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Enquête

« Deux tiers des salariés exercent un métier pour lequel ils n’ont pas été formés »

Enquête | publié le : 18.06.2013 | ÉLODIE SARFATI

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« Deux tiers des salariés exercent un métier pour lequel ils n’ont pas été formés »

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

E & C : La question des emplois vacants est-elle pour les pouvoirs publics une préoccupation dans la lutte contre le chômage ?

M.-A. E. : En tant que tels, les emplois vacants ne reflètent pas un dysfonctionnement du marché du travail, car il ne s’agit que des offres disponibles à un instant donné. Ce qui est plus préoccupant, ce sont les échecs de recrutement. On considère qu’il y a, en flux, 300 000 procédures de recrutement abandonnées par an faute de candidats adaptés pour plus de 22 millions de recrutements. Une réduction de ces échecs ne modifierait donc pas les équilibres. Néanmoins, dans un contexte de hausse du chômage, ce sujet est important et ne peut pas être négligé. Il fera d’ailleurs partie des thèmes discutés lors de la grande conférence sociale pour l’emploi.

E & C : Dans quelle mesure la formation des candidats explique-t-elle les difficultés de recrutement sur certains métiers ?

M.-A. E. : Il faut relativiser. Lorsque les employeurs parlent de candidatures inadaptées, cela renvoie parfois à un défaut de compétence technique nécessaire pour occuper le poste, mais aussi, souvent, à un problème de savoir-être. De plus, et c’est une spécificité française, deux tiers des personnes en emploi n’ont pas été formées au métier qu’elles exercent. Le critère de spécialité de formation n’a donc pas prévalu lors de leur recrutement.

E & C : Comment les politiques publiques ont-elles cherché à répondre à cette problématique ?

M.-A. E. : Il y a eu diverses initiatives : un crédit d’impôt pour les jeunes acceptant un emploi connaissant des difficultés de recrutement, la délivrance d’autorisations de travail facilitée pour les étrangers exerçant des métiers en tension… Mais ces méthodes ont eu de faibles impacts. D’autres politiques ont cherché des réponses au plus près du terrain, en partant de la situation de l’employeur. Elles ont permis d’intervenir localement, en aidant par exemple les entreprises à mieux définir leurs offres d’emploi. Ces initiatives sont intéressantes, car une part des échecs de recrutement est due à l’inexpérience des petites entreprises dans le processus d’embauche. Elles n’ont pas toujours une bonne connaissance du marché du travail, ni des profils disponibles.

E & C : C’est donc un axe d’intervention que vous privilégiez ?

M.-A. E. : Oui. Pôle emploi est d’ailleurs en train de déployer un service ciblé sur les petites entreprises et celles qui ont des difficultés de recrutement, afin de les aider à mieux formaliser leurs besoins ou à modifier leurs critères d’embauche. Du côté des demandeurs d’emploi, les outils facilitant la reconversion, comme les évaluations en milieu de travail ou les méthodes de recrutement par simulation, doivent être mobilisés en faveur des personnes les plus éloignées du marché du travail. Au-delà, l’État impulse et soutient les démarches d’anticipation. Toutefois, l’intermédiaire des professionnels est nécessaire : les services de l’État ne peuvent pas intervenir seuls.

E & C : Faut-il des mesures contraignantes pour que les demandeurs d’emploi se dirigent vers les métiers en tension ?

M.-A. E. : L’expérience montre que les arguments prescriptifs conduisent à l’échec. Il ne sert à rien d’envoyer un demandeur d’emploi en entretien simplement parce que son profil correspond à l’offre déposée : si le poste ne l’intéresse pas, l’entreprise ne l’embauchera pas. Monter des programmes de formation en fonction des tensions observées sans vérifier que cela correspond aux personnes qu’on y envoie est également inefficace. L’incitation est importante, mais il faut aussi créer l’envie. Le conseil en évolution professionnelle et l’appui à la construction du projet sont essentiels.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI