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« À terme, l’externalisation passera par les Opca »

Enquête | publié le : 02.07.2013 | L. G.

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« À terme, l’externalisation passera par les Opca »

Crédit photo L. G.

E & C : Y a-t-il un marché de l’externalisation de la formation professionnelle en France et où en est-il ?

P. Y. : Ce n’est pas un marché, ou plutôt c’est un faux marché. Il y a des prestataires et des entreprises leur externalisent une partie de leur processus de gestion de la formation ou de sélection de leurs prestataires. Le choix de l’externalisation n’appartient pas toujours aux services formation des entreprises. Ce sont souvent les DRH ou les DAF qui prennent la décision, sauf peut-être dans les sociétés de culture anglo-saxonne. Face à elles, les prestataires d’externalisation sont globalement de bons vendeurs de leurs services, mais le tout ne fait pas un marché. Les principaux prestataires cumulent 10-15 millions d’euros de chiffre d’affaires, ce n’est rien. J’estime le marché potentiel français à 50-100 millions d’euros au maximum, ce n’est pas grand-chose comparativement à la masse des achats formation en France.

Au cours des deux dernières années, de nombreux prestataires qui s’étaient lancés ont connu de lourdes pertes financières, dont mon ancienne structure CSRH. Certains arrêtent définitivement. Aujourd’hui, le plus gros acheteur français de formation pèse 280 millions d’euros, si on ne pèse pas une taille approchante, on ne pèse pas.

E & C : Qu’est-ce qui freine le développement de l’externalisation de la formation ?

P. Y. : Plusieurs raisons. Les outsourceurs de formation veulent copier l’externalisation de la paie, mais la formation professionnelle continue est une science plus diffuse que la paie. Il y a beaucoup de fuites latérales en formation, de financements mal identifiés. Pas en paie ou en comptabilité. De plus, on ne peut imaginer priver un salarié de son bulletin de paie ! Alors que, souvent, la formation est plus difficile à tracer, donc à externaliser.

Assurer la gestion de la formation pour le compte d’une entreprise lui apporte peu de valeur ajoutée, si ce n’est d’assurer cette gestion avec plus de rigueur, mais c’est le même métier qu’en interne. Le ROI n’existe pas. Et personne ne prouve qu’un “insourcing” de qualité soit moins rentable qu’un outsourcing de qualité équivalente.

E & C : Pourtant, nombre d’entreprises disent vouloir optimiser la gestion de leur formation. Quelles pistes peuvent-elles suivre ?

P. Y. : Il faut considérer différents niveaux d’entreprises. Certains grands groupes internationaux pratiquent une vraie externalisation. L’un d’entre eux a ainsi sous-traité sa gestion à des centres à Kuala Lumpur et à Budapest, mais il s’aperçoit que cela crée quelques problèmes de compréhension juridique et réglementaire lors des montages de dossiers avec ses Opca ! À mon sens, l’optimisation de la gestion administrative pour les grands et moyens groupes passe par la création, chez eux, de centre de ressources partagées, de centrale d’achats formation… Comme nous l’avons créé voilà plus de dix ans pour Alstom Power. Bilan : 38 % d’économies en trois ans en faisant en interne, pas en “outsourçant” ! Il faut bien sûr y ajouter un outil de gestion informatique fiable, simple et, surtout, simplifiant les process. Toute forme de centre de services partagés – entre filiales, entre entreprises du même bassin d’emploi ou du même secteur – peut donner un effet de levier. Quand vous êtes imposant, ce n’est pas compliqué de demander au numéro un du marché des remises dans une relation gagnant-gagnant. Quand on est gros, le courtage par l’extérieur n’apporte rien, ou à la marge. Il n’est vraiment intéressant que pour les entreprises moyennes multisites, un peu faibles en logistique et culture formation, et pour la petite entreprise, pas pour les grands groupes dont des services spécialisés achats assurent déjà la fonction.

E & C : Et pour les petites et moyennes entreprises ?

P. Y. : La prochaine étape de l’externalisation sera réalisée par les Opca, et précisément pour les moyennes et petites entreprises, mais cette notion de taille peut varier selon les secteurs : 300, 500 ou 1 000 salariés… Plusieurs directeurs d’Opca disent qu’ils vont y venir. D’ailleurs, les centres de services partagés interentreprises pour les petites sociétés, les Opca le font déjà avec leurs formations collectives. Quand les Opca s’y mettent, ils obtiennent facilement des réductions significatives auprès des organismes de formation. La force des Opca est de gérer les fonds formation de leurs adhérents, ça les rend plus forts que n’importe quel autre “outsourceur”. Les Opca devraient travailler surtout en faveur des petites entreprises, mais les conventions d’objectifs et de moyens imposées par l’État sont tellement ubuesques, axées sur des résultats rapides, que les conseillers vont d’abord voir les gros adhérents et pas assez les petits.

Auteur

  • L. G.