logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Actualités

Les seniors sont tentés de rompre le contrat

Actualités | publié le : 23.04.2013 | HÉLÈNE TRUFFAUT

Image

Les seniors sont tentés de rompre le contrat

Crédit photo HÉLÈNE TRUFFAUT

Alors que le gouvernement substitue le contrat de génération aux plans pour l’emploi des seniors, une bonne part des salariés de 44 ans et plus goûteraient bien à la rupture conventionnelle, surtout à proximité de la retraite. Il faut dire que, d’après notre 14e baromètre, leur situation dans l’entreprise ne s’améliore pas.

Une rupture conventionnelle ? Et pourquoi pas ! Les seniors aussi ont le sens de l’opportunité ; 59 % des quelque 950 salariés de 44 ans et plus interrogés dans le cadre de ce 14e baromètre pensent qu’ils pourraient être personnellement intéressés par cette forme de rupture amiable (certainement à 22 %, probablement à 37 %). Une porte de sortie que 43 % des sondés ont d’ailleurs déjà vue emprunter par la population senior de leur entreprise.

En effet, 17 % des 150 000 ruptures conventionnelles homologuées par les services du ministère du Travail au cours du premier semestre 2012 ont été signées par des salariés de 50 ans ou plus, selon la Dares*. Le baromètre montre que le dispositif tente toutes les catégories socioprofessionnelles (voir graphe ci-contre). D’ailleurs, s’ils l’avaient dans leur manche, la moitié des fonctionnaires interrogés aimeraient aussi pouvoir jouer cette carte.

« Les réponses sont en cohérence avec la réalité, souligne Pierre Cassier, responsable régional Rhône-Alpes de Menway Carrières. S’il est vrai que, pour certains, cela peut être douloureux, une rupture conventionnelle négociée dans de bonnes conditions à un ou deux ans du taux plein peut s’avérer plus avantageuse sur le plan strictement financier que le départ à la retraite. » D’autant qu’elle donne droit aux allocations chômage.

Manque de visibilité

Faute de départ anticipé, une chose est sûre : l’âge souhaité de départ à la retraite demeure fixé à 60 ans pour 57 % des seniors, comme dans le précédent baromètre ; 18 % se verraient même bien partir avant. « C’est un seuil psychologique, estime Pierre Cassier. Au fond, les gens ont parfaitement intégré la nécessité de devoir travailler plus longtemps, du moins chez les cadres et professions intermédiaires. Mais ils ne l’avoueront jamais, car ils auraient l’impression de mettre le pied dans l’engrenage. »

20 % des sondés fêteront tout de même la quille – à taux plein – à 60 ans (contre 23 % dans la précédente vague) ; 25 % partiront à 62 ans (contre 18 %) ; 11 % à 65 ans ; 8 % à 66 ans et plus. Pour un cinquième des répondants, en revanche, la date du taux plein reste un mystère. Les trois quarts des seniors n’ont, du reste, bénéficié d’aucun bilan ou information retraite au sein de leur entreprise, alors qu’ils sont 78 % à souhaiter ce type d’actions. À noter que 29 % des répondants envisagent de poursuivre leur activité au-delà de l’obtention du taux plein (ils sont 39 % chez les cadres, mais seulement 15 % chez les ouvriers). Parmi ceux-ci, 61 % invoquent une nécessité économique…

En attendant de lâcher leur activité professionnelle, les salariés de 44 ans et plus sont toujours majoritairement enclins à penser que le contrat de génération est une solution pour l’emploi des seniors. Ils sont même 63 % à être de cet avis dans la tranche des plus de 61 ans. Une idée qui séduit davantage les salariés du public (63 %) que ceux du privé (56 %). Et qui trouve l’écho le plus important parmi les professions intermédiaires (67 %), les ouvriers étant les moins convaincus (55 %). « Le contrat de génération suscite de fortes attentes, confirme Pierre Cassier. Les seniors sont concernés à double titre. Ils y voient un intérêt autant pour eux-mêmes que pour leurs enfants et petits-enfants. »

Le tutorat séduit

Et comme lors de la précédente édition du baromètre, le tutorat fait recette ; 67 % des seniors se disent prêts à être candidat. L’option est, cette fois, davantage plébiscitée par les jeunes seniors de 44-54 ans (71 %, contre 66 % à l’automne dernier) que par les plus de 61 ans (68 %, en baisse de 5 points). Sans surprise, les cadres et professions intellectuelles supérieures s’y prêteraient plus volontiers (à 76 %) que les employés (62 %) et les ouvriers (65 %). C’est parmi les salariés des entreprises moyennes (de 500 à 1 000 collaborateurs) que le taux d’adhésion est le plus fort (81 %).

