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L’anticipation de la fusion a limité son coût

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 18.06.2013 | HUBERT HEULOT

Cinq mutuelles ont préparé leur harmonisation sociale pendant deux ans avant de constituer, le 1er janvier 2013, Harmonie Mutuelle, désormais première mutuelle de France. Le coût de la fusion a été réduit alors que des avantages ont été apportés aux salariés.

« Le processus de fusion a été socialement réussi »: le jeune groupe Harmonie Mutuelle peut se réjouir, car il était pourtant le produit de multiples histoires sociales. Ce nouveau “grand” mutualiste est né du rapprochement de cinq mutuelles locales et régionales (Prévadiès, Harmonie Mutualité, Spheria Val de France, Santévie, Mutuelle Existence), toutes décidées à survivre dans le maelström qui, après la banque et l’assurance, va toucher les complémentaires santé et la prévoyance. « Le panorama social de départ présentait tous les reflets du possible ! », note joliment Caroline Lebrun, la DRH, mais le nouveau groupe avait harmonisé préalablement 15 accords d’entreprise.

La « voix mutualiste »

Cette fusion répond d’abord à une exigence économique. À côté de ses concurrentes – compagnies d’assurance (AXA, CNP, AGF) ou institutions de prévoyance (AG2R, Malakoff-Médéric, Humanis) –, Harmonie Mutuelle reste un petit poucet. Mais, avec 4 300 salariés, 4,5 millions d’adhérents et 2 milliards d’euros de cotisations perçues en 2012, le groupe prend une dimension nationale. Il acquiert l’assise financière pour se lancer dans les contrats de branche de la nouvelle complémentaire santé obligatoire décidée par l’accord national sur la sécurisation de l’emploi du 11 janvier. Sur ce marché porteur et sur celui de la prévoyance, il compte défendre la « voie mutualiste », aussi bien face aux pouvoirs publics quand ils fixent, par exemple, le tarif des actes médicaux, que pour obtenir, de par sa taille, les meilleurs coûts de “fabrication” des services aux adhérents.

Sous un angle social

Le 27 janvier 2011, le groupe réunit pour la première fois les 25 délégués syndicaux des cinq mutuelles face aux directions des RH au grand complet. En mars 2011, un accord de méthode est signé. « Nous avons conduit le processus de fusion sous un angle social qui préfigure le type de dialogue que nous voulons avoir à l’avenir. Nous avons aussi créé, en amont, les conditions pour éviter d’avoir à harmoniser seulement par le haut », résume Caroline Lebrun. Les cinq mutuelles se différencient par la taille (de 200 à 2 000 salariés), les origines géographiques (Ouest, Sud-Ouest, Centre) et par les politiques sociales, ambitieuses ou pas, tournées vers la rémunération ou plutôt vers l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle.

Dès le départ, la direction s’engage à garantir l’emploi. Les 300 agences existant dans toute la France sont conservées. Tout comme les 40 plateaux de gestion, où des femmes font pour l’essentiel de la saisie. « S’il devait y avoir réorganisation de ce côté, nous demandons que l’on anticipe suffisamment pour éviter toute casse sociale », prévient Catherine Pradelle, la déléguée syndicale de la CFDT, qui vient de remporter les élections professionnelles avec 44 % des voix (CGT 25 % ; CFE-CGC 19 % ; CFTC 13 % ; FO 6,5 %). Mais Caroline Lebrun rassure : l’engagement de maintien de l’emploi « reste valable au-delà de la fusion, même s’il faudra faire face aux évolutions de nos métiers et aux pressions extérieures ».

Deuxième assurance, aucune mobilité géographique ne serait imposée : « L’espace de dialogue que nous avons trouvé a permis de mettre en place un travail en partenariat avec les syndicats, qui comptera demain. Il a déjà été un facteur de réussite pour rapprocher les statuts. » En avril 2012, toutes les organisations syndicales signent un accord sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Il jette les bases de l’adaptation à venir, permanente, du personnel, par la formation et son accompagnement.

Accord de convergence des statuts collectifs

Enfin, le 18 décembre 2012, un accord de “convergence des statuts collectifs” est conclu avec, là aussi, tous les syndicats. Pour l’essentiel, il étend à l’ensemble du groupe des dispositions existant déjà dans les mutuelles candidates à la fusion. Les 35 heures sont généralisées avec 22,5 jours de repos complémentaires par an, dont 7 laissés à l’initiative des salariés. « Une vraie concession de l’employeur préservant l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle dans une entreprise où 80 % des salariés sont des femmes », souligne Caroline Lebrun. Le forfait-jours est fixé à 206 jours annuels. Les cadres au forfait-jours bénéficient des mêmes 22,5 jours de repos complémentaires que les autres. « Nous avons rétabli la définition légale des cadres autonomes alors que, par endroits, des techniciens étaient employés au forfait-jours, payés 1 500 euros par mois mais ne comptant ainsi plus leurs heures », raconte Catherine Pradelle. Le compte épargne-temps est généralisé. Au terme d’une discussion longue et serrée sur la complémentaire santé, la part employeur de la cotisation passe de 55 % à 65 %. La part du salarié est gelée pour cinq ans.

Un impact de 1,2 % de la masse salariale

La dynamique initiale de la négociation – les syndicats, non demandeurs de la fusion, réclamant qu’aucun salarié n’y perde quoi que ce soit – est préservée. Mais sans grands avantages nouveaux : « Au final, pour avoir bien anticipé la fusion, l’évolution du statut social aura un impact de 1,2 % de la masse salariale », se réjouit Caroline Lebrun.

Mais les syndicats commencent à s’inquiéter. Un troisième accord, celui sur les moyens du dialogue social, devait voir le jour avant la fusion, mais n’a pas abouti. « Nous disposons d’un socle commun pour le démarrage du groupe, mais nous craignons que le social devienne maintenant une variable d’ajustement », explique Catherine Pradelle. D’autant que le groupe vient de lancer un plan d’amélioration de la performance, où il évoque pour la première fois des économies d’échelle.

Auteur

  • HUBERT HEULOT