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Participation des salariés et crédit d’impôt recherche

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 07.05.2013 |

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Participation des salariés et crédit d’impôt recherche

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Le Conseil d’État(1) vient de juger que la documentation publiée par l’administration fiscale, précisant que l’impôt sur les sociétés retenu pour le calcul de la réserve spéciale de participation doit être minoré du crédit d’impôt recherche (CIR), a fixé « des règles nouvelles non prévues par la loi ». La société concernée est donc fondée à demander l’annulation de cette documentation administrative.

Le Conseil d’État devait se prononcer sur les dispositions de la documentation administrative(2) qui stipule notamment que « l’impôt sur les sociétés retenu pour le calcul de la réserve s’entend, en outre, après imputation de tous crédits ou avoirs fiscaux afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable au taux de droit commun ». Il devait le faire aussi sur une décision de rescrit(3) selon laquelle « l’impôt venant en déduction du bénéfice retenu pour le calcul de la participation s’entend donc de l’impôt minoré du montant du CIR imputé sur cet impôt, ainsi que, le cas échéant, du montant de ce crédit d’impôt remboursé ».

Rappelons que la réserve spéciale de participation des salariés (RSP) est déterminée selon la formule suivante : P = (B – 5 % C) × S/VA, où B est le bénéfice fiscal diminué de l’impôt correspondant, C les capitaux propres, S les salaires et VA la valeur ajoutée.

Quelles sont les conséquences de cette décision ? Tout d’abord, le montant de la réserve spéciale de participation des entreprises éligibles au CIR se trouve diminué.

Mais cette décision ne se limite pas au CIR. En effet, devraient être exclus du bénéfice fiscal de référence retenu pour le calcul de la RSP tous les crédits d’impôt imputables sur l’impôt sur les sociétés, en ce compris le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

Ensuite, sauf aménagements législatifs, les sociétés ne devraient plus être tenues dans le futur de minorer l’impôt sur les sociétés des crédits d’impôt pour calculer le bénéfice fiscal retenu pour le calcul de la RSP. Dans une décision récente(4), le Conseil d’État a jugé que l’annulation d’une instruction administrative prive le contribuable de s’en prévaloir pour des impositions dont le fait générateur est postérieur. Rappelons qu’en matière d’impôt sur les sociétés et de bénéfices industriels et commerciaux, le fait générateur de l’impôt est la date de clôture de l’exercice.

Plusieurs questions subsistent, notamment : les entreprises peuvent-elles calculer la RSP due en 2013 au titre de l’exercice charnière clos au 31 décembre 2012 en ne tenant pas compte du crédit d’impôt ?

Peuvent-elles tirer les conséquences de l’arrêt en imputant le montant de la participation versée « indûment » au titre des exercices antérieurs à 2012 sur la RSP en cours ?

Quelle sera la position des Urssaf s’agissant des montants « indûment » versés au titre de la RSP lors des exercices antérieurs ?

La première question pourrait recevoir une réponse positive si, à la date de l’arrêt (20 mars 2013), les éléments servant au calcul de la RSP n’ont pas encore été attestés par l’inspecteur des impôts ou le commissaire aux comptes ou si l’entreprise sollicite une attestation rectificative (Art. D. 3325-4 du Code du travail).

La deuxième question appelle une réponse négative, le Code du travail ne prévoyant cette faculté que dans l’hypothèse d’une rectification opérée par l’administration ou le juge de l’impôt (Art. D. 3324-40 du Code du travail). Une récupération auprès des salariés des montants « indûment » versés, outre les difficultés pratiques auxquelles elle se heurterait, serait socialement critiquable. De plus, les calculs opérés précédemment ayant été faits conformément à la doctrine fiscale alors en vigueur, la règle posée par le Conseil d’État(5), au nom du principe de sécurité juridique, selon laquelle un contribuable peut se prévaloir d’une doctrine annulée pour les impositions dont le fait générateur est antérieur à cette annulation, pourrait être invoquée.

Quant aux Urssaf, dont la position s’agissant de l’exonération dépend de la définition du bénéfice fiscal, elles devraient aligner leur position sur celle dégagée par le Conseil d’État dans les deux arrêts rappelés ci-dessus.

Christian Nouel et François Vergne, avocats associés au cabinet Morgan, Lewis & Bockius, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.

(1) CE 20 mars 2013, n° 347633.

(2) Doc. adm. 4 N 1121.

(3) Rescrit n° 2010/23 (FE) du 13 avril 2010.

(4) CE, 8 mars 2013, n° 353782.

(5) Arrêt précité du 8 mars 2013.