logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

Quand l’autonomie profite à tous

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 07.05.2013 | ROZENN LE SAINT

Depuis 2006, la biscuiterie promeut la déhiérarchisation et l’auto-organisation pour inciter ses 750 salariés à porter des projets de nouveaux produits.

Impliquer davantage les salariés en leur donnant un maximum d’autonomie : depuis six ans, c’est le credo de l’entreprise Poult, producteur de biscuits pour la grande distribution. Et promouvoir l’innovation passe par un nouveau modèle managérial, adopté par le bateau amiral du groupe*, la biscuiterie de Montauban (Tarn-et-Garonne), qui compte 400 salariés. « Nous avions un problème de performance sur le site. Les anciennes méthodes de management avaient atteint leurs limites », admet Didier Hirtzig, directeur de l’usine montalbanaise.

Remise à plat

Inspirés par des modèles d’entreprise comme Gore and Associates aux États-Unis ou Semco au Brésil, qui prônent l’autonomie des salariés, la biscuiterie décide, en 2006, de tout remettre à plat. « Nous avons démarré d’un seul coup, ça a été le big bang sur le site. Nous nous sommes jetés à l’eau en supprimant l’encadrement de proximité : les chefs de ligne, d’équipe, et les responsables de production », relate Didier Hirtzig. Pour la plupart experts (qualité, process-innovation…) au sein des unités de production, ils ont conservé leur salaire. Cette initiative a été appréciée par Youcef Zamouche, délégué syndical FO sur le site : « Ne plus avoir de chef de ligne supprime des tensions. » Dans le même esprit, les salariés sont incités à se regrouper pour réfléchir à des innovations, tant pour améliorer les postes, et donc les conditions de travail, que pour créer de nouveaux produits.

Groupes de travail par idées

Une boîte à idées plutôt classique, baptisée Tous innov, est lancée dès le début de l’opération. Mais les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous. « Les équipes marketing et commerciales ont fait le tri parmi les idées envoyées. Cela a été mal vécu parce que les salariés ne savaient pas pourquoi leurs projets n’avaient pas été retenus, concède Didier Hirtzig. Nous avons donc décidé de les inciter à monter des groupes de travail pour aller au bout de leurs idées. » Réalisables, ou non. Un groupe a, par exemple, travaillé sur l’idée de se lancer dans la pâte à choux, qui n’a finalement pas abouti.

Pendant leur temps de travail, les salariés s’organisent pour être remplacés à la chaîne et être disponibles pour plancher sur des projets d’innovation produit. Un bémol, cependant : « Il est rare que ce soit des gens de l’usine qui animent un groupe, tempère Youcef Zamouche. Ils ne croient pas en eux, se limitent, disent que, puisqu’ils sont ouvriers, ils se sentent inférieurs à ceux qui sont au-dessus. » Une « autocensure » également remarquée par le directeur du site : « Quand on laisse les personnes tout faire seules, elles peuvent se sentir perdues, convient-il. Et les opérateurs sur les lignes ne savent pas forcément calculer un retour sur investissement. Pour les accompagner dans l’aboutissement de leurs idées, nous avons mis en place, en 2010, des coachs innovation. » Lesquels proviennent de différents services : marketing, R & D, DRH…

De ces groupes projets est née la Maxitablette, un biscuit en forme de tablette de chocolat, ainsi que les nappés à la noix de coco. « Commercialiser des nouveaux produits issus d’un travail collectif de personnes très impliquées a reflété le succès de l’organisation, estime Didier Hirtzig. Le personnel est davantage impliqué et motivé. » Même écho du côté de FO : « Avant, on disait que Poult copiait Lu. La commercialisation de la tablette de biscuits est une réussite importante qui nous rend fiers. C’est ce qui a donné envie à Michel et Augustin [PME du secteur alimentaire, qui défend aussi le bien-être au travail, NDLR] de travailler avec nous », assure Youcef Zamouche.

Taux d’absentéisme en baisse

D’ailleurs, tous les indicateurs sont positifs. De 2008 à 2010, le résultat opérationnel de l’usine de Montauban a doublé. Le taux d’absentéisme, lui, a chuté de 6 % en 2005 à 2,6 % aujourd’hui. L’aboutissement de ces projets ne donne pas lieu à des récompenses individuelles, cela va dans le sens de la philosophie de la nouvelle organisation, qui doit profiter à tous.

Selon ce principe, les équipes sont également autonomes pour organiser les congés, les remplacements, la maintenance, communiquer avec les équipes commerciales… Dans chaque groupe d’une douzaine d’opérateurs, quatre d’entre eux font le lien avec les autres équipes. « Ce ne sont pas des futurs chefs, mais des relais », précise Didier Hirtzig. Le revers de la médaille, selon Youcef Zamouche, est que « certains salariés n’adhèrent pas au système. Ils trouvent qu’il y a trop de réunions pour une entreprise qui produit du biscuit. Il faut s’organiser à l’avance, prévoir les remplacements par des intérimaires, etc. Nous essayons d’alerter la direction en disant qu’on a peut-être atteint une limite d’autonomie à ne pas dépasser. »

Enjeux de collaboration

Jérôme Introvigne, directeur du management de l’innovation du groupe Poult, souhaite, pour sa part, pousser plus loin le concept d’innovation permanente, et a lancé, à cette fin, une plate-forme collaborative fin 2010. Mais « la communauté ne se l’est pas appropriée, en dépit de la mise à disposition d’ordinateurs en libre accès dans les salles de pause, regrette-t-il. L’outil va évoluer pour mieux coller à notre organisation et à notre culture ».

Quoi qu’il en soit, « l’entreprise a beaucoup changé, très vite. La mise en place de notre organisation en équipes autonomes a démontré à tous que l’on n’est plus sur des enjeux de hiérarchie mais de collaboration », estime Jérôme Introvigne. Avec, toujours, ce souci de remise en question, pour faire évoluer la nouvelle organisation.

* Les quatre autres sites de production du groupe (Sully-sur-Loire, Aire-sur– l’Adour, Fouesnant et Briec-de-l’Odet) construisent aussi, peu à peu, leur propre modèle fondé sur l’autonomie du personnel.

Auteur

  • ROZENN LE SAINT