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Ces villes qui protègent mieux leurs agents

Pratiques | publié le : 04.06.2013 | CAROLINE COQ-CHODORGE

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Ces villes qui protègent mieux leurs agents

Crédit photo CAROLINE COQ-CHODORGE

Les conditions de travail des agents de la fonction publique territoriale se dégradent. Alors que la protection sociale est un outil efficace de prévention des risques, à peine un quart des collectivités participent à la couverture santé et prévoyance de leurs agents.

Dans la fonction publique territoriale, tous les ingrédients d’une dégradation des conditions de travail sont présents : gel des salaires depuis 2010, vieillissement de la population des agents, salaires peu élevés – puisque 75 % d’entre eux sont en catégorie C – et conditions de travail souvent difficiles dans les espaces verts, la propreté ou la petite enfance.

Les chiffres le confirment : selon une étude réalisée par CNP assurance, l’un des principaux opérateurs du secteur en prévoyance, l’absentéisme a bondi de 30 % en cinq ans, en particulier pour les congés courts pour maladie ordinaire. Dans la ville de Reims (51), par exemple, le phénomène a encore été amplifié par une réorganisation des services, consécutive au changement de majorité en 2008 : « Cela a été une prise de conscience : il fallait agir sur les conditions de travail. Un des leviers est d’améliorer la protection sociale des agents », explique Jean-Claude Laval, adjoint au maire de Reims, chargé du personnel.

Absentéisme élevé

En prévoyance, la convention de la fonction publique territoriale est peu protectrice. En cas d’arrêt maladie de longue durée, le salaire est maintenu pendant trois mois. Au-delà, le traitement de l’agent est le plus souvent réduit de moitié. « Notre assistante sociale nous a alertés sur la situation sociale dramatique de certains agents, pas toujours informés de cet élément statutaire », témoigne Marie Point, directrice des ressources humaines de la ville de Vienne (38), qui compte 30 000 habitants et 700 agents permanents, dont 80 % sont en catégorie C. Or « l’absentéisme est élevé : nos agents sont en moyenne arrêtés 30 jours par an, alors que la moyenne nationale est environ de 20 jours », poursuit cette DRH.

Même constat à Denain (59), une ville de 20 000 habitants employant 395 agents, où l’absentéisme est de 11 %, et qui doit en prime faire face, comme la majorité des collectivités locales, au vieillissement de ses agents : « Leur moyenne d’âge est de 47 ans », explique Nathalie Pora, la directrice des ressources humaines. À Reims, « une majorité d’agents ont été recrutés après-guerre, explique-t-on chez Force ouvrière, le syndicat majoritaire. Et on en prend pour deux ans supplémentaires avec la réforme des retraites. Certains en ont plein le dos ! »

Reims, Vienne ou Denain ont donc décidé de participer financièrement à la couverture prévoyance des agents, comme 28 % des collectivités territoriales, selon une enquête réalisée en mars 2013 par la Mutuelle nationale territoriale (MNT) auprès d’un échantillon représentatif de collectivités.

Complémentaire facultative

Le degré de participation des employeurs est variable : Reims prend en charge 50 % en moyenne de la cotisation prévoyance, Vienne et Denain 25 %. Toutes trois modulent leur participation en fonction du niveau des salaires. De leur côté, les agents n’ont aucune obligation de souscrire à la complémentaire santé ou prévoyance en partie financée par l’employeur : c’est la principale spécificité de la fonction publique territoriale (FPT) par rapport aux régimes collectifs obligatoires du secteur privé. Logiquement, l’adhésion des agents dépend de la générosité de l’employeur : à Reims, 85 % ont souscrit une complémentaire prévoyance, ce taux tombe à 80 % à Vienne et à 54 % à Denain. La DRH de la ville de Vienne se félicite cependant du « coût limité » – 30 000 euros – de cette protection « très appréciée par nos agents ». À Reims, Jean-Claude Laval se réjouit, lui aussi, de « la bonne compréhension du dispositif par les agents. Nous avons beaucoup communiqué. Le niveau de participation élevé de la ville a aussi pesé. Et nous n’avons pas constaté d’abus ».

