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PEUT-ON NÉGOCIER LES PLANS SOCIAUX ?

Enquête | publié le : 07.05.2013 | ÉLODIE SARFATI

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PEUT-ON NÉGOCIER LES PLANS SOCIAUX ?

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

Négociés à chaud ou à froid, des accords sont parfois conclus pour cadrer la mise en œuvre des plans de sauvegarde de l’emploi, en matière de mesures d’accompagnement ou de déroulement de la procédure. Ils préfigurent les futurs accords de PSE, que la loi sur la sécurisation de l’emploi veut favoriser.

C’est dans l’article 13 de la loi de sécurisation de l’emploi que se trouve l’une des modifications majeures introduites par ce texte adopté par l’Assemblée nationale le 24 avril dernier. Elle redéfinit les modalités de mise en œuvre des plans de sauvegarde de l’emploi.

Ainsi, à partir du 1er juillet, les entreprises devront choisir entre deux modalités : l’homologation par la Direccte d’un plan unilatéral, soumis au préalable à l’avis du comité d’entreprise, ou la signature d’un accord majoritaire sur le PSE.

Négocier le plan social ? L’idée n’est pas nouvelle. Elle passe notamment, depuis la loi de 2003, par la conclusion d’accords de méthode. Chez Texas Instruments, un accord de ce type a été signé en 2009, dans la foulée d’un premier PSE. Renouvelé en mars 2012, ce texte cadre le plan social actuellement en cours de discussion au CE. En décembre 2012, le groupe a en effet annoncé la fermeture du site de Villeneuve-Loubet (06) et le licenciement de plus de 500 salariés. « En mars 2012, nous ne savions pas que la fermeture du site serait annoncée. Mais, depuis 2009, nous ressentions une certaine insécurité, liée au fait que notre activité générait des pertes. Nous ne savions pas combien de temps notre groupe nous laisserait pour tenter d’atteindre l’équilibre. Du coup, en 2009, tout le monde acceptait de signer cet accord, qui entérine les mesures d’accompagnement du PSE de 2008 comme socle de base », explique Frédérique Sanna, la DRH France.

Obtenir des garanties

La plupart du temps, les négociations sont lancées alors même que les procédures ont démarré. Comme à PSA (lire p. 24), ou encore SFR. Chez l’opérateur de télécommunications, l’accord de méthode a été négocié en janvier, mais le plan de départs volontaires (PDV) avait été annoncé dès l’été 2012, et le livre 1, avec le chiffrage des postes supprimés (1 123), présenté au CE fin novembre. « Nous étions d’abord dans le front du refus, mais, par la suite, des rumeurs de changement de direction nous ont fait craindre des mesures plus draconiennes. On s’est dit qu’il valait mieux obtenir des garanties », relate Jean-Luc Martin, délégué syndical central CFE-CGC. Il est signataire, avec l’Unsa, des deux accords finalement signés : l’un fixe les conditions du PDV actuel, l’autre est un accord-cadre, valable jusque fin 2014. « Si nécessaire, nous pourrons négocier un accord de PDV dans le cadre de la future loi, à partir de cette base », souligne Marie-Christine Théron, directrice générale RH de SFR.

Pour elle, avoir négocié à froid les mesures sociales permettra aussi d’être « moins dans l’émotion », le cas échéant. Frédérique Sanna, de son côté, souligne que « lorsque le PSE est annoncé, c’est sécurisant pour les salariés de savoir quelles conditions de départ leur seront appliquées. L’accord permet de ne pas partir dans l’inconnu ». Mais l’argument ne convainc pas forcément les représentants du personnel. Chez GSK, les dernières restructurations ont été mises en œuvre par la seule consultation des instances : « La stratégie du groupe change tellement vite qu’il semble aujourd’hui difficile de signer un accord à l’avance, qui risquerait de ne pas être en phase avec la restructuration », estime Guislain Lebrun, délégué syndical CFE-CGC.

Notion renforcée de partenariat

Pour les syndicats signataires, les accords de méthode permettent d’améliorer les mesures du PSE, en particulier sur le volet volontariat. Chez SFR, « nous avons renforcé la notion de volontariat et acté, dans l’accord sur le PDV, que les réorganisations ne se mettront en place que si les salariés concernés acceptent une mobilité, explique Jean-Luc Martin. Et l’accord-cadre prévoit une période de volontariat de quatre mois pour les éventuels futurs plans ».

