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États-UnisNEW APPREND AUX FEMMES LES MÉTIERS D’HOMMES

Pratiques | International | publié le : 04.06.2013 | CAROLINE CROSDALE

A New York, New forme les futures expertes de la plomberie, de la menuiserie, de la charpente… Un programme soutenu par les grands syndicats qui réservent des quotas aux apprenties sur les chantiers.

Tawona Huff, 29 ans, travaille le haut de son corps : cette belle femme s’allonge à même le sol sur la pointe de ses chaussures et sur ses avant-bras. Elle explique comment elle renforce sa musculature pour être capable de devenir une “dure de dure” de la construction immobilière. Cette jeune mère au foyer de Brooklyn (New York) rêve de travailler dans les nuages, sur les ossatures en acier des gratte-ciel. C’est pourquoi elle participe au programme New (Non Traditional Employment for Women), un dispositif qui, depuis plus de trente ans, forme les jeunes femmes pour devenir plombier, électricien, maçon… professions jusqu’à présent dominées par les hommes.

L’idée de cette école des femmes remonte à la présidence de Jimmy Carter. À l’époque, moins de 2 % des femmes exerçaient ce type de métiers très bien payés. Et le président, sensible aux droits des femmes, a voulu corriger le tir. D’où la création de New à New York, de Vermont Works for Women, de Chicago Women in Trades ou encore d’Oregon Tradeswomen.

Formation gratuite

« New, financée par des fonds privés et publics, propose une formation gratuite de six semaines pour mettre les jeunes d’au moins 18 ans au niveau. Les mères célibataires, les chômeuses de longue durée sont les bienvenues », explique Amy Peterson, présidente de l’association. Objectif : leur permettre de devenir apprenties dans les corps de métiers masculins, la construction, l’entretien des immeubles, les nouveaux emplois verts…

La direction de New cultive des relations étroites avec les syndicats et les entreprises concernées pour que les élèves soient averties lorsqu’un poste d’apprentissage se libère. Une condition indispensable dans ce secteur traditionnellement “unionised”, dont le recrutement est soumis à l’approbation et à l’adhésion syndicales. Tawona Huff a dû prouver qu’elle avait fini le lycée. Elle a passé avec succès un test de maths et, depuis, elle laisse son compagnon emmener à l’école leur fils de 3 ans, afin d’arriver avant 7 h 00 dans la salle de classe.

Depuis les années 1970, la cause féminine a fait son chemin. Les cours Blue Collar Prep, de préparation à l’apprentissage dans les métiers de base de la construction et des transports, New at night, qui décline le même programme en cours du soir et du samedi pour celles qui ont un autre emploi, et Renew Green Labor, qui se focalise plus sur les emplois verts de ces secteurs, constituent l’offre de New. Elle est complétée d’aides qui n’ont rien d’accessoire dans ce contexte : une sensibilisation à la prévention du harcèlement sexuel et de la discrimination et un accompagnement dans la recherche de modes de garde d’enfant, dans la mesure où les heures d’embauche du secteur sont très matinales.

Postes réservés

New a ainsi formé 800 étudiantes dans des classes de 23-25 élèves ; 75 % d’entre elles décrochent leur diplôme et, parmi ces dernières, 75 % trouvent un emploi. « Avec la reprise, les offres reviennent », assure la présidente de l’organisation. Le salaire de départ de l’apprentie commence à 15-17 dollars de l’heure. Mais au bout de quatre à cinq ans, Tawona Huff espère gagner 50 dollars de l’heure. « Avec les entreprises syndiquées, témoigne Amy Peterson, les femmes sont assurées d’avoir le même salaire que les hommes et le même nombre d’heures. » En plus, ces partenaires syndicalistes se sont engagés depuis cinq ans à réserver 10 % de leurs places en apprentissage aux femmes. Ce qui a permis de féminiser de grands chantiers new-yorkais, tels la rénovation de l’université Columbia, le World Trade Center ou encore les bureaux de la chaîne de télévision MTV.

Les femmes de New ont fait du chemin. Celles que l’école aime représenter casque de chantier bien vissé sur la tête, ont ouvert de nombreuses portes. Tawona, pourtant, ne se fait pas d’illusions : « Je vais entendre des commentaires vulgaires. Mais j’ai la peau dure. Je sais comment faire le travail et je vis avec cinq hommes : mon compagnon, son père, ses frères et mon fils. »

Auteur

  • CAROLINE CROSDALE