Cependant, les employeurs ne semblent toujours pas s’être mobilisés sur cette question, en dépit des prochaines échéances concernant le contrat de génération (lire l’encadré ci-dessous); 81 % des répondants disent que, à leur connaissance, leur entreprise n’a rien organisé pour la transmission des compétences. Ce qui ne surprend pas le responsable régional de Menway Carrières : « Le temps consacré au tutorat n’est pas du temps de production. Pour que les choses fonctionnent, il faut que l’entreprise s’y retrouve. S’il n’y a pas de retour direct sur le compte d’exploitation, le directeur financier freinera des quatre fers. » Il reste d’ailleurs sceptique quant à un large succès du contrat de génération, cet outil pouvant tout au plus « intéresser les grandes entreprises pour une question d’image et, d’autre part, permettre la transmission des savoir-faire sur des activités artisanales ».

Plus globalement, la vie au travail des salariés seniors et la perception qu’ils en ont ne semblent pas s’améliorer du tout. Dans les faits, 78 % des répondants n’ont encore bénéficié d’aucun bilan, rendez-vous de carrière ou aide à l’orientation. Ils sont autant (79 %) à n’avoir bénéficié d’aucune promotion, changement de poste ou nouvelle affectation sur un projet depuis trois ans. Sur cette même période, les trois quarts de l’échantillon n’ont perçu aucune augmentation de salaire individuelle.

Petite consolation : 44 % des répondants ont suivi une ou plusieurs formations et ce, quelle que soit leur tranche d’âge (avec 28 %, les ouvriers sont toujours les plus mal lotis en la matière). « La formation étant financée par les Opca, l’impact est faible pour l’employeur », commente Pierre Cassier. Pour le reste, « la situation des seniors est similaire à celle des autres salariés, qui se recroquevillent actuellement sur leur acquis sans oser en demander plus, tandis que les entreprises laissent espérer des promotions… pour plus tard. »

Conditions de travail difficiles

Quoi qu’il en soit, 61 % des répondants jugent leurs conditions de travail assez difficiles (40 %) ou difficiles (21 %). C’est même le cas de 77 % des ouvriers ; 37 % ont le sentiment qu’il existe, dans leur entreprise, un harcèlement moral en raison de l’âge (12 % ne savent pas). Et, parmi ceux-ci, 82 % disent en avoir été personnellement victimes ! « Certains employeurs, c’est vrai, ne se privent pas d’utiliser un discours insidieux pour pousser leurs seniors vers la sortie. Mais on est aussi dans le domaine du ressenti, et il faut faire un parallèle avec l’insatisfaction concernant les conditions de travail, tempère Pierre Cassier. La situation est difficile pour toutes les tranches d’âge. Elle est peut-être plus dure à digérer pour les plus âgés, qui ont connu autre chose. »

* Dares Indicateurs n° 072, octobre 2012 : “Les mouvements de main-d’œuvre au 2e trimestre 2012”.

Contrat de génération

Le décret relatif aux conditions de mise en œuvre du contrat de génération est entré en vigueur le 17 mars.

Les grandes entreprises (plus de 300 salariés) doivent négocier avant le 30 septembre 2013 un accord fixant des engagements en faveur des jeunes, des seniors et de la transmission des compétences entre les générations, sous peine de sanctions pécuniaires.

Méthodologie

Baromètre semestriel “Fait-il bon être senior au travail ?”, 14e vague. Questionnaire mis en ligne sur le site Notretemps.com du 29 mars au 7 avril 2013. 948 questionnaires ont été exploités.

Auteur

  • HÉLÈNE TRUFFAUT