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Comment faire émerger la créativité des salariés ?

Pratiques | publié le : 23.04.2013 | Sabine Germain

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Comment faire émerger la créativité des salariés ?

Crédit photo Sabine Germain

La réussite d’un programme d’innovation participative repose sur des règles précises : un thème de réflexion, une durée limitée et un mode de sélection transparent des idées. Moyennant ces contraintes, c’est un vecteur d’innovation efficace, bien sûr, mais aussi de mobilisation et de management.

« Démarche de management structurée visant la production, la mise en œuvre et la diffusion des idées de l’ensemble du personnel. » Dans la définition qu’elle donne de l’innovation participative, Muriel Garcia pèse chaque mot. La présidente du réseau Innov’Acteurs (association pour le développement de l’innovation participative), par ailleurs responsable du pôle Innovation participative RH de La Poste, insiste notamment sur deux notions : “démarche structurée”, « parce que la créativité n’empêche pas la méthode. Au contraire, il faut être très rigoureux ». Et “mise en œuvre”, parce qu’il ne sert à rien de laisser s’exprimer les salariés s’ils n’ont pas l’assurance que leurs idées serviront à quelque chose.

Consultante et directrice de projets au sein du cabinet de conseil Inergie, Florence Duriez ajouterait volontiers deux règles, à ses yeux tout aussi essentielles : « la transparence quant au processus de sélection des idées » et « la confiance, indispensable pour générer de la coopération ». Dans ces conditions, l’innovation participative peut être un vecteur d’innovation : « 80 % des brevets viennent du terrain, de gens qui sont au moins trois niveaux hiérarchiques en dessous de la direction générale », rappelle-t-elle. Mais c’est aussi un formidable outil de management, de mobilisation des équipes et de décloisonnement.

Pourtant, les DRH ne sont pas forcément en première ligne dans ce type de projet. En revanche, la culture managériale de l’entreprise est déterminante. Parce que les managers opérationnels ne relaient efficacement le message “innovation” que s’ils sont eux-mêmes motivés : « Un engagement fort de la direction est donc essentiel », estime Florence Duriez. Et, parce que la mobilisation des salariés ne se décrète pas, « la dynamique ne peut pas prendre dans une organisation directive et pyramidale », ajoute Muriel Garcia.

“Oser, entreprendre et innover”

C’est précisément pour réancrer sa stratégie d’innovation dans sa culture sociale que le groupe Auchan a lancé la “créative attitude” : « Nous avons voulu passer d’une logique de recherche & développement menée par des experts, trop confidentielle, à une démarche élargie, ouverte à l’ensemble des collaborateurs », explique Emmanuel Le Bouille, directeur de projets innovation. En novembre 2011, les 110 000 collaborateurs de tous les métiers (Auchan, Simply Market, Alinéa, Banque Accord, Immochan…) ont été invités, huit semaines durant, à exprimer toutes leurs idées autour d’un triptyque : “oser, entreprendre et innover”.

« Nous n’avions absolument aucune idée de ce que nous pouvions attendre », explique Emmanuel Le Bouille. Plus de 1 000 contributeurs équitablement répartis entre les différents pays et métiers ont déposé 1 084 idées. En juin prochain, le groupe procédera à un bilan, « parce qu’il est toujours important de mesurer le résultat de ce type d’opération. Nous en profiterons pour célébrer la créative attitude et valoriser les meilleures idées dans chacune des enseignes ».

Reste à régler la question du mode de valorisation des contributeurs : « Nous garantissons aux salariés qu’ils seront associés à la création de valeur de leur idée », assure-t-il. Financièrement, sans doute, mais aussi de façon plus symbolique : « Mi-2012, nous avons organisé deux expéditions dans la Silicon Valley et à Amsterdam avec une trentaine de contributeurs dont les idées et la personnalité nous ont séduits. L’expérience humaine et la découverte d’autres entreprises ont été si riches que nous prévoyons d’organiser de nouvelles expéditions. »

La question de la rétribution reste sensible. Contrairement aux idées reçues, l’argent n’est pas le meilleur moteur : « Imaginer un cérémonial de reconnaissance compte presque autant que les rétributions matérielles », estime Muriel Garcia. « C’est un sujet dont on débattra éternellement ! », sourit Florence Duriez. Chez Malakoff Médéric, on a résolu le problème de façon carrée : les trois meilleures idées sont rétribuées à hauteur de 3 000, 1 500 et 1 000 euros. Un barème présenté d’entrée de jeu, tout comme les règles de sélection des idées.

Il faut croire que la méthode a du bon : lancés en février 2012 et ouverts aux 6 000 salariés du groupe de protection sociale, les Trophées de l’initiative ont vu concourir plus de 1 200 idées. Un taux de participation record. « Malakoff Médéric a une forte culture de l’innovation, explique Vincent de Bary, directeur qualité, études et veille groupe. Nous avons eu envie de la ressourcer sur le terrain et d’en faire un sujet de management. » Mais en lui donnant un cadre bien défini, avec trois axes de réflexion : les innovations de produits et services, la communication et la relation client et, enfin, l’amélioration de la qualité de service.

« Au final, une trentaine d’idées ont été sélectionnées et soumises à un système de notation sur la base de critères objectifs – impact business, gestion du risque… Neuf projets ont émergé avec, en bout de course, trois d’entre eux choisis par 200 managers, dont le Multi pack handicap, un nouveau service destiné à faire partager aux entreprises clientes l’expertise de Malakoff Médéric dans l’intégration des travailleurs handicapés.

Diffusion des idées

« Nous ne nous sommes pas arrêtés aux gagnants, poursuit Vincent de Bary. Nous avons diffusé les idées intéressantes aux directions les plus concernées. Elles en ont retenu 300. Nous avons également pris la peine d’envoyer un mail personnalisé à tous les contributeurs pour les remercier et leur expliquer le cheminement de leur innovation. » C’est à ce genre de détail que tient le succès d’une opération d’innovation participative. Mais pas seulement : « Le délégué général de Malakoff Médéric et le comité exécutif sont intervenus à plusieurs reprises pour faire part de leur engagement. »

Chez PSA Peugeot Citroën, l’impulsion est aussi venue d’en haut : le groupe automobile a décidé d’élargir sa démarche d’innovation à différents groupes : le monde académique, les institutions, les entreprises (partenaires ou non), le grand public et les salariés. En mai 2012 et pendant huit semaines, les 80 000 salariés du groupe ont été encouragés à imaginer « de nouvelles expériences utilisateurs avec nos objets électroniques et la voiture de demain ». Baptisé Connected Users, ce challenge est doublement participatif : les salariés peuvent soumettre leurs idées, mais aussi noter, commenter et améliorer toutes celles qui sont proposées.

« Le portail Internet a reçu 8 000 visites de salariés issus de 70 sites à travers le monde, se félicite Thomas le Cardinal, chef de projet Open Innovation individus & créativité. Ils y ont déposé plus de 1 000 idées, qui – et c’est une réussite – ont fait l’objet de 3 500 “rebonds”. » Sur le millier de suggestions notées par les visiteurs de 1 à 5 étoiles, 85 ont atteint le niveau hot. Elles ont été suivies pas à pas par des spécialistes internes, chargés de susciter des commentaires et de faire émerger des pistes d’amélioration et de maturation. Puis ont été filtrées selon cinq critères : l’attractivité clients, l’avantage concurrentiel, la maturité de la solution technologique, l’alignement avec le plan stratégique et l’alignement avec les valeurs des marques Peugeot et Citroën.

À l’arrivée, un jury interne a sélectionné une douzaine d’idées. L’une d’entre elles (une application collaborative pour améliorer la conduite) a fait l’objet d’un prototype présenté en novembre à un comité d’investissement. Une idée plus futuriste (et encore secrète) sera mise en scène sous forme de storyboard. Enfin, une dizaine de trouvailles continuent d’être enrichies par une communauté d’experts. « Ce challenge a permis à tous les salariés de tous les métiers de se sentir acteurs de la politique d’innovation du groupe, explique Thomas Le Cardinal. Nous allons donc renouveler l’expérience en 2013, avant de lancer des challenges thématiques autour de communautés plus identifiées. » Ceux qui goûtent à l’innovation participative finissent souvent par y revenir…

L’ESSENTIEL

1 Demander aux collaborateurs de proposer des idées : une bonne idée à plus d’un titre… à condition d’adopter une démarche structurée.

2 Les DRH ne sont pas forcément à l’initiative de ces projets. Mais la culture de l’entreprise est déterminante, car la mobilisation des salariés ne se décrète pas.

3 La question de la rétribution reste sensible et ne serait pas le meilleur moteur. En revanche, la valorisation des contributeurs est essentielle.

Auteur

  • Sabine Germain