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États-UnisLE RETOUR DU MADE IN AMERICA

Pratiques | International | publié le : 26.03.2013 | CAROLINE CROSDALE

Le reshoring intéresse de plus en plus d’entreprises : depuis trois ans, 50 000 emplois délocalisés en Asie et en Amérique latine sont revenus au pays, notamment à la faveur de la réduction du différentiel des salaires entre les pays émergents et les États-Unis.

Le japonais Toshiba, qui fabrique des moteurs pour véhicules électriques hybrides, a été prié par son client Ford de se rapprocher des usines de montage aux États-Unis. Il a investi 30 millions de dollars sur son site de Houston, au Texas, et embauché en deux ans 120 personnes pour cette nouvelle unité remplaçant la fabrication au Japon. Toshiba participe ainsi du mouvement de reshoring initié par Ford pour rapatrier de la production. Matthew Bates, manager de l’usine texane, apprécie le rapprochement : « Il nous fallait auparavant six à huit semaines pour livrer nos commandes, aujourd’hui c’est cinq jours. Ford réduit ses stocks, nous aussi. »

La proximité avec le staff d’ingénieurs de la marque est un plus: « Quand on travaille au Japon, Detroit dort. Maintenant, nous vivons tous à la même heure. Nos techniciens échangent rapidement avec ceux du Michigan. On prend l’avion facilement, on a des conférences téléphoniques… et ce toute la journée. »

Garanties d’emploi

Cette tendance du reshoring avait déjà fait l’objet de débats lors de la campagne présidentielle, au profit du candidat Obama. Le secteur automobile en a profité, notamment sous l’influence du syndicat UAW qui a obtenu des garanties d’emploi lors du renouvellement des accords d’entreprise avec les grands du secteur. Mais d’autres activités sont concernées. À la fin avril, le numéro un mondial des ascenseurs, Otis, va quitter Nogales au Mexique pour s’installer à Florence, en Caroline du Sud, allégeant les coûts de transport et réunissant design et production. Bailey Hydropower a transféré la fabrication de ses cylindres hydrauliques de l’Inde au Tennessee pour réduire ses durées de livraison. Sleek Audio a déménagé sa production d’écouteurs de luxe de la Chine à la Floride pour assurer une meilleure qualité du produit final. Même les boutons de mercerie et les fermetures à glissières Scovill sont désormais made in Georgia, abandonnant la fabrication chinoise.

Le salaire en Chine en 2001 était de 28 cents de l’heure, justifiant les vagues précédentes d’offshoring des activités. Depuis, les choses ont changé. Selon une étude du groupe Hackett en Floride, le salaire moyen de l’ouvrier d’usine en Chine a cru de 10 % par an entre 2000 et 2005, et de 19 % par an les cinq années suivantes. Les Chinois ont appris à revendiquer, y compris en débrayant. Par ailleurs, les conditions de travail déplorables et dénoncées par des ONG peuvent coûter cher: la paie des employés de Foxconn Technology, qui assemblent notamment des ordinateurs Apple, a été doublée après une série de suicides dans les usines de Shenzen. Pendant ce temps, les revenus américains ont peu progressé. De quoi réduire le différentiel du coût du travail avec l’Asie.

Coûts induits

Sans compter les autres coûts de fabrication comme l’énergie, bien moins chère aux États-Unis, les coûts de transport… Harry Moser, un ancien cadre du secteur de la machine-outil, devenu responsable de la Reshoring initiative, groupe de lobbying en faveur du retour au pays des manufactures, souligne les coûts liés à la multiplication des voyages, les risques de vol de brevets, les pertes de qualité. Son organisation met en ligne un calculateur intégrant tous ces coûts induits, pour aider les industriels à mieux évaluer l’intérêt d’un rapatriement de leurs activités.

Cinquante mille emplois ont retrouvé le sol américain depuis trois ans. C’est modeste face aux 12 millions de chômeurs, aux 600 000 emplois industriels perdus sous le mandat Obama et 4,5 millions durant ceux de Bush. Mais le mouvement devrait s’accélérer. « 20 % des fabricants sont en train de mettre en œuvre des initiatives de reshoring », assure-t-on chez Hackett. Tandis que le Boston Consulting Group prévoyait, dans un rapport fin 2011, le retour de 1,3 million d’emplois directs dans le secteur secondaire d’ici à 2020, et presque quatre fois plus en tenant compte des activités induites. « L’industrie a décliné pendant trente ans pour atteindre 11 millions de salariés, note Hal Sirkin, auteur de ce rapport. Pour la première fois, nous parlons d’une hausse. J’y vois le début de la renaissance des manufactures. »

Auteur

  • CAROLINE CROSDALE