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« L’enjeu est l’apprentissage en situation de travail »

Enquête | publié le : 04.06.2013 | H. T.

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« L’enjeu est l’apprentissage en situation de travail »

Crédit photo H. T.

E & C : Fallait-il vraiment inscrire le principe de transmission des compétences dans la loi sur le contrat de génération ?

B. M. : Les entreprises n’ont certes pas besoin du législateur pour savoir comment elles doivent former. Il faut reconnaître cependant que, depuis 1971, le cadre social et fiscal les a incitées à développer certains dispositifs plutôt que d’autres. On peut se réjouir de voir que le contrat de génération incite les partenaires sociaux à réfléchir à la question de l’acquisition des compétences autrement que par la seule formation formelle. Cette brèche culturelle et surtout méthodologique dans les pratiques coutumières est positive.

E & C : Pensez-vous que ces nouvelles dispositions vont favoriser le maintien des seniors dans l’emploi ?

B. M. : C’est difficile à dire et ce sera aussi difficile à quantifier. On peut identifier les jeunes qui entrent dans l’entreprise, mais je ne vois pas comment on pourra repérer les seniors qui resteront en poste grâce au contrat de génération. Il existe un transfert de compétences permanent au sein des organisations, qui n’est ni balisé, ni chiffré. Cela renvoie au concept d’entreprise apprenante dont on parle depuis longtemps. Il existe partout des gisements d’apprentissage, mais postuler que le fait de garder des seniors va spontanément renforcer la transmission des compétences vers les plus jeunes est une fausse évidence. Cela pourra fonctionner dans les organisations stables, pas forcément dans des environnements mouvants et innovants.

E & C : Les seniors font-ils les meilleurs tuteurs ?

B. M. : Pas nécessairement. Dans la majorité des cas, les tuteurs sont des « médians ». Ils ont entre 30 et 40 ans, sont expérimentés, savent quelquefois mieux transmettre et ont plus de proximité générationnelle avec les jeunes, qui n’ont pas forcément envie de « se coltiner » un senior. Le tutorat n’est pas l’affaire des seuls seniors, dont l’avantage par rapport aux autres est seulement la présomption d’expérience. Ce n’est qu’une présomption, sauf peut-être dans quelques secteurs où ils sont les seuls à détenir certaines compétences devenues rares. Considérer qu’un senior est a priori disponible et volontaire pour être tuteur demande aussi à être relativisé.

E & C : Comment les entreprises doivent-elle, du coup, appréhender le contrat de génération ?

B. M. : Le véritable enjeu, c’est l’apprentissage en situation de travail. Il nécessite le respect de certaines règles. D’abord, le senior doit avoir l’ambition de transmettre, et l’employeur celle de favoriser cette transmission. Il faut une appétence et un engagement réciproques. Ensuite, c’est un projet organisé, qui peut être décliné sous différentes formes. Peu importe, d’ailleurs, la ou les modalités pédagogiques retenues. La désignation du tuteur, en revanche, doit être un choix raisonné : qui va-t-on prendre pour accompagner quel jeune, en fonction de quelles contraintes professionnelles ? Il y a deux grands positionnements tutoraux : la transmission du savoir-faire expérienciel, dans laquelle se retrouvent plutôt les seniors ; et l’accompagnement de la professionnalisation des jeunes, qui est d’ailleurs une propédeutique formidable à l’exercice d’une fonction managériale, mais qui est aussi plus complexe.

E & C : Les employeurs vont-ils jouer le jeu ?

B. M. : Vont-ils uniquement obéir à la loi – et, dans ce cas, adopter une posture minimaliste – ou se saisir de l’opportunité pour renforcer leurs mécanismes d’apprentissage en situation de travail, parce que c’est un réel facteur de performance collective ? Je crois, pour ma part, que cela vaut le coup d’y consacrer du temps et de l’énergie. Les DRH les plus avisés sauront convaincre leur direction de s’engager dans la démarche. Mais il faudrait surtout arrêter de distinguer les seniors des autres salariés – ce qui les ghettoïse –, et leur laisser toute leur place dans les équipes naturelles de travail.

* Auteur, en 2009, du rapport Seniors tuteurs : comment faire mieux ?

Auteur

  • H. T.