Chez Soitec (lire p. 24), les syndicats ont obtenu l’engagement qu’il n’y aurait pas de licenciements contraints dans l’accord de méthode négocié fin 2012, qui définit aussi des mesures alternatives au licenciement, comme les mises à disposition. « Être signataires de l’accord nous donne plus de légitimité pour suivre la mise en œuvre de ces mesures », ajoute la déléguée syndicale CFE-CGC, Geneviève Eyraud.

Pour les employeurs, ces accords permettent surtout de fixer les délais de la procédure. À la BNP Paribas, c’était d’ailleurs l’objet de l’accord signé avec le SNB CFE-CGC en décembre 2011, après la présentation aux instances d’un plan de départs volontaires dans la banque d’investissement. « Il fallait aller vite, car les salariés étaient très inquiets pour leur avenir et avaient le moral dans les chaussettes, justifie Joël Debeausse, le délégué syndical national adjoint. En tout, la procédure a duré trois mois et demi. »

Pourtant, il arrive que malgré l’accord, tout ne se déroule pas comme prévu. Chez Texas Instruments, le calendrier qui avait été défini (90 jours) « a dérapé, déplore Frédérique Sanna. Il n’était qu’incitatif, et nous n’avions pas encadré les délais du CHSCT, qui a mis du temps à désigner son expert ». À la Fnac Relais, la signature de l’accord n’a pas éteint les contestations judiciaires (lire p. 27).

Peu d’intérêt pour les accords de méthode

De manière générale, les accords de méthode restent peu usités : ils ne concerneraient guère plus de 10 % des PSE, évaluent la plupart des observateurs. Pour être négociés, ils nécessitent, c’est vrai, que le dialogue social soit déjà ancré dans les pratiques de l’entreprise, observe Annette Jobert, sociologue au CNRS (lire l’interview p. 26). Pour Martin Richer, consultant en RSE, l’intérêt pour les accords de méthode s’est en fait « effrité avec le temps. Parfois, ils ont été utilisés pour diminuer les droits des IRP. Et la crise a réduit les marges de manœuvre de tous les acteurs ».

Chez Pfizer, l’expérience a laissé un souvenir amer aux syndicats. « Nous avons eu le sentiment de trop enfermer le CE dans le calendrier et, pour les réorganisations suivantes, nous n’avons plus voulu négocier d’accord qui fixe les délais d’emblée. Le dialogue social ne s’y prête pas non plus », explique Thierry Lannes, délégué syndical central CFDT. Comme beaucoup, il estime que « la menace de faire durer l’information-consultation est plus efficace pour obtenir des améliorations ».

Délais fixes

Mais c’est justement cette stratégie que la future loi vise à rendre caduque, en prévoyant des délais fixes au terme desquels l’avis des instances sera « réputé rendu ». Patrick Pierron, secrétaire national CFDT, qui a négocié l’ANI du 11 janvier 2013, veut croire, toutefois, que « le rapport de force sera meilleur dans la négociation qu’en utilisant le temps comme levier d’action, ce qui précarise les salariés ». Car les entreprises auront intérêt à conclure un accord de PSE, estiment les avocats patronaux, jugeant la procédure alternative d’homologation trop incertaine (lire ci-dessous).

Alors, les directions suivront-elles cette voie ? D’après le baromètre Défis RH 2013 Entreprise & Carrières/ANDRH/Inergie, 4 DRH sur 10 trouvent « pertinent » le fait de négocier un accord en cas de PSE, et la même proportion pense que cela n’aura pas de conséquence particulière pour leur entreprise. « L’accord, ajoute Patrick Pierron, ne sera possible que s’il y a un diagnostic partagé et une transparence des informations, que rendra possible la base de données économiques prévue par l’ANI et la loi. »

Mais, il le reconnaît, faire des PSE un objet de concertation sociale, a fortiori obtenir la signature de syndicats représentant plus de 50 % des salariés, c’est encore « un pari ».

L’ESSENTIEL

1 L’accord collectif va devenir une voie de mise en œuvre des plans de sauvegarde de l’emploi.

2 Mais déjà, dans plusieurs entreprises, les mesures du PSE sont négociées avec les syndicats, comme à PSA.

3 Les accords de méthode, qui permettent aussi de fixer les délais de la procédure, ne concernent qu’environ 10 % des plans.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI