Autrefois inféodée au parti communiste, la CGT semble avoir pris aujourd’hui de la distance vis-à-vis de celui-ci à mesure que l’audience du parti s’étiolait. De fait, si la CGT reste certainement le syndicat français le plus emblématique d’une contestation radicale de l’économie de marché – si ce n’est le plus représenté –, il a multiplié les petits et grands pas au cours des vingt dernières années dans le sens du dialogue social avec le patronat, acceptant de signer davantage d’accords avec celui-ci qu’il n’en avait l’habitude lorsqu’il était campé sur de solides positions de classe.

L’auteure, journaliste spécialiste des questions sociales, raconte avec beaucoup de minutie et moult anecdotes cette lente mue de l’organisation depuis les années 1990 qui, bien sûr, se décline différemment entre la base et le sommet, selon les fédérations et selon les lignes de forces du rapport social. La politisation par Nicolas Sarkozy du débat sur les retraites fut cependant bien près d’inverser la tendance vers l’ouverture et le dialogue, mais pas au profit d’un repli sur les positions du PCF.

Désormais, la CGT semble ne plus avoir besoin du grand frère pour s’opposer au gouvernement et s’engager sur le champ politique comme elle l’a fait à l’occasion de la présidentielle de 2012. Si la centrale a donc bien retrouvé une certaine liberté de manœuvre, elle n’est aujourd’hui qu’à mi-gué : toujours assez frileuse dans son rapport à la recherche – notamment à la recherche en sciences sociales – et bloquée sur la défense à court terme des intérêts industriels, ce qui l’empêche souvent d’intégrer la dimension environnementale. Une analyse passionnante !

Les Vingt ans qui ont changé la CGT

Leïla de Comarmond, Denoël, 460 pages, 24,50 euros.