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« Il faut éviter les aménagements déconnectés de l’activité »

Enquête | publié le : 30.04.2013 | VIRGINIE LEBLANC

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« Il faut éviter les aménagements déconnectés de l’activité »

Crédit photo VIRGINIE LEBLANC

E & C : La plupart des projets d’aménagement des espaces de travail comportent aujourd’hui des open spaces. Comment ont-ils évolué pour être mieux acceptés par les salariés ?

L. P. : On observe que, dans les nouveaux aménagements, beaucoup d’entreprises tendent à éviter les erreurs des années 1970-1980, qui ont vu se développer d’immenses plateaux regroupant une centaine de salariés, sans cloisons. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Là où les nouveaux projets se déroulent bien, les plateaux sont divisés en sous-parties, avec des espaces cloisonnés ou semi-cloisonnés de dix personnes environ, sans effet de masse et avec des espaces plus aérés.

E & C : Comment faire pour que les conditions de travail soient davantage prises en compte ?

L. P. : Il est préférable de conduire le projet en plusieurs étapes et de commencer à dialoguer le plus en amont possible. En cas de déménagement, par exemple, organiser d’abord un échange avec les salariés, le CE et le CHSCT sur la localisation du transfert. Dans un second temps, prévoir une consultation sur l’aménagement des locaux, et non pas livrer un projet clé en main à la fin, sans marge de manœuvre possible. Procéder par étapes évite des situations où, par exemple, une entreprise avait séparé d’un étage deux services collaborant en permanence, ou encore celle d’une entreprise qui n’avait pas anticipé les besoins différents de ses salariés en termes d’archivage, ou d’une autre qui avait choisi le même mobilier pour tous, alors que les besoins étaient différents selon les métiers. Toutefois, en acceptant d’écouter les salariés, les entreprises doivent accepter d’aborder les questions essentielles, l’aménagement des postes, le bruit, la proximité de collègues, la densité plus ou moins forte de l’espace, et non pas se contenter de demander leur avis sur le mobilier et les revêtements de sol. L’association en amont des grands choix permet de mieux anticiper la répartition des bureaux en fonction des services, d’apprécier au plus juste le nombre de salles de réunion nécessaire et les espaces dédiés au travail isolé, ainsi que les besoins en espaces collectifs.

E & C : Avez-vous constaté des différences d’approche en fonction des pilotes de projet ?

L. P. : Selon le profil du pilote du projet, que ce soit le directeur administratif et financier, les services généraux ou le DRH, le résultat ne sera pas le même. Si le projet est traité d’un point de vue uniquement financier et vise en priorité à diminuer les coûts immobiliers, les RH devront s’y conformer sans avoir leur mot à dire. Si elles sont sollicitées, mais trop tard, elles ne pourront avoir qu’un rôle d’accompagnement. L’idéal est qu’elles soient impliquées très tôt. Les entreprises doivent avant tout éviter les aménagements déconnectés du travail réel et de l’activité. Les meilleurs résultats sont obtenus par celles qui en font d’abord un projet humain, et non pas technique, qui doit s’accompagner d’une vraie démarche de conduite du changement. Les meilleurs projets sont ceux qui, au-delà de leur qualité technique ou esthétique, intègrent le salarié et son travail réel non pas à l’issue du projet, mais comme point de départ.

E & C : Comment percevez-vous l’option prise par certaines entreprises des bureaux partagés, ou desk sharing ?

L. P. : L’enjeu est uniquement de gagner des mètres carrés. Ce type de bureaux pose plusieurs problèmes : le salarié doit réserver sa place, il travaille à côté d’autres salariés qu’il ne connaît pas, il n’est plus inséré au sein d’un collectif et, pour le manager, c’est un vrai casse-tête s’il compte réunir ses équipes dispersées dans un bâtiment pour une réunion informelle. La dépersonnalisation de l’espace de travail peut être aussi un frein à la venue sur le site des collaborateurs, qui auront tendance à rester chez eux. Ce type d’aménagement peut fonctionner pour des populations très nomades, mais quand les salariés viennent dans l’entreprise, ils doivent retrouver des points d’ancrage, notamment pour échanger avec leurs pairs. Si le desk sharing n’est pas bien étudié en amont, c’est une vraie catastrophe aux plans individuel et collectif.

Auteur

  • VIRGINIE LEBLANC