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Complémentaire santé pour tous les salariés, premier round

Actualités | publié le : 09.04.2013 | Virginie Leblanc

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Complémentaire santé pour tous les salariés, premier round

Crédit photo Virginie Leblanc

Au 1er janvier 2016, tous les salariés bénéficieront d’une complémentaire santé. Le premier article du projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, adopté en fin de semaine dernière, en explicite les modalités. Parmi les dispositions les plus discutées, la liberté laissée aux entreprises de choisir leur assureur.

Le 4 avril dernier, l’Assemblée nationale a adopté la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés, qui figure à l’article premier du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Au 1er janvier 2016, en l’absence d’accord de branche ou d’entreprise, l’obligation de couverture deviendra effective et les entreprises seront tenues de mettre en œuvre cette couverture de manière unilatérale. L’obligation ne concerne que les salariés mais, en pratique, les négociations pourront porter sur l’extension des garanties aux ayants droit.

Si une branche professionnelle est déjà couverte par un accord plus avantageux que la loi, aucune négociation n’a lieu d’être. En revanche, si la branche n’est pas couverte ou bien l’est par un accord inférieur, elle est tenue d’engager une négociation avant le 1er juin 2013.

Les entreprises ne lanceront donc leurs propres négociations que si leur branche n’en a pas initiées ou si elle n’a pas abouti à un accord au 30 juin 2014.

Un panier minimal de soins s’imposera également. L’ANI prévoyait qu’il couvrirait 100 % de la base de remboursement des consultations, actes techniques et pharmacie en ville et à l’hôpital, le forfait journalier hospitalier, 125 % de la base de remboursement des prothèses dentaires et un forfait optique de 100 euros par an. Un décret détaillera ce panier de soins.

Niveau des garanties

Les négociations de branche définiront le contenu et le niveau des garanties, ainsi que la répartition de la charge des cotisations entre employeurs et salariés. L’employeur devrait prendre en charge 50 % du financement.

Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la CGPME, reconnaît que, sur le terrain, « les entreprises perçoivent cette généralisation comme un surcoût et une augmentation de leur charge administrative », mais il fait valoir « que, dans beaucoup de TPE et de PME, c’est un élément de fidélisation du personnel »*. Michel Guilbaud, directeur général du Medef, indique que la disposition engendrera « un coût de 34 euros par salarié et par mois, ce qui n’est pas négligeable ».

Portabilité des droits

Autre coût à prévoir, celui de la portabilité des droits. Pascal Le Guyader, directeur des affaires sociales du Leem (Les entreprises du médicament) a déjà été interrogé par les syndicats de sa branche sur le sujet. « La gratuité pour les inactifs a un coût, dit-il, c’est 2,2 % de cotisation en plus pour les actifs. » Le projet de loi prévoit en effet la généralisation de la portabilité de la couverture santé et prévoyance, d’une durée maximale de douze mois, avec un financement assuré par un mécanisme de mutualisation. « On a donné aux entreprises plus de flexibilité pour licencier, en contrepartie, elles devront payer une part substantielle de la cotisation santé », souligne Josette Guéniau, consultante du cabinet Ki Partners, spécialisée en assurances de personnes.

Choix de l’assureur

Autre point d’interrogation pour les employeurs : quelle marge de manœuvre les grandes entreprises appartenant à des branches négociatrices auront-elles ? Pour Alain Tisserant, chargé du pilotage des institutions de prévoyance de la CFDT, « il a fallu concilier les intérêts des grandes entreprises déjà couvertes par des garanties collectives et un système de branche garantissant aux PME et TPE une réelle prise en charge des frais de santé ».

La négociation engagée dans les branches devra porter sur les modalités de choix de l’assureur. Trois options figurent dans le projet de loi, selon le rapport de Jean-Marc Germain, député PS, son rapporteur : une liberté entière peut être laissée aux entreprises de recourir à l’organisme de leur choix pour assurer la couverture d’après le contenu et le niveau des garanties que l’accord de branche aura par ailleurs définis ; l’accord de branche peut comporter des recommandations d’un ou de plusieurs organismes ; enfin, l’accord de branche peut inclure une clause de prescription ou de désignation, qui s’impose aux entreprises qui en relèvent.

