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Les viviers d’administratrices existent déjà

Pratiques | publié le : 11.06.2013 | VIOLETTE QUEUNIET

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Les viviers d’administratrices existent déjà

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

Plus de 900 postes d’administratrices sont à pourvoir d’ici à 2017 dans les entreprises concernées par la loi Copé-Zimmermann. Beaucoup n’ont pas attendu l’échéance pour embaucher. Cabinets de recrutement et associations professionnelles de femmes fournissent le gros des troupes. Mais il faut compter aussi sur les réseaux internes de femmes cadres.

Au 1er janvier 2014, les entreprises cotées devront compter au moins 20 % de femmes dans leur conseil d’administration. En 2017, le taux est porté à 40 %, non seulement pour les entreprises cotées mais pour toutes celles d’au moins 500 salariés et réalisant un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros et plus. Au total, 1200 entreprises sont concernées par la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011. Selon les calculs de Guy Le Péchon, directeur de Gouvernance et Structures, cabinet spécialisé dans le conseil en recrutement d’administrateurs, « il y a 900 postes à pourvoir d’ici à 2017 ».

D’après l’Observatoire de la parité dans les conseils d’administration, qui établit chaque année un état des lieux de la présence et des profils des femmes dans les conseils d’administration, les sociétés cotées ont pris la mesure de l’enjeu. Plus de la moitié, anticipant la loi, a déjà atteint le taux de 20 % (lire l’encadré p. 17). En tête, les plus grosses capitalisations, dont font partie les entreprises du CAC 40, qui sont plus de 63 % à avoir franchi le seuil.

Surdiplômées

Comment les entreprises s’y prennent-elles pour féminiser leur conseil d’administration ? Critère n° 1 : la compétence. Dans le fichier de 2 500 administrateurs que suit l’observatoire, seules 4 femmes sur 536 n’ont pas fait d’études et sont membres de la famille du dirigeant (10 hommes sont également dans ce cas). On est loin de l’administratrice “bien née”. Les exigences des fonds d’investissement en matière de gouvernance ont en effet conduit les entreprises, en particulier celles du CAC 40, à muscler les profils de leurs administrateurs. Conséquence : selon l’observatoire, les nouvelles femmes nommées sont surdiplômées et ont une expérience de dirigeant dans 59 % des cas. Elles sont aussi plus jeunes que les hommes.

Pour satisfaire aux critères d’internationalisation de leurs conseils d’administration, certaines entreprises ont fait d’une pierre deux coups en recrutant des femmes étrangères. Fondatrice d’un cabinet de conseil en gouvernance, administratrice depuis dix ans, titulaire de plusieurs mandats, Viviane Neiter le constate : « Avec l’arrivée des femmes, on assiste à une professionnalisation des critères de recrutement. Aujourd’hui, les conseils d’administration réfléchissent et se demandent de quels profils ils ont besoin en fonction de leur stratégie. »

Les plus grandes entreprises ont recours aux cabinets de recrutement. Les réseaux professionnels constituent également des viviers de choix. « Avec la loi, le nombre d’associations professionnelles de femmes a explosé. Elles savent se faire connaître, sont très visibles sur Internet, et les entreprises peuvent y puiser leurs administratrices avec de très beaux CV », affirme Isabelle Allemand, professeur à l’ESC Dijon-Bourgogne et titulaire de la chaire gouvernance d’entreprise.

Trois cercles de recrutement

Parmi ces associations récentes : Financi’Elles, fédération de huit réseaux de femmes cadres du secteur financier, ou encore l’Association des femmes diplômées d’expertise comptable administrateurs. Cette dernière, qui regroupe 600 adhérentes actives, s’est donnée pour objectif de décrocher une centaine de mandats d’ici à 2017. D’ores et déjà, sa coprésidente, Marie-Ange Andrieux, est optimiste : « Si nous poursuivons sur le même rythme, il est très probable que nous atteindrons notre objectif. » L’association vise le « troisième cercle de recrutement d’administratrices », celui des experts. « Il y a trois cercles de recrutement d’administratrices, explique Marie-Ange Andrieux. Le premier se compose de personnalités du monde économique, financier et politique, qu’on retrouve surtout dans les très grandes entreprises cotées ; le deuxième est constitué des dirigeantes du top management des entreprises. Nous nous inscrivons dans le 3e cercle, celui des expertes. Aujourd’hui, 43 % des nominations correspondent à ce profil, c’est une tendance en hausse, car répondant aux enjeux stratégiques des entreprises dans un contexte de montée des risques financiers et extra-financiers. »

