lancé : les grandes entreprises du Canada optent de plus en plus pour le mentorat… mais inversé. Du géant de la télécommunication mobile Telus, en passant par le cabinet Ernst & Young ou encore la société de réseautique Cisco, toutes se sont ralliées à cette forme de transmission intergénérationnelle. Bernard de Blois, directeur des ventes stratégiques à Telus, explique que « nous sommes habitués à voir le mentorat comme un transfert d’expertise d’un employé senior vers un plus jeune. Dans le domaine des nouvelles technologies, c’est souvent l’inverse ». Dans le cadre du reverse mentoring, un jeune salarié coache un collègue plus âgé afin de lui transférer son savoir.

Améliorer les relations intergénérationnelles

La paternité du mentorat inversé est généralement attribuée à l’ancien patron de General Electric, Jack Welch. Celui-ci aurait demandé en 1999 à l’un de ses jeunes cadres de le former à Internet. Satisfait du résultat, le Pdg a alors appliqué le reverse mentoring à 500 cadres de son entreprise. Le vice-président ventes et opérations de Cisco pour l’Est du Canada, Jean-Claude Ouellet, déclarait récemment au quotidien montréalais La Presse : « L’expérience des aînés est inestimable, mais il faut profiter également de l’expertise des plus jeunes, qui ont une connaissance phénoménale des réseaux sociaux, des dernières tendances. À titre d’exemple, à 42 ans, j’ai un mentor de 71 ans et un autre de 26 ans. »

Andréanne Rochette, chargée de projets au Service d’aide aux gestionnaires et aux entrepreneurs. Mentorat d’affaires de la ville de Québec, confie : « La plupart des entreprises appliquent cette technique de manière informelle lors de discussions. » Le mentorat inversé est une excellente occasion de mieux comprendre comment les jeunes communiquent. Son utilisation améliore les relations intergénérationnelles sur le lieu de travail. D’autant plus que le reverse mentoring offre une responsabilité valorisante aux juniors, qui transmettent aux plus anciens les derniers progrès dans leur champ d’étude.

En bonifiant les compétences techniques des employés plus âgés, l’entreprise optimise aussi sa productivité. Mais plusieurs observateurs en entreprise font aussi remarquer que le mentorat inversé est une bonne méthode pour repérer les bons éléments et détecter les futurs leaders. Souvent réduit, à tort, à une technique qui permet aux plus âgés de mieux maîtriser les nouvelles technologies, le reverse mentoring va pourtant plus loin. Par exemple, chez Ernst & Young, où des salariés issus des minorités visibles forment les cadres plus âgés aux thèmes liés à la discrimination et à la diversité ethnique. Ce type de mentorat est particulièrement bien adapté à un pays comme le Canada, où seules les compétences comptent et où l’âge est un critère moins déterminant et moins bloquant qu’en France notamment.

Rester ouvert d’esprit

Pourtant, l’un des principaux risques lors de la mise en place d’un service de mentorat inversé est justement que le jeune mentor ne soit pas assez patient envers son aîné ou que ce dernier ne prenne pas le premier au sérieux. Gare aux ego ! Bernard de Blois estime qu’il est donc nécessaire d’établir un échéancier. D’autant que les seniors préfèrent généralement les formations très académiques, tandis que les juniors privilégient les relations informelles. Les conseillers du Réseau entreprises Canada, un centre d’aide public à l’entrepreneuriat, insistent donc : « Établissez des objectifs clairs et déterminez les domaines pour lesquels l’apprenti a besoin de conseils. Restez ouvert d’esprit. Assurez-vous que les deux parties sont à l’aise dans leur rôle. »

Ce qui n’empêche pas les résistances de certains experts. Le professeur Christine Cuerrier, spécialiste des questions liées au mentorat à l’université du Québec à Montréal, va jusqu’à remettre en cause ce principe même : « Le mentorat est inhérent à la notion de modèle, de “savoir devenir” pour un junior, qui s’inspire d’un senior […] Je ne crois pas qu’un junior devienne le modèle inspirant d’un senior », confie la spécialiste.

Auteur

  • LUDOVIC HIRTZMANN