logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Actualités

Vent de déprime sur la formation professionnelle

Actualités | publié le : 02.04.2013 | LAURENT GÉRARD

Image

Le management français en retard sur l’accompagnement de la formation

Crédit photo LAURENT GÉRARD

DRH, responsables formation et salariés s’interrogent sur l’efficacité de la formation professionnelle. Ce n’est pas l’envie qui manque, c’est le système qui ne convient plus et le management qui ne suit pas, assure une étude Cegos.

Les dynamiques sont mauvaises et, à lire l’étude Cegos sur la formation professionnelle en Europe*, rendue publique le 27 mars, une méchante déprime guette les acteurs et consommateurs de formation dans l’entreprise française. « Est-il tout à fait prioritaire de renforcer le lien entre la politique formation et la stratégie de l’entreprise ? » « Bof », répondent les DRH et les responsables formation (RF). Une majorité d’entre eux (56 %) mettaient cette thématique en rang 1 des priorités en 2009, ils ne sont plus qu’un quart (28 %) en 2013 !

« Est-il tout à fait prioritaire de développer votre rôle de conseil vis-à-vis de l’encadrement ? » Pas plus ; 41 % mettaient ce thème en rang 1 en 2009, seuls 15 % font de même pour 2013 !

« Est-il tout à fait prioritaire de mettre en place des évaluations de l’impact et du retour sur investissement des formations ? » Encore moins, assurent les mêmes. Un quart d’entre eux (24 %) mettaient cette priorité en rang 1 en 2009, ils ne sont qu’un sur dix (12 %) en 2013 !

Priorité à la gestion

Qu’est ce qui est tout à fait prioritaire alors ? Améliorer l’administration de la formation : 44 % des DRH et des RF sont de cet avis en 2013, contre 14 % en 2009 ! Bref, la stratégie et la qualité : on n’a pas le temps, on se focalise sur la gestion.

Et du côté des salariés français ? Même coup de mou. Quand ils sont formés, ils apprécient (à 94 %). Mais seul un quart (23 %) d’entre eux estiment que les formations suivies sont très efficaces pour développer leurs compétences dans l’entreprise, contre un tiers (32 %) en moyenne européenne et 40 % en Grande-Bretagne. De même, les salariés français sont les Européens les moins demandeurs d’effort en matière de formation de la part de leur entreprise. Pourtant, une grande majorité d’entre eux (78 %) affirme que leur motivation principale pour se former est de « pouvoir mieux accomplir son travail » (dix points de plus que la moyenne européenne), puis (à 73 %) de « s’épanouir sur le plan personnel et professionnel » dans leur entreprise (au-dessus des 70 % de moyenne européenne). À quoi bon, semblent-ils exprimer.

Mathilde Bourdat, spécialiste du management de la formation à Cegos, donne une explication comparative à cette double déflation : « Il y a un malaise français vis-à-vis de la formation et une apparente bonne santé outre-Manche. Les salariés britanniques semblent bénéficier d’une alchimie à plusieurs composantes : une grande autonomie des salariés dans le choix de la formation, une grande variété des modalités de formation utilisées et, surtout, une forte implication des managers. En Angleterre, le manager suit et même pilote le processus de formation. En France, il est beaucoup moins impliqué dans le développement des compétences des collaborateurs. »

Implication du manager

Plusieurs constats chiffrés semblent valider cette analyse. Un quart (23 %) des salariés britanniques disent avoir « systématiquement » un entretien avec leur manager avant la formation afin de préciser les objectifs, contre seulement 16 % des Français (24 % en moyenne européenne). Et ce sont respectivement les mêmes pourcentages de salariés britanniques et français qui déclarent avoir « systématiquement » un entretien avec leur manager au retour de formation pour décider d’un plan de mise en œuvre des connaissances acquises !

Autres chiffres parlants : la France est celui des cinq pays européens analysés où le manager est le moins souvent source d’information sur la formation professionnelle : 41 % contre 60 % en Grande-Bretagne et 50 % en moyenne européenne. Et, à l’inverse, c’est en France que la DRH ou le responsable formation sont le plus souvent cités comme source d’information : 45 % contre 35 % en Grande-Bretagne et 39 % en moyenne européenne.

Appropriation du processus

« En Grande-Bretagne, analyse Mathilde Bourdat, le processus de formation est approprié par le management et échappe en partie à la DRH. À l’inverse, en France, la DRH construit un système qui est parfois très sophistiqué, mais sur lequel le terrain n’embraye pas. »

Illustration de ce dernier point : sur les 19 % de salariés non formés au cours des trois dernières années (en moyenne européenne), c’est en France que se trouve la plus forte part de non-formés déclarant ne pas savoir pourquoi ils ne le sont pas : 30 % contre 22 % en moyenne européenne !

Trop de complexité due à l’entassement des réformes ? Dynamique perdue de l’obligation légale ? Management culturellement déficient ? Les raisons du malaise se cumulent.

* 2 470 salariés et 600 DRH et RF de cinq pays (France, Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni) ont été interrogés.

Davantage d’e-learning et de formation mixte

Seule dynamique réellement positive dans l’étude Cegos : la multimodalité des formations progresse en France. Elle rattrape ainsi son retard sur ses voisins, mais reste néanmoins derrière. « Depuis 2011, en France, l’enseignement à distance a augmenté de + 9 points et les formations mixtes (en salle et e-learning) de + 11 points, explique Éric Segonds, manager du pôle d’expertise Formation à Cegos. C’est un réel bénéfice, puisque la multimodalité ne prend pas le pas sur la formation présentielle, qui, elle, reste stable. »

« Lorsqu’on interroge les salariés plus précisément sur la nature des formations suivies en ligne, poursuit Éric Segonds, on constate la rapidité avec laquelle les modalités évoluent : l’explosion du mobile learning, sur téléphone ou tablette, est remarquable, avec 35 % d’utilisateurs parmi les personnes qui se sont formées en ligne cette année, contre seulement 8 % en 2010. Le bond des serious games – jeux pédagogiques de simulation – est également spectaculaire, avec 40 % d’utilisateurs parmi les personnes qui se sont formées en ligne aujourd’hui contre 15 % en 2010. »

Néanmoins, les salariés français ont deux fois moins accès à la formation à distance que leurs homologues britanniques, et la formation en groupe et en salle reste le mode de formation privilégié (à 93 %) et ce, quel que soit le pays ou la taille de l’entreprise.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD