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Temps de travail assoupli, mais sous contrôle

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 23.04.2013 | HUBERT HEULOT

La fusion des deux centres de lutte contre le cancer de Nantes et d’Angers a conduit à redéfinir les règles du temps de travail. La négociation a abouti à une extension des forfaits-jours et à la possibilité très encadrée d’allongement de la journée de travail.

« On a fait sauter des verrous ! » Nicole Bouwyn, directrice des ressources humaines de l’Institut de cancérologie de l’Ouest (ICO), termine satisfaite deux ans de renégociation des accords sociaux de son entreprise. Imposée par la fusion des deux centres de lutte contre le cancer de Nantes et d’Angers, cette remise à plat a permis d’harmoniser des pratiques assez disparates en matière de temps de travail. L’accord a été signé fin décembre 2012.

Forfait-jours sur la base du volontariat

Premier aménagement : la généralisation du forfait-jours, institué dans l’établissement de Nantes – où ce système n’existait pas jusqu’alors – sur la base du volontariat. « Même si la loi nous aurait permis de l’imposer, nous laissons le choix de le faire à ceux qui veulent continuer à travailler en heures, note Nicole Bouwyn. Mais pas aux nouveaux embauchés. » Incitation supplémentaire, les journées travaillées au-delà du forfait-jours sont payées 25 % de plus. La DRH a confiance dans l’adhésion du personnel au nouveau dispositif : « Dans les quinze premiers jours de janvier, 73 personnes ont signé leur avenant sur 147 concernées. Depuis, le mouvement se poursuit. L’organisation proposée est perçue comme meilleure et les garanties apportées rassurent. »

Parmi les garanties nouvelles, il y a les pointeuses. À Angers, comme à Nantes, tout le monde va pointer, à l’exception des cadres supérieurs et des médecins, au risque toutefois d’une forme de discrimination, a averti l’inspection du travail, interrogée par les syndicats.

Les usages du dispositif diffèrent : les cadres intermédiaires (infirmières-cadres et autres cadres de santé, responsables de services administratifs) restés au “forfait-heures” pointent pour contrôler leur temps de travail ; ceux qui travaillent en forfait-jours pointent pour attester de leur temps de repos, soit 14 heures consécutives au moins deux nuits par semaine et 13 heures au moins deux autres nuits, pour un repos hebdomadaire total d’au moins 48 heures. Un mécanisme inspiré par les arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a jugé à maintes reprises insuffisants les garde-fous pour le contrôle du temps de travail des salariés au forfait-jours prévus dans les conventions collectives.

À Nantes, jusqu’ici, un seul service avait fait l’expérience des pointeuses : la radiothérapie. « Le personnel avait apprécié, heureux de donner une lisibilité à ses heures supplémentaires et, pour ceux à temps partiel, de signaler leurs passages fréquents à temps plein, pendant des périodes suffisamment longues pour réclamer d’être régularisés », raconte Didier Lanoë, délégué syndical Force ouvrière, le premier syndicat de l’entreprise. Depuis le nouvel accord, les pointeuses ont fait leur apparition dans trois autres services, deux d’oncologie médicale et au bloc opératoire. L’établissement sera complètement équipé d’ici à la fin de l’année 2013.

Pour éviter les dépassements d’horaires, aucune réunion n’est désormais organisée dans l’institut avant 9 h 00 ni après 17 h 00. Une procédure d’alerte est instaurée en complément de l’examen des horaires de travail aux entretiens annuels d’évaluation. La direction des ressources humaines, informée d’une surcharge de travail par un cadre, doit trouver une solution dans les huit jours avec ses supérieurs et en liaison avec le CHSCT. « Mais on sait l’insuffisance de ces contrôles passant par la hiérarchie », lance, sceptique, Didier Lanoë. Précaution supplémentaire, les plannings de repos devront être présentés deux fois par an en comité d’entreprise.

Allongement possible de la journée

La possibilité d’allonger la journée, deuxième aménagement sensible du temps de travail, suscite moins de réserve de la part du syndicaliste. L’accord, en effet, prévoit que l’ICO puisse étendre la durée des journées de travail de 8 heures à 10 heures dans un service, à condition que, dans chaque catégorie de personnel concernée, cette décision l’emporte par plus de 60 % des votes. « Nous estimons avoir ainsi bien bordé cette souplesse d’organisation », indique le délégué FO.

Ces nouvelles règles ont été obtenues en contrepartie d’une diminution globale du temps de travail : le forfait-jours est établi à 203 jours par an – il était à 205 jours pour les cadres d’Angers – ; les 23 jours de RTT en vigueur à Nantes sont accordés à tout le monde, quand les non-cadres angevins n’en avaient que 15. Enfin, le quota d’heures annuelles diminue à 1 582 heures comme précédemment à Nantes, alors qu’il était de 1 596 à Angers.

Au final, alors que la direction se félicite d’avoir introduit davantage de flexibilité dans l’organisation générale du travail de l’ICO, les syndicats estiment s’être « sortis par le haut » d’une fusion « destinée uniquement à atteindre une masse critique de patients et un volume de recherches cliniques suffisant pour intéresser les laboratoires pharmaceutiques » et ne prévoyant donc aucun progrès social. Ils craignaient une vague de licenciements. Au lieu de cela, en deux ans, l’ICO a créé 100 emplois pour atteindre 1 100 salariés (650 à Nantes, 450 à Angers). La fusion devrait coûter 800 000 euros : 250 000 pour les créations de postes, 50 000 pour l’amélioration de la mutuelle et 500 000 provisionnés pour l’apurement des comptes épargne-temps.

Auteur

  • HUBERT HEULOT