Moins d’adhésions à la couverture santé

Les agents adhèrent moins à la couverture santé : le risque étant plus lourd, la participation de la collectivité est généralement moindre. Selon le sondage de la MNT, 20 % des collectivités territoriales seulement participent à la complémentaire santé de leurs agents. La ville de Reims participe forfaitairement à hauteur de 90 euros par an pour des agents d’exécution et de 50 euros par an pour des cadres. « Pour un agent de catégorie C, cela représente trois mois de cotisation d’une couverture santé minimale. Pour les syndicats, c’est insuffisant, mais le montant de notre participation sera rediscuté chaque année », assure Jean-Claude Laval . 40 % des agents rémois ont une mutuelle labellisée (lire l’encadré p. 13) et bénéficient de la prise en charge par l’employeur, mais de 15 % à 18 % n’ont toujours pas de complémentaire santé. « Pour nous, la couverture santé est un élément de prévention de l’absentéisme : les agents bien couverts sont en meilleure santé et peuvent se soigner plus rapidement. »

Si ce constat de bon sens est partagé, toutes les collectivités n’ont pas les moyens de participer à cette hauteur : « Nous sommes dans une situation budgétaire réellement tendue », explique Nathalie Pora à Vienne. La participation de la ville se situe dans une fourchette comprise entre 1 et 6 euros par mois. « Ce n’est pas énorme, mais c’est tout de même un budget de 32 000 euros pour la ville. » À Denain, seuls 16 % des agents profitent de l’offre municipale. Pourtant, le niveau d’adhésion est essentiel pour assurer une bonne mutualisation des risques. « En prévoyance surtout, ceux qui adhèrent le plus facilement sont ceux qui ont le plus de risques d’être en arrêt de travail », expose Jean-Pierre Moreau, le président de la MNT. La mutuelle réclame donc que soit rendue obligatoire la participation de l’employeur. Cette revendication est partagée par les syndicats : « Parce que notre protection sociale est facultative, elle est moins efficace, regrette Jacques Bride, secrétaire général adjoint de FO territoriaux. Il faut aussi fixer un niveau minimal de participation de l’employeur et de garanties pour qu’une majorité d’agents adhèrent. » Dans la continuité de loi de sécurisation de l’emploi pour les salariés du privé, la réflexion sur une généralisation de la complémentaire santé et prévoyance des territoriaux est donc largement engagée.

L’ESSENTIEL

1 Les collectivités locales participent encore peu à la protection sociale : 20 % prennent en charge une partie des cotisations en santé, et 28 % en prévoyance.

2 Les enjeux sont pourtant forts : en cinq ans, l’absentéisme a progressé de 30 %, notamment à cause des arrêts maladie de courte durée.

3 Un nouveau dispositif encadre depuis le 1er janvier 2013 la participation de l’employeur à la couverture santé et prévoyance des agents.

Des contrats individuels ou collectifs

Depuis le 1er janvier 2013, un nouveau dispositif encadre la participation financière des collectivités territoriales à la couverture santé et prévoyance de leurs agents, en application de la loi de modernisation de la Fonction publique du 2 février 2007. Il existe désormais deux modalités de participation : la labellisation ou la convention de participation.

« Dans le cadre de la labellisation, les contrats des agents sont individuels : ils peuvent adhérer au contrat labellisé de leur choix, explique Jean-Pierre Moreau, président de la MNT (Mutuelle nationale territoriale), opérateur historique dans le domaine ; 130 contrats sont labellisés en santé et une vingtaine en prévoyance. La convention de participation se rapproche du contrat collectif, puisque la collectivité passe un appel d’offres et propose un seul contrat à ses agents. » Les partenaires sociaux doivent être consultés sur le choix de la procédure et, en cas de convention de participation, donnent leur avis sur le choix de l’opérateur.

La ville de Reims, qui a opté, le 1er janvier, pour la labellisation, engage une réflexion sur un recours à la convention de participation. « Au départ, nous étions, comme les syndicats, attachés au libre choix de sa complémentaire par l’agent, explique Jean-Pierre Laval, adjoint au maire. Mais nous prenons conscience qu’en négociant un contrat collectif avec un seul opérateur, nous pourrons avoir de meilleurs prix, mieux analyser l’absentéisme et conduire des actions de prévention plus efficaces, en partenariat avec l’organisme complémentaire. »

Auteur

  • CAROLINE COQ-CHODORGE