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États-UnisL’ENTREPRISE SANS PATRONS… UN RÊVE AMÉRICAIN ?

Pratiques | International | publié le : 18.06.2013 | CAROLINE TALBOT

Certaines start-up high-tech américaines démontrent les bienfaits d’une organisation plate. Quelques entreprises se passent même totalement de hiérarchie, y compris dans des secteurs plus traditionnels.

L’entreprise sans patron ni même chef de service tatillon vous fait rêver ? Elle existe. C’est en tout cas ce qu’affirment les 300 collaborateurs de Valve Software, une plate-forme de jeux vidéos installée à Seattle dans l’État de Washington, qui, depuis plus de quinze ans, gère les divertissements d’une communauté de 50 millions de passionnés. « Nous voulons embaucher les plus innovants, les plus talentueux, nous voulons des innovateurs, explique-t-on à Valve Software. Nous ne pouvons donc pas leur imposer une tâche. » Les nouveaux venus disposent de bureaux à roulettes et choisissent l’équipe avec laquelle ils vont plancher.

L’ambiance semble tout aussi décontractée chez le Californien GitHub, spécialiste des locigiels en accès libre, qui a fait ses débuts en 2008. La start-up, passée très vite de 3 à 158 salariés, a créé une boîte à outils d’applications utilisant le système d’exploitation Linux. Les entreprises clientes s’abonnent pour avoir accès à ses outils et au savoir-faire de ses programmeurs.

Réduire l’épuisement

Tom Preston-Werner, l’un des fondateurs de GitHub, n’impose ni réunion ni horaires de travail… « Je suis mon propre manager, je planifie mon emploi du temps », explique Zach Holman, l’employé numéro 9, tandis que Ryan Tomayko, responsable de l’ingénierie, affirme vouloir « diriger par l’exemple ». Lorsqu’un nouveau venu se présente, « je lui montre différents projets, j’explique comment je travaille avec les autres services… pour qu’il devienne lui-même manager ». Les fondateurs de GitHub parient sur la flexibilité pour réduire l’épuisement qui guette trop souvent les programmeurs. Ils espèrent que la créativité des hackeurs s’exprimera mieux dans « une ambiance drôle et pleine de challenges ». Seul bémol à cette liberté : une réunion mensuelle obligatoire sur l’état des finances de l’entreprise pour que chacun prenne à cœur ses responsabilités.

Ces nouvelles compagnies, chantres de l’organisation plate, se moquent gentiment des piliers habituels de l’entreprise : son système hiérarchique et ses chefs de service. Et elles nourrissent régulièrement la chronique dans les revues de management. Parmi les dernières en date, celle de Gary Hamel, expert américain et enseignant à la London Business School, qui signait dans la Harvard Business Review en décembre 2011 un article au titre provocateur : “Commençons par virer tous les managers”. Il s’y dit impressionné par la réussite de Morning Star Company, producteur de sauce tomate installé en Californie, dont les 400 salariés n’ont pour patron que le fondateur, Chris Rufer, militant de ce qu’il appelle le « self management ».

Mais ce modèle s’appuyant sur l’intelligence et la bonne volonté des troupes peut-il durer ? Résister à la croissance de l’entreprise et notamment à son développement à l’international ? Le professeur Frank Shipper de l’université Salisbury y croit. Car il observe depuis plus de vingt-cinq ans l’expérience du groupe WL Gore, créateur des tissus techniques Gore-tex et de leurs dérivés. Et la société (10 000 salariés, 3,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires) a réussi à s’internationaliser, sans perdre son âme.

« Les équipes sont devenues transcontinentales, raconte le professeur. Mais elles maintiennent leur culture en communiquant tous les jours sur Internet. » Les leaders existent bel et bien : l’organisation plate n’a pu s’en passer. Mais ces mentors, managers, nommés par leurs collaborateurs ne sont pas inamovibles. Ils sont évalués deux fois par an par ceux avec qui ils travaillent.

Mouvement suivi

Cette culture a fait des émules. L’universitaire a vu d’autres entreprises américaines, comme Evapco, Herman Miller, SRC Holdings, Atlas Container… suivre le mouvement. La pédagogie sur les finances et la participation des salariés dans les décisions restent incontournables. Parmi les écueils, le recrutement externe de leaders est « très difficile », avoue Paul Centenari, le patron d’Atlas Container, qui préfère la promotion interne. La gestion de la croissance est délicate également. À SRC Holdings (emballages, services, construction de moteurs…), le vice président Steve Baker préfère les petites unités. « Nous construisons souvent des ensemble de 200 à 300 personnes que nous filialisons », dit-il. Et, pour maintenir l’originalité du concept, rien ne vaut l’embauche de candidats cooptés par les employés de la société.

Auteur

  • CAROLINE TALBOT