C’est sur les modalités de cette généralisation que les débats se sont focalisés, et continueront d’être l’objet du lobbying des assureurs au Sénat. En cause, la transcription dans le projet de loi des termes de l’ANI. Il a été reproché au gouvernement, notamment par la FFSA et les mutuelles, de ne pas avoir respecté l’accord des partenaires sociaux en réintroduisant dans la loi les clauses de désignation, qui permettent aux branches de désigner après mise en concurrence, une complémentaire santé commune à toutes les entreprises de la branche. Une disposition qui, selon ces acteurs, favoriserait les institutions de prévoyance à leur détriment. Le ministre du Travail Michel Sapin s’est défendu en séance en insistant sur le fait qu’une liberté de choix persiste : « Il n’est pas question que telle ou telle catégorie soit propriétaire » d’un marché, a-t-il déclaré.

Actuellement, sur 52 branches couvertes, 44 le sont par des institutions de prévoyance, sept par des mutuelles et une par des contrats d’assurance, selon le rapport de Jean-Marc Germain. Mais les sociétés d’assurance réassurant en général ces contrats-là, un marché s’ouvre également devant elles.

Un avis de l’Autorité de la concurrence avait également recommandé, juste avant l’ouverture des débats parlementaires, que « les entreprises restent libres de retenir le ou les organismes de leur choix ». Elle considère aussi que « la possibilité pour les partenaires sociaux de recommander ou de désigner des organismes doit nécessairement porter sur plusieurs opérateurs (au moins deux) choisis après une mise en concurrence effective ». Elle insiste enfin sur l’impartialité de la mise en concurrence et la prévention des conflits d’intérêts. Un élément qui aura retenu l’attention des députés.

Un amendement adopté par l’Assemblée explicite les conditions dans lesquelles les branches passeront leurs appels d’offres : « Publicité préalable, fixation des modalités garantissant un consentement éclairé des partenaires sociaux lors de la désignation ou de la recommandation, règles en matière de conflits d’intérêts et détermination des modalités de suivi du régime en cours de contrat. »

Poursuite des échanges

« Nous avons déjà discuté au sein d’un groupe de travail paritaire sur le contenu du cahier des charges ; l’amendement adopté par l’Assemblée nationale va dans le sens de ce que nous préconisions, estime Danièle Karniewicz (CFE-CGC). Il faudrait aussi un lieu où on recense les appels d’offres lancés par les branches en matière de santé. » Le groupe de travail paritaire recevra les trois familles d’assureurs cette semaine ainsi que les syndicats non signataires de l’ANI pour poursuivre les échanges sur cette question.

* Propos recueillis lors d’un débat organisé par le groupe de protection sociale Klesia (regroupement de Mornay et D & O), le 3 avril dernier, avec les partenaires sociaux et les acteurs de la complémentaire santé.

AUJOURD’HUI, 64 BRANCHES SUR 240 PROPOSENT UNE COMPLÉMENTAIRE

Plus de 95 % des Français sont couverts par une complémentaire santé, 56 % sont couverts par une complémentaire individuelle et 44 % par une complémentaire collective. Environ 400 000 salariés, sur 18 millions, ne sont actuellement couverts par aucune complémentaire.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, seules 34 des 145 plus grandes branches en termes d’effectif proposent une couverture complémentaire santé à leurs salariés. Au total, 64 branches (sur un total d’environ 240) proposent une complémentaire, soit de l’ordre de 3,5 millions de salariés. Et parmi elles, 80 % ont défini des garanties sur le fondement d’une clause de prescription de l’organisme assureur.

Les TPE et PME craignent les complications, selon deux sondages

87 % des dirigeants de TPE-PME veulent rester maîtres de leurs prérogatives au sein de leurs structures, en particulier concernant les avantages et prestations destinés aux salariés en matière de protection sociale, selon un sondage April/TNS Sofres diffusé le 4 avril et réalisé auprès de 300 dirigeants d’entreprise de 1 à 49 salariés et 500 salariés d’entreprises de 1 à 49 salariés.

D’après un sondage réalisé par Ipsos pour Swisslife, 41 % des TPE interrogées sont favorables à la généralisation de la complémentaire, mais, parmi elles, 58 % considèrent que la mesure est compliquée à mettre en place.

Auteur

  • Virginie Leblanc