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Les emplois d’avenir séduisent peu à peu

Actualités | publié le : 30.04.2013 | STÉPHANIE MAURICE

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Les emplois d’avenir séduisent peu à peu

Crédit photo STÉPHANIE MAURICE

Associations et secteur public n’ont pas forcément l’habitude de recruter des jeunes peu ou pas qualifiés, ceux visés par le dispositif des emplois d’avenir. La mise en place, complexe en termes d’ingénierie RH et d’accompagnement, prend plus de temps que prévu.

Six mois après leur démarrage, les emplois d’avenir n’ont pas le succès escompté. Au 7 avril, 10 887 contrats avaient été signés. Il sera difficile d’atteindre l’objectif fixé par le ministre du Travail, Michel Sapin : 100 000 jeunes embauchés à la fin de l’année. « Mais il faut regarder la dynamique, plaide Serge Kroichvili, délégué général de l’Union nationale des missions locales, chargées du pilotage du dispositif. La semaine dernière, nous avions 1 700 signatures, c’est le triple du chiffre de janvier. »

Cette montée en puissance, à marche forcée, suscite l’inquiétude des syndicats. « Les missions locales sont au bord de la crise de nerfs. Il y a une pression infernale pour faire signer le maximum de contrats en un minimum de temps, alors qu’il n’y a pas eu de renforts pour ce travail supplémentaire », alerte Serge Papp, délégué CFDT du syndicat national des métiers d’insertion (Synami). Il comprend l’intérêt de l’affichage politique et la nécessité de lutter contre le chômage des jeunes, mais il craint qu’« on fasse signer tout et n’importe quoi ».

Car le dispositif des emplois d’avenir est exigeant : le contrat, d’une durée d’un à trois ans, ne concerne que les moins de 26 ans, peu ou pas qualifiés, ou habitant une zone sensible urbaine ou une zone de revitalisation rurale. L’État prend en charge 75 % du smic brut. Les employeurs sont issus du public, du secteur associatif et de l’économie sociale et solidaire. « Je croyais que le verrou du diplôme allait sauter, mais ils n’ont pas cédé sur ce point-là », note Jean-Philippe Revel, délégué de la CGT des missions locales : 44 % des jeunes concernés sont en effet en dessous du niveau V (CAP ou BEP). « C’est sur le CDI et la durée du contrat qu’il y a eu un assouplissement », poursuit-il.

95,8 % de CDD

L’État espérait une majorité de CDI de trois ans, gage d’une insertion durable dans l’emploi : 95,8 % des emplois d’avenir sont des CDD et 56,7 % de ces derniers sont signés pour 36 mois. La RATP, par exemple, propose des contrats d’un an renouvelable pour les 400 emplois d’avenir qu’elle annonce vouloir recruter.

Serge Kroichvili en convient : « Sur le CDI, nous ne sommes pas dans la cible. » Il voit plusieurs explications à cette montée en charge progressive et à ces prises de liberté par rapport à la ligne originale. Premier frein, la crise : « Le secteur associatif souffre de la rationalisation des dépenses publiques », note-t-il.

Les collectivités territoriales aussi restent prudentes : « Elles savent qu’elles ne créeront pas autant d’emplois à terme que pour les emplois-jeunes qu’elles avaient embauchés en masse », souligne Valérie Chatel, présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités territoriales. Elle pointe une autre difficulté, celle des profils. Il ne s’agit pas juste de recruter, mais d’entrer dans une logique d’insertion et d’encadrement de jeunes éloignés de l’emploi : « Les collectivités savent que l’insertion est un processus qui demande du temps, or elles ont resserré leurs effectifs. »

Les employeurs s’avouent désarçonnés face à ces jeunes sans qualification. Les organismes de formation, CNFPT ou Uniformation, l’Opca des métiers de l’économie sociale, mettent d’ailleurs en place des formations pour les tuteurs et des préformations pour les jeunes afin de leur apprendre les règles du monde du travail. Serge Kroichvili tient cependant à démystifier : « Il faut arrêter de penser que les jeunes sans qualification sont des jeunes en difficulté. » Et veut rassurer en insistant sur l’accompagnement que proposent les missions locales avant et pendant le contrat, ce qui permet de suppléer au manque d’ingénierie RH des petites structures. Agnès Roussel, de l’Association des maires de France, pointe les difficultés des communes rurales : elles sont obligées de se rassembler pour pouvoir proposer un emploi d’avenir à temps plein, ce qui complique encore la donne. Elle réclame surtout une meilleure information des élus.

Parcours de formation

Le point fort de l’emploi d’avenir, c’est la garantie d’une formation professionnelle qualifiante. Une complexité de plus pour l’employeur, qui doit proposer un parcours de formation au jeune. Là encore, l’organisation manque de rodage. Uniformation vient tout juste d’annoncer qu’elle y consacrera 30 millions d’euros en 2013. « Nous sommes en train de construire les parcours professionnalisants pour 13 métiers que nous pensons intéressants en termes d’intégration dans l’économie sociale », précise la directrice de communication d’Uniformation, Florence Bailleul.

Tous les acteurs plaident pour un répit dans la bataille des chiffres : « Nous demandons du long terme, pour travailler en profondeur », explique Serge Papp. Les employeurs, eux, demandent des assouplissements : sur la priorité donnée aux zones sensibles, pour Agnès Roussel ; sur le niveau de qualification, pour Valérie Chatel, qui voudrait que l’emploi d’avenir s’ouvre plus largement au premier niveau de diplôme, CAP et BEP.

Auteur

  • STÉPHANIE MAURICE