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Enquête

LE TRANSFERT DES SAVOIRS À GRANDE ÉCHELLE

Enquête | publié le : 04.06.2013 | STÉPHANIE MAURICE

Tenu par une nécessité de transmission des compétences, le groupe d’aéronautique et de défense n’a pas attendu le contrat de génération pour mieux articuler les fins de carrière et l’arrivée des nouveaux embauchés.

Le contrat de génération ne bouleversera pas les habitudes au sein du groupe Safran. En cours de négociation entre les partenaires sociaux de l’équipementier, l’accord sera l’occasion de généraliser et de cadrer des pratiques déjà existantes dans l’une ou l’autre des 34 filiales, comme, par exemple, chez le motoriste aéronautique et spatial Snecma. Après expérimentation, le tutorat y a été formalisé par un accord dédié dès 2006.

« Le cycle de vie de nos produits est long, rappelle Jean-Luc Bérard, directeur des ressources humaines de Safran. Il nous faut donc assurer absolument la transition entre les générations, d’autant que nous sommes sur des métiers à forte composante technologique, avec des transmissions de savoirs complexes. » Chez Snecma, dont les moteurs d’avion ont une durée de vie de 27 ans en moyenne, 16 % des 12 000 salariés sont engagés dans cette dynamique de transfert des compétences, soit 1 000 tuteurs pour 1 000 tutorés.

7 000 embauches en 2012

Le nombre est impressionnant, mais Safran a vu son chiffre d’affaires croître de 15 % entre 2011 et 2012 et opère des recrutements massifs ; 7 000 personnes ont été embauchées sur le périmètre du groupe en 2012. Dans le même temps, l’âge de départ en retraite recule : les 55 ans et plus représentent aujourd’hui 16,5 % de l’effectif. « Notre problématique n’est pas le maintien dans l’emploi des seniors, mais bien l’intégration des jeunes entrants », souligne Jean-Luc Bérard.

Le tutorat se fonde sur le principe du volontariat et ne se met en place que « sur la base d’une proposition de la hiérarchie », précise Marc Aubry, coordinateur syndical CFDT chez Safran, satisfait de l’accord signé chez Snecma sur le sujet. Tout futur retraité ne devient pas tuteur : le dispositif est surtout réservé aux métiers de la production et de la recherche et développement. « Nous n’avons pas les bornes d’âge que prévoit le dispositif légal des contrats de génération, car le tutorat est également mis en place lors des changements de postes, précise Jean-Luc Bérard. Mais, mécaniquement, il y a plutôt les cheveux blancs d’un côté, et les jeunes de l’autre. »

55 % des nouveaux embauchés à Safran ont moins de 30 ans. Ce sont en majorité des ingénieurs fraîchement diplômés, mais pas seulement. Et la durée d’accompagnement peut être plus ou moins longue selon les métiers. Kevin Lekunf, titulaire d’une licence pro en conception mécanique, a signé un CDI en juillet dernier et suit une formation montage sur les turboréacteurs, en production. Il est tutoré par Michel Michon, embauché en 1971 et à trois mois de la retraite. « Il faut au moins un an et demi pour être autonome, estime ce dernier. Un réacteur demande une dizaine de jours de travail, il n’y a pas le côté répétitif d’une chaîne de montage. » La maîtrise des gestes ne s’improvise pas.

Les tuteurs peuvent, s’ils le souhaitent, bénéficier d’une formation de formateur d’une semaine, et ils touchent une prime de 120 euros par mois.

Un élément fort de reconnaissance

L’argent n’est pas le moteur, affirme le DRH : « Les gens en fin de carrière savent que ce qu’ils ont appris est transmis. C’est un énorme facteur de succès, un élément de reconnaissance fort. »

Le principal frein repéré ? Donner au tuteur « la disponibilité nécessaire, surtout en période de forte charge », répond Jean-Luc Bérard. Car l’entreprise n’a pas défini un temps précis d’encadrement du nouvel arrivé.

D’où l’importance de la procédure fixée avec la hiérarchie : entretien avant et après la période de tutorat, pour bien fixer les règles du jeu et vérifier ensuite qu’elles ont été respectées. C’est un point auquel tient Marc Aubry. Et d’insister : « La fonction tutorale doit être clairement identifiée, reconnue et prise en compte dans l’entretien annuel d’évaluation. »

SAFRAN

• Activité : équipementier dans les domaines de l’aéronautique et de l’espace, de la défense et de la sécurité.

• Effectifs : 60 000 salariés.

• Chiffre d’affaires : 13,5 milliards d’euros en 2012.

Auteur

  • STÉPHANIE MAURICE