L’État providence et la financiarisation de l’économie auront contribué au même résultat : installer nos concitoyens dans l’idée que le travail et les revenus ne sont pas forcément connectés et que l’on peut vivre de ses rentes. Certes, les prestations versées par les régimes d’assurance sociale et les plus-values financières ne procèdent pas de la même logique. Elles peuvent concerner des revenus incommensurables quant à leurs montants, mais elles contribuent pareillement à faire accroire que le travail n’est pas l’unique source de subsistance des individus.

L’auteur, professeur à l’EM Lyon et directeur de l’Institut français de gouvernement des entreprises, s’attaque à cette abstraction de l’argent, qui aveugle aussi bien les économistes que les peuples, pour défendre le travail vivant, c’est-à-dire le travail réel (l’argent ne travaillera jamais pour nous) et celui qui humanise, dans la mesure où il enracine l’homme dans la société et le monde. Pour l’auteur, le travail n’est pas une condamnation ni même quelque chose de vaguement honteux dont il conviendrait de s’émanciper pour être enfin libre, c’est la condition même de notre être au monde et de notre maîtrise des contingences objectives. Nous ne sortirons donc de la crise qu’en remettant patiemment et obstinément le travail et le travailleur au centre du jeu économique et social. Et ce, tout d’abord en reconnaissant au travailleur sa dimension inaliénable de sujet du processus de production.

Un ouvrage inspiré, qui promet certes aux hommes de la sueur, mais sans larmes, puisque travailler est, pour l’auteur, ce que nous pouvons faire de plus noble et de plus exaltant.

Le travail invisible

Pierre-Yves Gomez, François Bourin éditeur, 260 pages, 22 euros.