Certains ont vu dans l’État providence une parenthèse historique dans l’histoire du capitalisme. De fait, depuis les années 1980, les prérogatives de l’État ne cessent de se réduire. Les réponses aux besoins sociaux des plus pauvres servent de variable d’ajustement aux politiques de restriction budgétaires. Le libéralisme, au nom de la compétitivité dans le concert des nations, suppose clairement de satisfaire les exigences des classes favorisées au détriment d’une allocation de ressources suffisante pour tous.

Pourtant, l’État social fait de la résistance et la récente crise économique a obligé à en rabattre un peu sur la religion du laisser-faire. Le paysage est aujourd’hui contrasté: la libéralisation des marchés a été massive pour la finance et importante pour les biens et les services, mais la flexibilisation du marché du travail que les ultralibéraux appellent de leurs vœux marque le pas en Europe continentale. Si le libéralisme bénéficie clairement de la mondialisation, l’économiste Michel Cabannes explique que nous sommes aujourd’hui dans une situation étonnante, puisque le retour à l’intervention étatique tend à bénéficier à la finance et non aux salariés.

Pour l’auteur cependant, tout n’est pas dit dans la mesure où la poursuite de la crise sape la légitimité du modèle néolibéral, notamment pour les classes moyennes qui pensaient jusqu’alors avoir davantage à perdre qu’à gagner au jeu de la concurrence entre les entreprises et entre les salariés. Il n’est donc, à ce jour, pas exclu que la grande régression sociale ne finisse par déboucher sur une nouvelle grande transformation sociale.

La trajectoire néolibérale

Michel Cabannes, Le Bord de l’eau, 119 pages, 16 euros.