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LA CHOCOLATERIE DE BOURGOGNE FAIT MOUSSER L’ACTIONNARIAT SALARIÉ

Pratiques | publié le : 07.05.2013 | L. P.

Les repreneurs de l’usine dijonnaise du groupe chocolatier suisse Barry Callebaut ont institué une holding de salariés pour impliquer le personnel, désorienté par trois cessions. Un signal de stabilité.

Son changement de dénomination sociale sonne comme un retour aux sources. À Dijon, la Chocolaterie de Bourgogne donne à ses salariés – qui viennent de vivre leur troisième cession en six ans – des signes bienvenus d’indépendance managériale. « Nous sommes maintenant une PME à part entière, nous ne sommes plus dans une logique de groupe où la cohérence des décisions nous échappait », raconte une salariée, qui a connu l’époque Nestlé jusqu’en 2007, puis celle Barry Callebaut jusqu’en décembre 2012.

Trois hommes d’affaires, dont Philippe de Jarcy, le Pdg, tous spécialisés dans le négoce agro-alimentaire, ont constitué la holding CDB pour reprendre la chocolaterie. Ils ont pris la tête d’un établissement amaigri (il est passé de 471 à 279 salariés en six ans), mais avec la garantie d’une poursuite de l’activité : Barry Callebaut a en effet signé un contrat de cinq ans pour la fourniture de 12 000 tonnes de chocolat chaque année. Un autre accord commercial en fin de vie, avec Nestlé, laisse un peu de visibilité jusqu’en 2014.

Les autres pistes se trouvent dans la grande distribution, à qui la Chocolaterie de Bourgogne va fournir des confiseries et des barres de céréales chocolatées sous marque distributeur. Le Pdg table sur 30 millions d’euros d’affaires nouvelles la première année, qui s’ajouteront au chiffre d’affaires actuel de 70 millions d’euros.

Un nouveau mode de gouvernance

Le climat social est redevenu serein, à en croire les syndicats : « La nouvelle direction s’est montrée à l’écoute des salariés », glisse une militante CGT. « En face de nous, il y a un patron avec qui nous pouvons discuter directement », abonde le délégué CFDT, Christian Bougon. L’explication de cette embellie tient aussi beaucoup au mode de gouvernance.

Les repreneurs voulaient d’emblée compter sur l’adhésion des salariés : « Nous avons davantage besoin d’associés que de clients internes », explique le Pdg. La solution de l’actionnariat salarié a été un argument décisif. Au moment du rachat de l’entreprise, CDB devait détenir 100 % du capital social de la chocolaterie. « Nous avons proposé de reverser 15 % des parts à une société holding des salariés », raconte Philippe de Jarcy. Chaque collaborateur ayant plus de trois mois d’ancienneté peut demander à détenir une action, d’une valeur nominale d’un euro symbolique. Elle lui est attribuée gratuitement. En contrepartie, il ne peut la céder qu’à la holding des salariés.

« Cette action lui donne le droit de toucher des dividendes et d’élire le président de la holding des salariés, qui siège au conseil de surveillance, poursuit-il. Cela lui procure aussi le droit d’être informé sur nos choix stratégiques. » Par ailleurs, en cas de nouvelle cession, 15 % du montant de la vente seront versés à cette entité, qui pourra les redistribuer aux intéressés. Les avantages sociaux en vigueur n’ont pas été abandonnés pour autant. Aucun accord d’entreprise n’a été dénoncé, déclare la direction. « Chez nous, le contrat social et le contrat de travail sont liés. Le salarié n’est actionnaire de la société que pendant la durée de son contrat de travail, c’est inédit », commente, pour sa part, le délégué CFDT.

Deux difficultés pratiques se sont toutefois présentées. La direction a d’abord dû apporter la démonstration à l’Autorité des marchés financiers (AMF) que la holding de salariés procéderait bien uniquement d’un don de la holding dirigeante, se souvient Philippe de Jarcy : « Elle avait essayé de classifier cette opération en appel public à l’épargne, ce dont nous ne voulions pas ! » Autre écueil à contourner : éviter que le rôle du président de cette holding, désigné par les collaborateurs, ne soit interprété comme celui d’un représentant des salariés « bis ». Le Pdg retourne l’objection en décrivant le profil du nouvel élu : un jeune agent de maîtrise, sans étiquette ni mandat syndical, « que tout le monde connaît ».

Auteur

  • L. P.