À rebours du gouvernement, qui maintient son objectif d’inverser la courbe du chômage à la fin de l’année, les DRH sont pessimistes sur les perspectives de l’emploi dans leur entreprise.
Gel des embauches, gel des salaires, recours à l’intérim, plan de recrutement, chômage partiel. Sur tous ces indicateurs, les réponses des DRH au sondage Défis RH concordent : 2013 sera une année noire pour l’emploi dans leur entreprise. Alors que 36 % des DRH ont déjà dû geler les embauches l’an passé, 40 % pensent qu’ils vont devoir en passer par là en 2013. Même tendance sur l’intérim, indicateur avancé du marché de l’emploi : seuls 24 % prévoient d’y avoir recours (31 % en 2012). Logiquement, les prévisions de plans de recrutement sont en baisse (-6 points), en ligne avec celles de l’Apec sur les intentions d’embauche de cadres (-4 points au deuxième trimestre par rapport à l’année dernière). L’anticipation de chômage partiel est en hausse (+ 4 points). Quant au contrôle de la masse salariale par le gel des salaires, il est au programme d’un tiers des DRH (+ 7 points). Seules les prévisions de plans sociaux restent stables.
Les DRH pécheraient-ils par pessimisme ? Après plusieurs années de réduction des effectifs et de la masse salariale, un peu de découragement serait compréhensible. Mais il n’en est rien, si l’on se réfère à leurs prévisions passées. Celles de l’année dernière étaient même parfois trop optimistes : 34 % avaient prévu de geler les embauches, 36 % l’ont fait ; 23 % prévoyaient de geler les salaires, 26 % l’ont fait ; 27 % prévoyaient un plan de recrutement, 20 % l’ont fait. En revanche, les DRH ont été un peu pessimistes sur l’intérim puisque 31 % y ont eu recours alors que 28 % le prévoyaient.
« L’anticipation des DRH est cohérente et traduit strictement la situation économique », estime Jean-Pierre Basilien, directeur d’études pour Entreprise & Personnel. « Les entreprises n’ont pas beaucoup de visibilité sur leur carnet de commandes », déclare Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH et DRH France de Solvay.
La situation des jeunes et des seniors connaît un « tassement » par rapport à l’année dernière, selon Luc Vidal, directeur général d’Inergie. Ainsi, parmi les DRH ayant recruté au cours des douze derniers mois, 29 % (-4 points) déclarent avoir embauché une part significative (+ de 6 %) de seniors (+ de 50 ans). Tandis que parmi ceux qui ont réduit leurs effectifs, 26 % précisent que les seniors constituaient le gros de la charrette (ils étaient 22 % l’année dernière).
À l’autre bout du marché du travail, la situation se dégrade également : 41 % des DRH comptent augmenter la part des contrats en alternance dans leurs effectifs, contre 54 % en 2012. Plus des trois quarts des entreprises interrogées dans le cadre de notre baromètre sont d’ailleurs en dessous du quota de 4 %.
Et ce n’est pas le contrat de génération, entré en application à la mi-mars, qui va changer la situation. Seuls 21 % des DRH estiment que ce nouveau dispositif – qui lie une incitation/pénalité financière à l’embauche d’un jeune et au maintien d’un senior – va les inciter à embaucher des jeunes. Les entreprises de moins de 300 salariés, pourtant bénéficiaires d’une aide de 4 000 euros, sont à peine plus convaincues (30 %). « Le contrat de génération ne trouve pas son public », commente Luc Vidal. Le gouvernement espère pourtant que 100 000 seront signés chaque année.
En revanche, les DRH sont nettement plus séduits (56 %) par les accords de maintien dans l’emploi créés par la loi de sécurisation, d’origine syndicale (lire Entreprise & Carrières n° 1140 du 16 avril). Mais, comme le note Jean-Christophe Sciberras, « les mesures prévues dans l’accord et la loi sur la sécurisation de l’emploi ne vont pas produire leurs effets tout de suite, car elles sont conditionnées à des accords d’entreprise ; en outre, il faudra du temps pour réduire les inhibitions des employeurs vis-à-vis des recrutements en CDI ». Selon une étude du Conseil d’analyse économique publiée fin avril, l’aide prévue de 4 000 euros devrait être réservée aux salaires inférieurs à 1,6 smic afin de « limiter les effets d’aubaine ».