Démocratiser les profils et limiter le clonage

Ce que confirme Dominique Druon, directrice d’Aliath, un cabinet qui recrute des administrateurs pour les entreprises du “bas” du SBF 120 et pour les entreprises non cotées : « Cela contribue à démocratiser les profils et à limiter le clonage. » Elle cite le groupe d’assurances April (dont elle est également l’une des cinq administratrices, ces dernières représentant 41 % du conseil d’administration) qui a nommé à son conseil d’administration Florence Durousseau, directrice des assurances de personnes de Munich Re, pour son expertise du cœur de métier de l’assurance.

Les associations ne négligent pas pour autant la voie royale pour devenir administrateur : le parcours de dirigeant. À la tête de Féminin by SG, une association de femmes cadres de la Société générale créée en 2003 (et membre du réseau Financi’Elles), Véronique de la Bachelerie le martèle : « Pour postuler à un mandat d’administrateur, il faut d’abord accéder au comex, ce qui implique d’avoir occupé des postes opérationnels. Or les femmes sont souvent cantonnées dans des fonctions supports peu valorisantes et, surtout, peu visibles. Notre association joue un rôle d’aiguillon pour promouvoir les femmes à des postes opérationnels à tous les niveaux. »

Au fil des années, avec l’aide des RH qui ont amélioré les processus de nomination, la Société générale a constitué un vivier de femmes cadres où puiser des administratrices… pour ses filiales. Véronique de la Bachelerie est elle-même administratrice de trois d’entre elles – Boursorama, Sogeprom et UIB – après un parcours de cadre dirigeante qui l’a menée à son poste actuel : directrice générale de la filiale de la Société générale au Luxembourg. Ces mêmes viviers internes constituent une source de recrutement pour les autres entreprises. « Je source beaucoup dans ces associations. La loi a rendu légitimes les réseaux de femmes dans les grands groupes », indique Dominique Druon. Elle constate aussi qu’une cadre d’un groupe A, administratrice d’un groupe B, acquiert, de ce fait, une visibilité nouvelle qui peut avoir un impact positif sur sa carrière. « Le groupe qui l’emploie peut décider, par exemple, de la promouvoir pour la garder. Cela fait bouger les lignes », estime-t-elle.

Pour les DRH, il y a là un rôle à jouer. S’ils sont tenus à l’écart des nominations au conseil d’administration, ils ont toute leur légitimité pour équilibrer les nominations de cadres à tous les niveaux de l’entreprise. C’est ce que souhaite Marie-Ange Andrieux, ne serait-ce que pour limiter le cumul des mandats : « Pour atteindre les 40 % sans quota, il aurait fallu attendre 2050. Pour alimenter le “pipe” en femmes, il faut aussi une dynamique volontariste. »

L’ESSENTIEL

1 La majorité des entreprises cotées a déjà franchi le seuil de 20 % de femmes administratrices imposé par la loi à partir du 1er janvier 2014.

2 Les femmes recrutées sont de très haut niveau, avec une expérience de dirigeantes mais aussi un profil d’expertes.

3 Les réseaux professionnels de femmes inter et intra-entreprises jouent un rôle majeur dans la promotion des femmes aux postes d’administratrices.

Nette progression des femmes grâce à la loi

Sur 243 entreprises des compartiments A (capitalisations supérieures à 1 milliard d’euros) et B (capitalisations comprises entre 150 millions et 1 milliard d’euros), 51,9 % ont déjà atteint le seuil de 20 % de femmes dans leur conseil d’administration au 31 décembre 2012, selon l’Observatoire de la parité dans les conseils d’administration de l’ESC Dijon-Bourgogne. Elles n’étaient que 28 % deux ans auparavant. En moyenne, la part des femmes sur les deux compartiments atteint 20,7 %.

Sur le compartiment C (capitalisation inférieure à 150 millions d’euros), le nombre de femmes a progressé de 7,5 % en deux ans. Le seuil des 20 % n’est cependant pas encore atteint (19,2 % en moyenne en juin 2012).

Ces moyennes cachent de fortes disparités entre entreprises. Fin 2012, selon l’Observatoire de la parité, 15 entreprises du compartiment B (sur 131) ne comptaient encore aucune administratrice…

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET