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LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION

« ? Un Big Push pour les non-qualifiés ? »

LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION | Enjeux | publié le : 21.05.2013 | V. G.-M.

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« ? Un Big Push pour les non-qualifiés ? »

Crédit photo V. G.-M.

Bernard Gazier, économiste du travail spécialiste des politiques de l’emploi, membre du Conseil national d’évaluations de la formation professionnelle, ne mâche pas ses mots : « Dans la situation actuelle de crise, l’État doit prôner une politique de “Big Push”, autrement dit, un effort massif en faveur de la formation des personnes faiblement qualifiées. »

Selon lui, la formation professionnelle souffre de deux maux : la religion adéquationniste, « qui est un piège, même s’il faut s’interroger sur l’écart important entre les emplois non pourvus et le nombre de demandeurs d’emploi » ; et les systèmes d’aides publiques aux entreprises centrés sur les salariés de bas niveau, « qui, en exonérant massivement les cotisations sociales des entreprises employant des salariés au smic, enferment ces derniers dans leur condition de salariés faiblement qualifiés sans leur offrir de perspectives de formation ». « En France, on a pris le parti de conserver ces emplois non qualifiés qu’on aurait pu décourager, comme en Suède par exemple », constate Bernard Gazier.

Une économie de “la cueillette”

Le drame, poursuit l’économiste, est qu’à cela s’ajoute l’effet crise : les entreprises pratiquent une économie de « la cueillette » (elles embauchent au fil de l’eau) et du « braconnage » (elles recrutent des salariés déjà formés par d’autres) dans une logique de segmentation (elles choisissent les salariés qu’elles forment, donc elles en négligent certains).

Que préconise Bernard Gazier ? Tout d’abord, de coordonner ce qui existe pour anticiper une échéance démographique majeure (les départs à la retraite des baby-boomers et les nombreux postes à remplacer) ; et de renforcer une impulsion nationale pour former certains publics : « La région est le lieu naturel de sécurisation des parcours et de gestion des transitions sur les territoires, mais l’État doit mettre en œuvre une politique nationale volontariste dans le cadre de partenariats locaux. »

Le membre du Conseil national d’évaluations de la formation professionnelle propose aussi de tirer profit d’expériences étrangères, comme celles des “Learning Reps” en Grande-Bretagne (des délégués syndicaux sont chargés de repérer et d’orienter vers la bonne formation les salariés faiblement qualifiés) et des fondations de travail autrichiennes (financées par les entreprises, elles ont été mises en place dans le cadre de restructurations et se sont ensuite élargies aux salariés peu formés et aux jeunes, formations intensives par l’apprentissage jusqu’à trois ans, bâties sur des besoins de long terme)*.

À défaut, l’économiste, qui partage les deux objectifs annoncés par le gouvernement de développer la formation des demandeurs d’emploi et de créer un compte individuel de formation, craint que ces chantiers ouverts en pleine crise n’aboutissent qu’à des décisions défensives « comme c’est le cas avec l’ANI sécurisation de l’emploi, dans lesquels la formation et la sécurisation des transitions sur les territoires sont quasiment absents ».

* Lire notamment Entreprise & Carrières n° 1141.

Auteur

  • V. G.-M.